Intervention de Pierre Cardo

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 29 mars 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Pierre Cardo président de l'autorité de régulation des activités ferroviaires araf

Pierre Cardo, président de l'ARAF :

Je vois avec plaisir que nos avis sont attentivement lus...

Je suis plutôt favorable au principe du cadencement, mais il faut se pencher sur la question de sa mise en oeuvre - même s'il est vrai que ceux qui s'y opposent ont tendance à en exagérer les difficultés. Le cadencement, avec ses horaires clairs, présente bien des avantages pour les usagers, pour les entreprises ferroviaires, dont il facilite les tâches de gestion. La question qui se pose est cependant la suivante : l'état du réseau permet-il sa mise en oeuvre ? De là à considérer qu'il coûtera à terme plus cher aux entreprises ferroviaires, il y a toutefois un pas. Comprenez que l'action de l'ARAF vise à faire en sorte que l'usager s'y retrouve, que l'ouverture du marché soit facilitée et que l'utilisation du réseau soit optimale. Ce qui nous porte à juger que tout ce qui se dit sur les obstacles au cadencement n'est pas justifié. Il y a plutôt un problème d'investissement.

Les sillons précaires ? Comment, en effet, gérer le ferroviaire dans ces conditions ? Un tel système finit par engorger le dispositif parce que les opérateurs, n'étant pas sûrs du résultat présentent des demandes par précaution. Au point que RFF ne parvient plus à gérer. Nous lui avons donc demandé de limiter cette procédure, qui par surcroît présente un risque de recours contentieux. La SNCF connaît les indisponibilités mieux que les autres opérateurs, qui pourraient arguer d'une discrimination, d'une concurrence faussée.

On veut développer le fret ferroviaire, mais si l'on considère les difficultés auxquelles se heurtent les entreprises, on comprend qu'elles finissent par préférer la route. Il ne suffit pas d'être moins cher, encore faut-il acheminer les marchandises comme prévu. Il faudra régler le problème, mais en gardant présent à l'esprit qu'il comporte une dimension humaine et sociale - et je sais d'expérience que l'on avance mieux dans un climat apaisé que dans le conflit.

La force majeure doit, en effet, être clairement définie. Sinon, il est facile de se dédouaner du remboursement du prix du sillon. Voyez ce qui prévaut en Grande-Bretagne. Le remboursement est de droit et une amende pour perte potentielle de l'entreprise est possible. Si l'on en vient à une harmonisation européenne, autant que RFF s'y prépare.

Sur le tarif des gares, nous avons fait des remarques. Les chiffres qui nous sont fournis ne sont pas justifiés comme ils auraient dû l'être. La comptabilité analytique n'est pas simple, tant l'entité Gares et Connexions reste imbriquée dans la SNCF. Si l'on se faisait l'avocat du diable, on pourrait craindre que, pour s'assurer un maximum de recettes, l'entreprise ne majore au maximum les tarifs. Pour les sociétés qui appartiennent à la SNCF, comme Eurostar détenue à 55 %, l'opération serait indolore, tandis que les concurrents privés seraient mis à rude épreuve ! Mais ne faisons pas de procès d'intention... J'observe cependant que nous n'avons pu avoir une réunion avec Gares et Connexions sans un représentant de la SNCF. L'histoire pèse sur les structures. Il faut que celles-ci changent avec celle-là.

La relation entre la DCF et RFF ? La Cour des comptes elle-même relève que RFF n'a pas les moyens d'exercer ses missions. La DCF, qui travaille pour le compte du gestionnaire public en matière de fixation des horaires et d'ingénierie, dépend de la SNCF. Je n'ai pu visiter les centres d'opération sans être chaperonné par un membre de la direction de la SNCF. Qui décide, en cas d'incident ? La SNCF. Il est vrai qu'elle est bien placée pour en assurer la maîtrise, mais cette ambiguïté ne peut pas durer. Vu les orientations des directives et de la jurisprudence européennes, si nous devions faire face, un jour, à un contentieux, nous serions perdants. On ne manquera pas d'exiger une claire distinction des rôles. On fera valoir qu'il n'est pas normal que les horairistes soient rattachés à une entreprise concurrente. A contrario, RFF ne souhaite pas accueillir tous les agents de la DCF mais serait intéressé par l'ingénierie. Cela mérite approfondissement, car on ne peut laisser les gens dans l'incertitude...

Vous m'interrogez sur la refonte du paquet ferroviaire. Bien que nous n'en ayons pas encore discuté sur le fond, il ne me paraitrait pas inutile que l'ARAF s'exprime de manière non contraignante sur les décisions d'investissement. Mais nous étions il y a peu sur les fonts baptismaux et nous avons besoin d'approfondir notre connaissance du secteur.

Fusionner, pour répondre à l'article 55 de la directive, les prérogatives de l'ARAF et celles de l'EPSF ? Il est vrai qu'en Grande-Bretagne, les missions qui sont chez nous dévolues à ce dernier organisme reviennent à l'ORR. Mais nous les confier aujourd'hui, connaissant le problème de recrutement qui est le nôtre, ce serait nous mettre un boulet au pied. Sans compter qu'à assumer ces missions, nous nous trouverions juge et partie. Mieux vaut peut-être nous en tenir au rôle qui nous a été confié par le législateur : contrôler, en tant qu'instance extérieure, les mesures prises par l'EPSF sous l'angle de la concurrence. La question se pose même si l'ORR britannique trouve cela très naturel...

La coopération avec nos homologues européens ? Nos services ont pris contact. Des clubs se forment. Les autorités indépendantes des Etats-membres souhaitent que nous participions à leurs travaux et à leurs réflexions. Cette démarche me semble préférable à la création d'une autorité européenne qui se superposerait aux autorités nationales. Je préfère, en règle générale, les dispositifs aux structures : moindre coût, meilleur fonctionnement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion