Après avoir rappelé que la commission des affaires économiques avait effectué des missions en Roumanie et Bulgarie en 2004, puis en Lituanie et Estonie en 2005, M. Gérard César a indiqué qu'une délégation de la commission s'était rendue en Hongrie, du 10 au 13 juillet 2007, à l'occasion du troisième anniversaire de l'entrée de ce pays dans l'Union européenne. Il a précisé qu'il était accompagné de quatre collègues, Mme Odette Herviaux, MM. Philippe Dominati et Rémy Pointereau et M. Christian Gaudin, qui avait depuis rejoint la commission des finances.
Il a présenté l'objectif de cette mission : faire le bilan de l'intégration de la Hongrie au sein de l'Union européenne et cerner ses perspectives d'évolution économique. Il a indiqué que la délégation avait rencontré à Budapest des parlementaires hongrois de différentes sensibilités politiques, ainsi que des acteurs économiques de l'agriculture, de l'industrie, des services, et noué d'autres contacts fructueux en différents points de la Hongrie, du nord-est où elle avait découvert la région du Tokaj, jusqu'au sud-ouest. Enfin, la délégation a pu participer le 13 juillet 2007 aux cérémonies d'ouverture de l'année économique de la France en Hongrie, destinée à consolider la dynamique économique franco-hongroise apparue ces dernières années.
Il a déclaré que l'impression la plus saillante retirée de cette mission était que la Hongrie, petit pays de 10 millions d'habitants et de moins de 100.000 km2, se distinguait parmi les nouveaux entrants dans l'Union par sa position très favorable, tant au plan strictement géographique qu'aux plans économique, culturel et historique. Déjà bien intégrée dans l'Union européenne au plan économique, la Hongrie traverse toutefois une période de réformes profondes, nécessaires mais périlleuses. M. Gérard César a néanmoins jugé que cette cure d'austérité ne devrait pas pour autant porter atteinte au potentiel considérable que représente ce pays pour nos entreprises, ce qui justifiait l'intitulé retenu pour le rapport de mission: « La Hongrie, un partenaire stratégique pour l'économie française ».
Présentant d'abord brièvement le bilan de l'intégration de la Hongrie dans l'Union européenne, il a estimé cette intégration économique déjà très avancée et présenté la Hongrie comme un pays attractif, ouvert et compétitif :
- un pays attractif : les privatisations qui ont suivi le changement de régime ont attiré de nombreuses sociétés multinationales et les investissements directs étrangers (IDE) se sont élevés à plus de 50 milliards d'euros entre 1990 et 2006. La Hongrie se situe au cinquième rang en termes d'attractivité des IDE dans l'UE à 25. Comme l'ont confirmé les conseillers du commerce extérieur français rencontrés à la mission économique, ces investissements directs étrangers en Hongrie ne relèvent pas du mouvement de délocalisation. La Hongrie attire plutôt pour son réseau dense de fournisseurs, ses infrastructures modernes de transport et de télécommunications, son environnement des affaires adapté aux besoins des entreprises et sa main-d'oeuvre formée ;
- un pays ouvert et compétitif : ces multinationales ont inséré très rapidement la Hongrie dans les échanges européens, puisque la Hongrie réalise 70 % de ses échanges avec l'Union européenne. Les exportations hongroises représentent près des deux tiers du PIB et tirent la croissance, qui tourne autour de 4 % en moyenne par an. Les exportations hongroises reposent essentiellement sur trois pôles industriels : l'automobile, l'électronique et les télécommunications et enfin, la pharmacie.
a toutefois tenu à nuancer ce portrait flatteur, en évoquant notamment le déficit public hongrois, qui a atteint 9,6 % en 2006. La situation des finances publiques s'est en effet progressivement dégradée, si bien que la Hongrie ne satisfait à aucun des critères de Maastricht. Elle a dû engager un plan d'austérité permettant d'envisager son entrée dans l'euro en 2013, au mieux. Pour accroître les recettes publiques et diminuer les dépenses, trois secteurs doivent faire l'objet d'importantes restructurations : la santé, l'éducation et l'administration. Si ce plan porte ses premiers fruits, au prix d'un ralentissement de la croissance, la mise en place des mesures structurelles est difficile, surtout dans le secteur de la santé. M. Gérard César a fait observer que ce point avait été souligné par les députés hongrois : MM. Podolak et Latorcai, vice-présidents de la commission des affaires économiques, le premier, socialiste de la majorité gouvernementale, le deuxième, membre de l'opposition, n'ont pas caché leur inquiétude. De fait, la coalition socialiste-libérale au pouvoir perd sa popularité et se divise. L'opposition, pour sa part, a entrepris de faire pression pour que soient organisés des référendums d'initiative populaire sur les points les plus controversés des réformes.
a considéré que, dans ce contexte économique dynamique, mais fragile, la France tenait déjà une place importante, rappelant que tel fut déjà le cas du temps de la dynastie des Anjou, Charles-Robert puis son fils Louis-le-Grand ayant régné sur la Hongrie au XIVe siècle. Il a noté que c'était surtout depuis 1997 que la France, en soutenant constamment la candidature de la Hongrie à l'Union européenne, s'était rapprochée de la Hongrie. Il a pourtant remarqué qu'était toujours sensible la blessure que le traité de Trianon, imputé à Clemenceau, avait infligée à la Hongrie en 1920 en l'amputant des deux tiers de son territoire. Revenant au récent rapprochement bilatéral, il a indiqué qu'il se traduisait aux plans politique, diplomatique mais aussi économique, technique, administratif et culturel.
Particulièrement attentif à l'aspect économique, il a jugé les relations franco-hongroises déjà assez intenses : la France est le quatrième fournisseur de la Hongrie, mais aussi son quatrième client. Au sein des nouveaux pays membres, la Hongrie demeure le troisième marché client de la France (après la Pologne et la République tchèque), et son deuxième fournisseur, derrière la Pologne. Les échanges entre la France et la Hongrie se font essentiellement dans l'industrie (en particulier les secteurs automobile, électrique et électronique), les produits agricoles et agro-alimentaires représentant un point faible des échanges bilatéraux. Evoquant à ce sujet la visite d'une grande ferme, ancienne propriété d'Etat, il a expliqué que la Hongrie, aujourd'hui confrontée à la qualité des produits agricoles de l'Ouest, n'était pas encore en mesure d'exporter vers nos marchés, d'autant qu'elle ne transformait quasiment pas la production agricole de base, qu'elle peut pourtant fournir en abondance.
Concernant les investissements, il a précisé que la France était déjà assez présente en Hongrie et se plaçait au quatrième rang des investisseurs étrangers. La présence française se trouve concentrée dans les secteurs des services (grande distribution : Cora, Auchan, hôtellerie : Accor, banques : BNP-Paribas, Société générale, LCL), de la production agroalimentaire (Danone, Bonduelle, Epis France), de l'énergie (EDF, GDF), de l'automobile (Peugeot, Renault), ainsi que ceux de l'environnement (Suez) et des nouvelles technologies de l'information et de la communication (Vivendi). Il s'est enfin attardé sur la pharmacie, dans la mesure où la délégation avait visité le centre de recherche de Sanofi-Aventis à Budapest. Il a rapporté les propos de M. Frédéric Ollier, PDG dynamique, qui avait indiqué que Sanofi avait investi près de 600 millions d'euros en Hongrie, rachetant un groupe local et misant sur la qualité des chercheurs hongrois. Mais il avait aussi fait valoir que Sanofi-Aventis acquittait environ 60 millions d'euros d'impôts et de charges sociales, dont le poids croissant, notamment du fait de la taxe de solidarité sur le bénéfice des entreprises (4 %) instaurée dans le cadre du plan d'austérité, l'inquiétait.
a estimé que cet exemple montrait que la présence française était devenue essentielle au bon fonctionnement de l'économie locale. Il a d'ailleurs relevé qu'une dizaine de grands contrats avaient été remportés par des groupes français, surtout depuis deux ans (extension du métro de Budapest par Alsthom, unité de traitement des eaux usées de la capitale par Veolia...).
Mais, au-delà de l'économie, M. Gérard César a déclaré que la délégation avait pu percevoir d'autres liens tissés par la France avec la Hongrie :
- des liens de coopération décentralisée d'une part, aboutissant à la création de pôles de compétitivité « à la française », comme à Miskolc, pôles sans doute trop diversifiés d'ailleurs, ou à des échanges, notamment universitaires, comme entre le département de Veszprem et le département du Maine-et-Loire ;
- des liens culturels d'autre part, à travers l'exemple de la famille Karolyi qui a quitté son château, situé au sud de Budapest, en 1944. Ce château, où la délégation a été reçue, a servi d'orphelinat avant d'être laissé à l'abandon. Le petit-fils du comte Gyorgy Karolyi, bâtisseur du château au XIXe siècle, a renoué, depuis la France, avec ce passé familial et le transforme aujourd'hui en centre culturel de rencontres destinées à promouvoir l'ouverture de la Hongrie sur l'Europe.
a ensuite évoqué une autre expression d'une parenté culturelle entre la France et la Hongrie : la culture du vin dans la région de Tokaj, découverte avec grand plaisir par la délégation, qui y a rencontré de nombreux français venus en Hongrie lors des privatisations pour renouer avec la tradition prestigieuse du vin de Tokaj : ce vin des rois, « roi des vins » comme l'a dit Louis XIV, est élaboré avec des grains Aszu, dont la pourriture noble lui donne ce goût si exceptionnel. La délégation a visité de grandes exploitations viticoles, dans lesquelles ont investi de grands groupes financiers tels Axa, où la tradition et l'économie s'entendent pour rendre à la Hongrie une ambition exportatrice mondiale de vins.
Mais M. Gérard César a surtout fait observer que de nouvelles opportunités se dessinaient en Hongrie, que la France ne saurait manquer. En effet, la Hongrie devrait recevoir 22,4 milliards d'euros de fonds européens pour 2007-2013 pour lui permettre de combler son retard par rapport aux autres pays de l'Union, de développer ses infrastructures et d'améliorer son attractivité. Pour pérenniser la position des entreprises françaises sur les grands contrats hongrois qui s'annoncent dans les domaines des transports, de l'environnement et de l'énergie, la France doit rester mobilisée. Lors de la réunion tenue à la mission économique de Budapest, M. Gérard César a insisté sur l'utilité qu'aurait, dans ce but, la venue en Hongrie de grands patrons français, voire de la présidente du MEDEF, pour rencontrer leurs homologues, par exemple dans le sillage d'un déplacement, attendu en Hongrie, de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. En matière énergétique notamment, M. Gérard César a relevé que, lors de son entretien avec la délégation, la filiale hongroise de GDF avait fait part de son intérêt pour le projet Nabucco de gazoduc de 3400 km devant permettre de diversifier l'approvisionnement énergétique de l'Europe de l'Ouest et de faire venir du gaz d'Asie centrale via la Hongrie.
Rappelant que le Président de la République s'était rendu en Hongrie le 14 septembre dernier, tout en regrettant qu'il ne se soit pas rendu dans sa commune d'origine, dont la délégation avait rencontré le maire, M. Gérard César a relevé que, devant le Parlement, M. Nicolas Sarkozy avait appelé de ses voeux un partenariat stratégique avec la Hongrie. M. Gérard César a également jugé que la France devait accompagner la réforme à l'oeuvre en Hongrie et faire fructifier la collaboration franco-hongroise avec des projets « tremplins » vers les Etats candidats (Croatie), les Etats voisins ou des Balkans occidentaux. Il a conclu que la Hongrie était une plate-forme ou encore un « hub » à vocation régionale qui ouvrait des opportunités réelles pour nos entreprises dans toute l'Europe centrale.