La relation avec EDF est très importante pour nous car il est notre premier client et représente : 25 % de notre chiffre d'affaires. Nous avons beaucoup à faire ensemble. Le rachat et la modernisation des usines du Creusot, la modernisation de Chalon, n'auraient pas de sens sans les commandes d'EDF. Nous devons pouvoir compter sur la solidarité nationale. Quant à la conquête des marchés étrangers, nous sommes en fin de négociation sur Taishan III et IV ; en Inde nous discutons également sur un modèle intégré. Et plusieurs bonnes nouvelles se profilent, dont je ne parlerai pas encore.
L'expression « chef de file » me semble un peu vieux jeu, nous ne sommes pas en file indienne mais devons travailler ensemble pour gagner ; l'obsession du chef est étrange ! Il n'y a de solutions qu'à la carte. Dans les pays où existe un électricien nucléaire, celui-ci veut choisir ses partenaires, il ne se laisse pas dicter ses choix par un Etat étranger. Les Jordaniens veulent GDF-Suez. Les Polonais avaient d'abord choisi un opérateur, avant de privilégier une technologie. Nous ne pouvons imposer nos normes et nos choix. Aux Émirats arabes unis, la France voulait vendre plusieurs choses, et non uniquement du nucléaire : elle avait sa shopping list, pendant que les Coréens étaient à l'écoute de leur client potentiel. J'étais allée voir Pierre Gadonneix, il y a longtemps, pour lui parler d'une possibilité dans les Emirats - lui me répondant qu'une puissance pétrolière n'achèterait jamais de nucléaire. Lorsque l'éventualité est devenue réalité, j'ai sollicité à nouveau EDF, car nous avions besoin d'un électricien, mais on m'a répondu que le projet n'entrait pas dans la stratégie du groupe ! Je me suis donc tournée vers d'autres, GDF-Suez, et Total, qui connaissaient bien la région.
Nous avons passé les premiers éliminatoires, mais ensuite est apparu un débat franco-français, très médiatisé, sur le deuxième EPR. Qui en serait chargé, EDF ou GDF-Suez ? J'ai indiqué à l'Elysée que cette affaire n'était pas neutre dans notre compétition. Et bien sûr, lorsque l'Etat a choisi EDF, j'ai été convoquée aux Emirats et j'ai dû expliquer pourquoi je proposais un autre électricien que celui qui, en France, gérait déjà 58 centrales et avait été choisi par le gouvernement français pour gérer les cinquante neuvième et soixantième. « On nous envoie un opérateur de seconde zone » se plaignait mon client, fort logiquement. Il voulait EDF, qui n'était pas intéressé. Lorsqu'enfin, après six mois, le groupe a accepté de s'arrimer au projet, il était trop tard. Les Coréens l'avaient emporté.
Je ne peux pas obliger EDF à se positionner dans tous les pays... L'intérêt de la France serait néanmoins d'avoir de gros investisseurs potentiels, et d'être capable d'unir les forces de ses quatre grands opérateurs énergéticiens, pour se mettre d'accord sur l'essentiel et travailler plus efficacement qu'une file de pensionnat...