Nous accueillons M. Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques où il est responsable des questions liées à la politique de défense, à la PESD et à l'OTAN, à l'industrie d'armement et aux ventes d'armes.
M. Maulny vient de publier le mois dernier une étude intitulée « l'Union européenne et le défi de la réduction des budgets de défense » qui a été mise en distribution. Au moment où nous commençons le cycle de nos auditions budgétaires il nous a semblé particulièrement intéressant de disposer d'un éclairage transversal sur l'impact de la crise sur les budgets nationaux en Europe et sur l'Europe de la défense.
Avec le Livre blanc nous avons correctement anticipé l'évolution du contexte stratégique mais personne n'avait prévu la « surprise stratégique » que constitue la crise économique et financière de 2008, puis la crise des dettes souveraines. Si nous avons su commencer à y répondre, notamment en réformant la gouvernance mondiale et en régulant la sphère financière, cette crise conduit tous les gouvernements à une politique de rigueur qui impacte naturellement les budgets de défense.
Si notre collègue Jean-Pierre Raffarin était là il pourrait nous dire que les deux caractères chinois pour définir le mot crise sont « danger » et « chance à saisir ». La crise est donc l'occasion à saisir au milieu du danger, l'occasion fournie par le danger même.
Le danger c'est celui d'un décrochage capacitaire des pays européens alors même que les budgets de défense dans le monde ne cessent d'augmenter : + 6% en moyenne rien que sur l'année dernière. Le soft power de l'Europe ne suffit évidemment pas. L'adage de Clauzewitz demeure : « la guerre n'est qu'un prolongement de la politique par d'autres moyens ». L'Europe puissance ne peut exister que si elle dispose d'un outil militaire.
Lors de la réunion informelle des ministres de la défense à Gand les 23 et 24 septembre dernier, Hervé Morin caractérisait la situation actuelle n déclarant : « Les Etats ont démissionné pour la plupart sur une ambition simple, que les Européens aient un outil militaire leur permettant de peser sur les affaires du monde. Au rythme où nous sommes, progressivement l'Europe est en train de devenir un protectorat, et dans 50 ans nous deviendrons le jeu de l'équilibre des puissances nouvelles et nous serons sous un condominium sino-américain. »
L'intérêt des prédictions étant d'être contredites par les faits la crise offre une réelle opportunité de mieux coordonner les politiques d'armement, de mutualiser les besoins et les capacités et de construire l'Europe de la défense.
C'est ce que déclarait le Premier ministre devant l'IHEDN la semaine dernière : « pour conserver notre poids stratégique nous devons aller plus loin dans les coopérations, dans la mutualisation, dans la rationalisation de nos structures. » Les enjeux sont extrêmement importants puisque l'Europe est confrontée à une seconde vague de désarmement après celle des illusoires « dividendes de la paix » de la décennie 90. Si celle-ci se produit non seulement notre industrie risque également de disparaître avec les conséquences que l'on imagine en termes d'emplois mais aussi nous risquons de disparaître comme pôle d'excellence en matière de recherche et de technologie.
Avant de passer la parole à M. Maulny pour un exposé liminaire, je vous rappelle que demain nous entendrons notre collègue Yves Fromion pour son rapport sur la directive traitant des transferts intracommunautaires. La deuxième partie de son rapport porte sur la coopération structurée permanente qui sera sans doute l'un des outils de construction de l'Europe de la défense pour peu qu'on en définisse les conditions de fonctionnement.
M. Maulny, je vous passe la parole.