Intervention de David Assouline

Commission des affaires culturelles, familiales et sociales — Réunion du 15 novembre 2006 : 1ère réunion
Pjlf pour 2007 — Mission « action extérieure de l'etat » - examen du rapport pour avis

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur pour avis :

a rappelé, tout d'abord, que la mise en place de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) avait pour objet de rationaliser la présentation des crédits et de les rassembler en fonction de la cohérence des politiques publiques. S'agissant des crédits relatifs à l'action culturelle extérieure de l'Etat, il a constaté qu'ils étaient au contraire dispersés entre plusieurs missions, selon des critères tout à fait contestables.

Il a ainsi expliqué que les crédits de l'action culturelle extérieure étaient répartis entre deux programmes, selon un critère géo-économique. Le programme n° 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat » concerne les pays développés au sens de l'organisation de coopération et de développement économique (OCDE) et le n° 209 « Solidarité avec les pays en développement » de la mission « Aide publique au développement », réunit les crédits utilisés dans les autres pays.

Il a attiré l'attention de la commission sur le fait que l'action culturelle était dès lors supposée contribuer au rayonnement culturel et scientifique de la France lorsqu'elle est orientée vers les pays développés, et qu'elle devenait de l'aide au développement lorsqu'elle est dirigée vers les pays en développement.

Il a considéré qu'il était pourtant difficile de penser que le rayonnement culturel et scientifique changeait de nature en passant une frontière, et qu'il se transformait en aide au développement en traversant le détroit de Gibraltar.

Il a indiqué qu'il croyait savoir que son collègue M. Jacques Legendre était dans un état d'esprit assez proche s'agissant des crédits de la francophonie, qui subissent la même métamorphose au passage des frontières.

Il a fait valoir que cette dispersion, entre deux missions, de crédits clairement affectés à une même politique publique était contraire à l'esprit de la LOLF, et nuisait à la fois à l'information du Parlement et à la responsabilisation du gestionnaire des crédits.

Il a déploré, par ailleurs, le transfert par la loi de finances pour 2006 de l'action consacrée à l'audiovisuel extérieur de la mission « Action extérieure de l'Etat » à la mission « Médias », faisant valoir que ces crédits avaient un impact immédiat et évident sur le rayonnement culturel et scientifique de la France, et qu'une chaîne comme TV5 avait précisément été créée dans ce but.

Il a évoqué, enfin, pour s'en féliciter, le transfert par la loi de finances pour 2006 des crédits de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), du programme « Français à l'étranger et étrangers en France » de la mission « Aide publique au développement », au programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la présente mission, conformément aux orientations du rapport 2006 de la commission sur les crédits de l'action extérieure de l'Etat.

Il a constaté, néanmoins, que l'Assemblée nationale avait adopté un amendement au projet de loi de finances pour 2007, tendant à rattacher les crédits relatifs aux bourses attribuées et gérées par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger au programme « Français à l'étranger et étrangers en France ». Il a rappelé que l'argument développé à l'Assemblée nationale était que les bourses de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger étaient destinées aux seuls élèves français et qu'elles contribuaient ainsi plus aux objectifs du programme « Français à l'étranger » qu'à ceux du programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

Prenant acte de cette décision, il a précisé toutefois que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger distribuait aussi des bourses aux étudiants étrangers passés par des établissements secondaires français et poursuivant leurs études supérieures en France. Il a donc souhaité présenter un projet d'amendement de précision à la commission, visant à maintenir les crédits relatifs aux bourses attribuées aux étrangers dans le programme « Rayonnement culturel et scientifique ». Il a estimé que cela permettrait d'évaluer plus facilement les résultats des politiques publiques en matière d'enseignement, notamment au regard de l'influence française dans la formation des élites étrangères. Il a indiqué toutefois que cet amendement était conditionné par l'adoption des crédits à l'Assemblée nationale sans modification de la loi de finances initiale.

Au-delà de ces questions de périmètre, il s'est inquiété des restrictions budgétaires importantes qui mettent en péril le bon exercice de la diplomatie culturelle française.

Il a constaté, ainsi, qu'après deux années consécutives de baisse, les crédits du programme n° 185 étaient en hausse de 1,6 % en loi de finances initiale pour 2007. Ils représentent 526 millions d'euros en 2007, contre 518 millions d'euros en 2006. Il a noté que l'inflation anticipée étant de 1,8 %, il s'agissait en fait d'une baisse des crédits.

Il a remarqué que l'action « Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle » était la plus concernée par ce resserrement budgétaire, puisque les crédits lui étant affectés régressaient de 111,2 à 108,6 millions d'euros.

Il a indiqué, ensuite, qu'il centrerait son analyse des crédits sur trois sujets principaux : l'enseignement français à l'étranger tout d'abord, qui lui paraît constituer un atout essentiel du rayonnement culturel et scientifique de la France, mais qui rencontre actuellement des difficultés ; l'accueil des étudiants étrangers en France ensuite, dont les outils de promotion lui paraissent insuffisants ; et enfin la réforme du réseau des établissements culturels, qui fait l'objet de nombreux débats, mais de peu d'action.

Il a évoqué, en premier lieu, le réseau d'enseignement à l'étranger. Celui-ci est unique au monde, tant par son extension géographique - il est présent dans 130 pays - que par l'ampleur de ses effectifs - il assure la formation de 240.000 élèves, dont plus de 80.000 Français.

Il a exprimé la conviction que c'est précisément la force de ce réseau d'accueillir non seulement les enfants d'expatriés, mais encore des élèves étrangers. Il a affirmé que cette ouverture aux élèves d'autres nationalités avait permis de conférer au réseau français une réputation internationale très importante, que la commission a pu constater lors de sa récente mission aux États-Unis, et a noté que cette notoriété se traduisait par un nombre élevé de demandes d'inscription d'élèves ressortissants du pays d'installation, ou d'autres pays.

Il a jugé que, dans la mesure où c'est dès le plus jeune âge que l'on transmet un goût pour une langue et une culture étrangère, ce réseau d'établissements français du primaire et du secondaire constituait un facteur puissant de rayonnement de la langue et de la culture françaises.

Il a donc jugé opportun que la commission porte plus particulièrement attention, à l'avenir, au profil des élèves étrangers des lycées français et à leurs parcours ultérieurs, afin d'évaluer l'influence de la France sur la formation des élites de certains pays, par rapport à celle que peuvent exercer, en la matière, les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Il a jugé, ensuite, que le Gouvernement n'attachait pas la même importance que lui à l'enseignement français à l'étranger, et signalé que la hausse de 8 millions d'euros des crédits attribués à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger dans le projet de loi de finances 2007 cachait des difficultés budgétaires importantes, dues notamment à des transferts de compétence en matière immobilière. L'Etat a ouvert, en effet, à l'agence, par deux décrets de 2003 et 2005, la possibilité de disposer d'un patrimoine immobilier en biens propres, et de recevoir en dotation des bâtiments des établissements en gestion directe appartenant à l'Etat. En 2006, huit établissements ont ainsi été remis en dotation à l'AEFE.

tout en se félicitant de ce transfert de compétences, a noté qu'il se faisait malheureusement dans un contexte de sous-investissement notoire de l'Etat dans le patrimoine immobilier du réseau. Il a cité le rapport de 2004 de M. André Ferrand, sénateur, et un rapport de juillet dernier de l'inspection générale des affaires étrangères qui font tous deux état du déficit d'entretien des établissements scolaires, et évoquent même des problèmes de sécurité pour les élèves, qui pourraient conduire à la fermeture de certains établissements. La mission de l'inspection générale des affaires étrangères précise ainsi que, sur 73 établissements en gestion directe, 37 n'ont bénéficié d'aucun entretien de la part du ministère des affaires étrangères, sur la période 1990/2005, soit un déficit d'entretien de l'ordre de 17,5 millions d'euros pour ces seuls établissements.

Il a rappelé, en outre, que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) estimait qu'au titre des opérations d'acquisition, de construction ou d'extension, un rythme moyen de dépenses de construction à hauteur de 10 millions par an devait être envisagé.

Il en a conclu que l'augmentation de la subvention du ministère à l'AEFE de 8 millions d'euros en 2007 était largement insuffisante pour compenser les coûts liés à ses nouvelles responsabilités immobilières, et qu'il était donc impératif que l'Etat abonde le budget de l'agence au rythme des remises en dotation d'établissement effectuées, notant qu'aujourd'hui, c'était le fonds de roulement de l'agence qui était mis à contribution.

Il a complété son propos en attirant l'attention de la commission sur les conséquences de cette politique, telles que la hausse des droits de scolarité ou la substitution de personnels résidents à des expatriés, évolutions qui ont un impact négatif sur la capacité des établissements à remplir leur mission.

Il a évoqué, en deuxième lieu, la problématique de l'accueil des étudiants étrangers en France. La France n'accueille en effet que 9 % des étudiants faisant leurs études en dehors de leur pays, contre 30 % pour les États-Unis, 14 % pour le Royaume-Uni, 12 % pour l'Allemagne, et 10 % pour l'Australie.

Il en a conclu que les outils mis en oeuvre pour promouvoir l'enseignement supérieur auprès des étudiants étrangers étaient clairement insuffisants.

Il a reconnu que l'augmentation de 10 % des crédits des bourses d'excellence, Major, Eiffel et Eiffel doctorat était un point positif. Il a, de même, salué l'effort de mise en place des Centres pour les études en France, structures qui ont notamment pour objet de faciliter l'ensemble des démarches administratives des étudiants étrangers. En 2006, des Centres pour les études en France ont ainsi été ouverts en Corée du Sud, en Turquie et au Mexique, en 2007, des projets de construction de centres sont prévus dans 11 pays : Canada, Etats-Unis, Colombie, Brésil, Gabon, Madagascar, Russie, Liban, Inde, Syrie, Guinée-Conakry.

Il a estimé légitime, par ailleurs, le projet de création d'une agence de mobilité universitaire et scientifique, du nom de CampusFrance, qui reprendrait les missions actuellement confiées à Edufrance et à Egide, agences exerçant des compétences assez similaires. Il s'est interrogé, à cet égard, sur la baisse de 8 % des crédits attribués à Edufrance en loi de finances initiale pour 2007 au titre de l'action 4 du programme n° 185. Tout en notant que le ministre justifiait cette diminution de crédits par un recentrage d'Edufrance sur ses missions essentielles et par la création de la nouvelle agence, il a cependant souhaité que ce resserrement budgétaire ne cache pas une volonté de l'tat de se désengager de la politique de promotion du réseau universitaire français.

S'écartant légèrement du débat budgétaire, il a fait part, ensuite, de sa conviction que l'ouverture des universités françaises à davantage d'étudiants étrangers passait aussi par un assouplissement de la politique de délivrance des visas. En dépit des quelques améliorations apportées par la loi relative à l'immigration et à l'intégration, la législation et la pratique de l'administration restent encore beaucoup trop dissuasives dans ce domaine. Enfin, il a mentionné des problèmes résultant de l'insuffisance du parc immobilier étudiant ou de l'état général de l'université française qui aggravent encore la situation.

Il a abordé, en troisième lieu, la problématique du réseau des établissements culturels.

Reconnaissant le rôle cardinal joué par le ministère des affaires étrangères en matière d'action culturelle extérieure, grâce à un réseau d'institutions et d'agents à l'étranger entièrement dédié à cette activité, il a souligné qu'une crise de légitimité semblait avoir touché ces institutions, accusées de n'avoir pas su enrayer le sentiment que la France rayonnait de moins en moins à l'étranger. Il a regretté que le Gouvernement, en réponse à ces critiques, ait diminué les crédits au lieu de s'attacher à mener une réforme en profondeur d'un réseau qui a fait ses preuves.

Il a constaté que les 59 centres et instituts culturels du programme n° 185 voyaient légèrement baisser leur dotation, et que 5 % de l'ensemble des crédits attribués par la loi de finances pour 2006 aux établissements culturels avaient été gelés cette année.

Il a complété son propos en signalant que le ministère expliquait ces mesures par une politique de rationalisation de la carte des établissements menée depuis 1999, qui a pour objet d'éviter la présence dans une même ville, d'un établissement à autonomie financière et d'une alliance française. Il a cité également le cas où des services de coopération de l'ambassade étaient fusionnés avec un établissement culturel, par exemple dans un « consulat à gestion simplifiée », comme à Cracovie, à Porto et à Naples.

Sans contester l'intérêt de la mise en cohérence du réseau, il s'est interrogé sur l'attitude du ministère, qui ne donne pas d'explications sur son choix de conserver ou de supprimer une structure plutôt qu'une autre.

Il a salué, en revanche, les efforts de mise en commun d'établissements français et allemands, comme à Ramallah ou à Glasgow, tout en déplorant que la création d'instituts culturels européens ne soit pas encore à l'ordre du jour.

Il a expliqué que le ministère avait parallèlement tenté de rationaliser l'organisation de ses opérateurs, en fusionnant l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) en une unique agence appelée CulturesFrance. Le but est à la fois d'améliorer l'efficacité du dispositif de promotion de la culture française dans le monde et de lui donner une visibilité croissante grâce à la nouvelle appellation unique CulturesFrance, sur le modèle des « Goethe Institut » allemands ou des « British Council » anglais.

Il a loué l'objectif poursuivi par l'Etat, mais critiqué sa réalisation, rappelant que l'enquête demandée par la commission des finances à la Cour des comptes sur la gestion de l'AFAA, dont les conclusions ont été rendues publiques lors d'une audition tenue le jeudi 8 novembre 2006, avait montré que la création de CulturesFrance, loin de constituer une fusion des deux agences, correspondait en fait à une simple juxtaposition d'actions.

Il a insisté sur le manque d'ambition de cette mesure, estimant que la rationalisation du réseau des établissements culturels d'une part, et l'organisation des opérateurs d'autre part, pouvait faire l'objet d'une réponse unique, à savoir la création d'une agence culturelle unique qui piloterait les missions éventuellement confiées aux centres culturels et à CulturesFrance.

Il a exprimé sa conviction que l'action culturelle extérieure de la France y gagnerait en notoriété et en cohérence, et que cette réforme pourrait au demeurant permettre de desserrer la contrainte budgétaire qui pèse actuellement sur le réseau des établissements culturels.

Estimant en conclusion que ce budget ne répondait pas suffisamment aux ambitions que l'on est susceptible d'avoir pour l'action extérieure de la France, il a proposé à la commission des finances de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits destinés aux relations culturelles extérieures dans la mission « Action extérieure de l'Etat ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion