A titre liminaire, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il commencerait par présenter les crédits consacrés à la francophonie, puis évoquerait le combat pour la défense de la langue française et la promotion de la diversité culturelle.
Il a rappelé, tout d'abord, que la présentation des crédits consacrés à la francophonie avait été profondément modifiée par l'entrée en vigueur de la LOLF qui a substitué à une présentation des crédits par ministère une présentation des crédits par mission, dont il a estimé qu'elle ne rendait pas plus facile l'examen des crédits de la francophonie.
Il a constaté que la réforme se traduisait par un éparpillement des crédits consacrés à la langue française et à la francophonie, puisque, à s'en tenir aux deux principaux ministères concernés - celui de la culture et celui des affaires étrangères - ceux-ci étaient répartis entre au moins cinq actions relevant elles-mêmes de quatre missions distinctes : « Culture », « Médias », « Action extérieure de l'Etat » et « Aide publique au développement ».
Il a jugé cette dispersion d'autant plus préoccupante que ces différentes « actions » sont confiées à des responsables administratifs de programmes différents : directeur de l'architecture et du patrimoine, délégué au développement et aux affaires internationales, directeur général de la coopération internationale et du développement, sans compter le chef de service des affaires francophones qui, sans être responsable d'un programme au sens de la LOLF, gère cependant les crédits de la francophonie multilatérale.
Il a estimé que cette dispersion des crédits faisait courir à la politique en faveur de la langue française le risque d'une marginalisation, du fait de leur faible poids au sein de chacune de ces enveloppes financières globales. Il a jugé, en outre, qu'elle contribuait à accentuer le caractère plus administratif que politique de son pilotage.
Il a déploré le rattachement à la mission « Aide publique au développement » des crédits de la francophonie multilatérale, considérant que celui-ci témoignait d'une conception dépassée mettant la francophonie en orbite de la politique de coopération alors que les sphères géographiques de ces deux politiques n'ont cessé de se disjoindre : les 68 Etats et gouvernements « ayant le français en partage » réunis au sein de l'organisation internationale de la francophonie (OIF) sont loin d'appartenir tous à la sphère des pays en voie de développement ; en sens inverse, la « zone de solidarité prioritaire » de la politique de coopération s'est ouverte à de nombreux pays non francophones.
Sans minimiser le rôle que l'Afrique, et plus particulièrement l'Afrique francophone, a joué et continuera de jouer dans la défense internationale de notre langue, il a souhaité que l'on n'oublie pas les deux autres ensembles géographiques dont dépendra aussi, à l'avenir, le statut international du français : l'Europe et les institutions européennes mais aussi les grands pays émergents tels la Chine, l'Inde, le Brésil, le Mexique ou la Russie, car ils sont susceptibles d'ouvrir de nouvelles frontières à la langue française.
Il a jugé d'autant plus regrettable le rattachement des crédits de la francophonie multilatérale à la mission « Aide publique au développement » qu'il risque en outre de contribuer à figer une organisation gouvernementale qui n'est pas adaptée.
Il a rappelé que la commission considérait, depuis plusieurs années déjà, que la politique de rayonnement de notre langue était un des aspects fondamentaux de notre politique de promotion de la diversité culturelle, et qu'en conséquence, elle appelait de ses voeux la création d'un ministère délégué intégralement consacré à la francophonie et aux relations culturelles extérieures, audiovisuel extérieur compris.
Regrettant que telle ne soit pas la conception politique reflétée par la construction du projet de budget pour 2007, il a souhaité vivement la voir évoluer.
Abordant ensuite l'examen des crédits proprement dits, il a jugé globalement satisfaisante l'enveloppe de 67,6 millions de crédits inscrite sous la rubrique « Contributions à la francophonie multilatérale : programmes francophones, organismes multilatéraux », tout en déplorant cependant que la justification au premier euro qui l'accompagne ne soit ni complète ni précise et que la demande qu'il avait formulée en ce sens l'année précédente n'ait pas été mieux prise en compte.
Il a précisé toutefois, en s'appuyant sur les compléments d'information communiqués par la ministre déléguée au cours de son audition par la commission, que la contribution statutaire apportée par la France à l'organisation internationale de la francophonie serait portée à un peu plus de 12 millions d'euros, en 2007 et que la contribution versée par le ministère des affaires étrangères au Fonds multilatéral unique pour le financement de quatre des cinq opérateurs de la francophonie serait reconduite, à peu de choses près, au même niveau qu'en 2006, soit environ 55 millions d'euros.
Il a jugé globalement satisfaisante cette reconduction des crédits, sous deux réserves : la première tient au financement des bourses de mobilité qui n'est pas intégralement assuré ; le document budgétaire ne les comptabilise que pour un montant de 9,2 millions d'euros, alors que conformément au plan de relance de Beyrouth, elles bénéficiaient jusqu'alors de 10 millions d'euros. M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il demanderait à la ministre déléguée de confirmer en séance que les 800.000 euros manquants pourraient être obtenus par redéploiements.
La seconde tient à la mise en réserve de 5 % des crédits : le rapporteur pour avis s'est interrogé sur le bien-fondé de l'application de cette règle à des contributions que la France s'est engagée, au plan international, à verser dans leur intégralité et a souhaité qu'une réflexion soit menée en liaison avec le ministère des finances, pour examiner si le respect de la parole de la France ne méritait pas une exception à cette sacro-sainte règle budgétaire.
Abordant ensuite la subvention versée à TV5, le cinquième opérateur de la francophonie, il a jugé modeste la hausse de 4,4 % au regard de l'ambitieux programme de développement que le conseil des ministres de TV5 lui a assigné pour les années 2006-2009.
Il a invité les pouvoirs publics à veiller à ce que la place que TV5 a su se conquérir dans le monde très concurrentiel de l'audiovisuel international, grâce au soutien prééminent de la France, ne soit pas hypothéquée par le lancement de la nouvelle chaîne d'information internationale, qui répond à d'autres besoins et à d'autres objectifs.
Après avoir rappelé les vicissitudes qui ont récemment affecté la diffusion de TV5 en Roumanie, d'autant plus paradoxales qu'elles sont intervenues au lendemain de la tenue à Bucarest du sommet de la francophonie, il a souligné qu'elles constituaient un témoignage concret des menaces auxquelles la chaîne doit faire face pour conforter sa diffusion. Il s'est réjoui que les vives réactions suscitées par cet incident aient permis d'écarter ces menaces, au moins pour un temps, tout en estimant nécessaire de rester vigilant.
En conclusion, il a indiqué que la contribution globale de la France à la francophonie, toutes administrations confondues, s'élevait à 844 millions d'euros.
Il a regretté que ce chiffre, ainsi que « l'état récapitulatif des crédits concourant au développement de la langue française et à la défense de la francophonie », aient disparu des documents budgétaires. Aucun des « documents de politique transversale » qui ont succédé à l'ancien « jaune », issu d'une demande du président Maurice Schumann, ne le mentionne, chacun se situant dans le prolongement d'une mission unique « Action extérieure de l'Etat » ou « Aide publique au développement », alors que la francophonie est à cheval sur plusieurs missions. Cet état récapitulatif disparaît donc purement et simplement, fournissant une illustration de la perte de visibilité qui résulte de la dispersion artificielle des crédits entre les différents programmes.
a analysé ensuite quelques-uns des faits marquants, dans le combat pour la défense de la langue française et la diversité culturelle.
Evoquant pour commencer le sommet de la francophonie de Ouagadougou en 2004, il a rappelé que celui-ci avait permis d'améliorer la définition des politiques à long terme grâce à l'adoption d'un cadre stratégique décennal pour les années 2005-2014, confirmé la dimension politique de la francophonie, et contribué à une mobilisation très positive en faveur de l'adoption de la convention de l'Unesco pour la diversité culturelle.
Il a estimé que le récent sommet de Bucarest, en septembre 2006, comportait également des avancées significatives dans le domaine éducatif, et a indiqué que le « vade-mecum » adopté par les chefs d'Etat et de Gouvernement pour imposer à leurs fonctionnaires et diplomates l'usage du français dans les enceintes internationales constituerait un nouveau levier dans le combat pour le multilinguisme et le statut international du français, à condition d'être vigilant sur son application.
Abordant la question de l'entrée dans la francophonie de nouveaux membres, il a jugé positive l'adhésion du Ghana et du Mozambique, mais s'est déclaré plus réservé sur l'adhésion de l'Ukraine, en qualité d'observateur, et de Chypre, en qualité de membre associé, car ces pays n'ont pas présenté jusqu'à présent de « tropisme francophone », ni du fait de leur tradition historique, ni du fait de leur environnement géopolitique.
Il a jugé nécessaire de se montrer vigilant sur le caractère effectif des engagements que prendront ces pays pour améliorer la situation de la langue française sur leur territoire, et pour soutenir l'emploi du français sur la scène internationale, estimant que l'élargissement de la francophonie à de nouveaux Etats ne devait pas se payer au prix d'une dilution de l'engagement pour la langue française qui constitue le socle et la raison d'être de la francophonie.
Il a appelé la francophonie à se doter d'une définition plus claire des différentes formes d'adhésion qu'elle prévoit : le statut d'observateur consacre un simple intérêt pour les travaux de la francophonie, mais celui de membre ou de membre associé doit être réservé à des Etats ayant contracté un véritable engagement.
Il a évoqué, ensuite, deux accords internationaux incarnant les forces et les faiblesses du combat pour la diversité linguistique.
Il s'est réjoui du succès que constitue l'adoption de la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, en octobre 2005, par 148 voix contre 2, estimant qu'il témoignait de l'écho que rencontre aujourd'hui, dans le monde, le combat de la France en faveur de la diversité culturelle et du multilinguisme.
Il a relevé que l'entrée en vigueur de la convention, subordonnée au dépôt du 30e instrument de ratification, était en bonne voie car 13 Etats (dont 10 Etats membres de l'OIF) avaient déjà déposé leurs instruments de ratification, et 12 Etats (dont 7 membres de l'OIF) avaient achevé leurs procédures internes préalables.
Il a rappelé que le projet de loi autorisant l'approbation avait été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale comme au Sénat, et a indiqué que la France ratifierait la convention en même temps que tous les autres membres de l'Union européenne, au plus tard le 19 décembre 2006.
Il s'est alarmé, en revanche, de la réforme du brevet européen prévue par l'accord de Londres d'octobre 2000, par lequel les Etats signataires s'engagent à renoncer à l'exigence de traduction intégrale du brevet incluant à la fois les revendications juridiques et la description technique et exhaustive de l'invention protégée. Il a rappelé s'être inquiété à plusieurs reprises, dans le passé, des inconvénients d'un texte prévoyant que des titres juridiques, partiellement rédigés dans une langue étrangère, pourraient créer, en France, des obligations.
Il a regretté que la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, et dans une moindre mesure celle du Sénat plus nuancée dans son propos, se soient récemment ralliées à la ratification du protocole de Londres, au nom des économies attendues ou supposées qu'il permettrait.
Il a estimé que le peu d'empressement mis par le Gouvernement à déposer devant le Parlement un projet de loi approuvant la ratification de cet accord témoignait de la complexité des problèmes soulevés. Après avoir rappelé que les Etats-Unis continuaient d'exiger la traduction intégrale des brevets étrangers déposés sur leur territoire, il a incité les pouvoirs publics à privilégier la voie du brevet communautaire.
Sur le plan de la défense de la langue française en France, il a évoqué l'adoption par le Sénat, le 10 novembre 2005, à l'unanimité, de la proposition de loi d'origine sénatoriale complétant la loi Toubon du 4 août 1994 sur l'emploi de la langue française, souhaitant que cette proposition de loi dont il avait été le rapporteur puisse venir prochainement en discussion devant l'Assemblée nationale.
En conclusion, malgré les réserves suscitées par le rattachement des crédits de la francophonie à la mission « Aide publique au développement », et sous réserve des précisions qui seront données sur le montant des crédits des bourses de mobilité, il a recommandé à la commission d'émettre un avis favorable à leur adoption.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.