En écoutant votre analyse réaliste, je m'interrogeais : avons-nous les moyens de notre politique ou la politique de nos moyens ? Ce matin, le ministre Morin a rappelé que la politique européenne de défense est une politique en soi, non une addition de politiques nationales. Tant qu'il n'y aura pas de volonté politique, nous ne parviendrons à rien. J'en veux pour preuve l'anecdote que rapporte M. Jean Monnet dans ses mémoires sur la manière dont il a été chargé en 41 par les Américains de soutenir l'effort de guerre des Britanniques grâce au prêt-bail, c'est-à-dire grâce à une politique coordonnée. Une fois les priorités définies, les 13 000 avions dont avaient besoin les Britanniques ont été produits sans difficultés en 1942, le double leur a même été livré en 1944. L'Europe souffre justement de cette absence de définition commune des besoins et des objectifs. Quand a-t-on réuni les 27 chefs d'état-major européens autour d'une table ? Cette démobilisation est-elle le fait, avec la fin de la Guerre froide, de la disparition d'un agresseur potentiel bien identifié ? Prenons le cas de l'Allemagne : son industrie de défense est efficace, mais son peuple pacifiste. Existe-t-il vraiment la volonté suffisante de construire une base industrielle de défense européenne ?