Intervention de Mercedes Erra

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 6 février 2007 : 1ère réunion
Femmes et hommes dans les médias — Audition de Mme Mercedes Erra présidente exécutive de euro rscg monde

Mercedes Erra :

a estimé qu'en France, l'univers de la publicité était largement méconnu et que celle-ci était insuffisamment utilisée pour faire avancer la cause des femmes. Elle a souligné que les avancées - réelles - se heurtaient néanmoins à des blocages dans les représentations et à la prégnance des stéréotypes.

Elle a présenté la façon dont travaillaient les annonceurs, en rappelant que les clients qui engageaient une campagne de communication poursuivaient avant tout l'objectif de vendre leurs produits. Or, a-t-elle précisé, il est impossible de vendre en « forçant la main » des consommateurs, qui souhaitent que la publicité leur renvoie une image d'eux-mêmes susceptible de les valoriser. Elle a en effet expliqué qu'en règle générale, une image publicitaire ne devait pas choquer la représentation qu'on se faisait de soi. Elle a ajouté que les images rendaient compte d'un imaginaire donné à une époque donnée et que les images de la femme dans la publicité reflétaient les représentations qu'en avait l'opinion publique aujourd'hui.

a indiqué que la communication était structurée par la réalisation de tests auprès du public et que le métier était tout autant affaire d'analyse des mentalités que de créativité. Elle a fait observer que la femme était aujourd'hui incontournable dans les préoccupations des publicitaires, en raison de la place essentielle qu'elle occupe dans l'organisation de la vie quotidienne et en termes de comportements d'achat pour toute la famille.

Elle a ainsi précisé que certaines représentations étaient aujourd'hui refusées par les femmes : en premier lieu, la représentation traditionnelle de la femme en « ménagère ». Alors que celle-ci recouvre incontestablement une réalité (car la femme continue d'assumer l'essentiel des tâches domestiques, à hauteur de deux à trois heures par jour, et est d'ailleurs, de ce fait, un peu moins disponible que l'homme pour la vie professionnelle), a précisé Mme Mercedes Erra, cette représentation est rejetée par la plupart des femmes qui ne souhaitent plus être réduites à cette image. Elle a d'ailleurs noté que la représentation, désormais plus fréquente, d'hommes occupés à des tâches ménagères correspondait à une aspiration des femmes d'aujourd'hui. Elle a ajouté qu'une autre représentation de la femme était devenue problématique : celle de la femme au travail, beaucoup moins fréquente actuellement que dans les années 1980, qui avaient valorisé la « business woman ».

Elle a fait observer, en revanche, que la publicité actuelle faisait une large place à deux représentations de la femme : la mère et la séductrice. Elle a en effet indiqué que les femmes étaient généralement très à l'aise avec l'image de la « Maman », et a noté l'évolution de cette représentation, la maternité n'étant plus considérée désormais comme un obstacle à la féminité. Elle a d'ailleurs fait remarquer que de nombreuses publicités représentaient maintenant des femmes enceintes, ce qui n'aurait pas été concevable il y a quelques années. Par ailleurs, elle a également noté que l'image de la femme séductrice pouvait, sous certaines conditions, correspondre aux aspirations des femmes. Elle a expliqué le succès de certaines grandes marques françaises de cosmétiques par le recours à l'image de la femme séduisante, l'image d'une femme au physique moyen et non apprêtée ne parvenant pas à « vendre ».

a estimé qu'en France, contrairement aux pays anglo-saxons, un certain féminisme pouvait faire bon ménage avec des représentations de la femme dans la beauté et la séduction, et a noté que certains magazines féminins pouvaient ainsi publier à la fois des articles féministes et des textes ou publicités valorisant la séduction féminine. Soulignant cette spécificité française, elle a considéré que les annonceurs, dont la priorité est de respecter les attentes de leurs clients, ne pouvaient être, dans ce contexte, les initiateurs d'une évolution des mentalités.

Admettant qu'il pouvait néanmoins subsister quelques dérapages dans l'utilisation de l'image de la femme dans la publicité, elle a mis l'accent sur le rôle indispensable de l'autorégulation et des règles déontologiques établies dans le cadre du BVP. Elle a cependant estimé qu'une même publicité pouvait engendrer des réactions différentes et apparaître ou non choquante, selon qu'elle était affichée dans un espace public ou seulement diffusée dans des magazines. En outre, elle a attiré l'attention sur l'apparition, encore limitée, de revendications de type religieux concernant certaines exigences relatives à la représentation du corps humain. Elle a expliqué que, pour réfléchir de façon impartiale à ces problèmes, le BVP avait créé en son sein un groupe de travail sur le respect de la dignité de la personne humaine et mis en place un Conseil de l'éthique publicitaire.

En conclusion, élargissant son propos, Mme Mercedes Erra a estimé que la situation en matière de droits des femmes, en France, connaissait un certain retard. Elle a notamment évoqué la grande pénibilité du travail pour de nombreuses femmes et les inégalités salariales, à qualifications égales, l'égalité parfaite atteinte au niveau de la scolarité ne se retrouvant pas ensuite dans la vie professionnelle. A ce propos, et après avoir évoqué son activité au sein de l'Association des diplômés d'HEC, elle a fait part de sa crainte d'un certain retour en arrière et a souligné que les étudiantes exprimaient souvent leurs inquiétudes sur leur capacité future à concilier leur vie professionnelle et leur vie familiale, cette conciliation, difficile à organiser, étant indéniablement une charge très lourde. Elle a, en même temps, fait observer qu'en revanche les garçons ne s'interrogeaient jamais sur cette question. Elle a déploré une logique de culpabilisation des femmes, notamment à l'occasion de leurs congés de maternité, concomitante à une déculpabilisation des hommes, et a regretté la persistance de stéréotypes, comme celui selon lequel les jeunes filles ne seraient pas douées pour faire des études scientifiques.

Elle a toutefois estimé que les annonceurs pouvaient contribuer à faire évoluer les mentalités grâce à la valorisation des comportements éthiques de certaines entreprises, et a cité la remise par l'une d'elles d'un prix sur le thème « Femmes et sciences ». Elle a aussi rappelé que Mme Nicole Ameline, alors ministre en charge de la parité, avait repris l'un de ses propos, selon lequel, pour parvenir à l'égalité, il fallait « juste le vouloir ».

Elle a considéré que s'il existait des éléments permettant de vérifier que les images publicitaires ne présentaient pas un caractère dévalorisant pour la femme, il était toutefois difficile de définir avec précision ce qui était dévalorisant ou non, cette appréciation relevant parfois d'une grande subjectivité.

Par ailleurs, elle a précisé que les métiers de la publicité étaient « soi-disant féminisés », mais que le problème était, là comme ailleurs, de faire accéder les femmes aux postes de responsabilité, soulignant l'importance du rôle de « modèle » joué par celles parvenues au sommet de la hiérarchie.

Elle a estimé que la faible proportion des femmes à un niveau hiérarchique élevé expliquait que leurs propos soient parfois considérés comme des « histoires de femmes », mais que ce phénomène disparaîtrait naturellement lorsque la parité serait atteinte, ce qu'elle cherchait pour sa part à obtenir à tous les niveaux au sein de son agence de publicité.

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