Intervention de Michel Boyon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 octobre 2011 : 1ère réunion
Avenir de la télévision numérique terrestre — Audition de M. Michel Boyon président du conseil supérieur de l'audiovisuel csa

Michel Boyon, président du CSA :

L'actualité n'est plus à exposer les propositions que je formulais dans mon rapport, puisqu'elles se sont pour partie traduites, depuis la réunion d'hier présidée par le Premier ministre, en décisions. J'avais déclaré à plusieurs reprises en mars que l'année 2011 serait sans doute la dernière que nous aurions devant nous pour réfléchir à l'avenir de la TNT, et appelé à une concertation entre la puissance publique, le CSA et les professionnels ; deux mois plus tard, le Premier ministre me confiait la rédaction d'un rapport.

Je suis parti d'un constat simple et largement partagé, ainsi que j'ai pu le vérifier auprès des quelque cent personnalités que j'ai entendues entre juin et juillet. Car si l'on note, bien sûr, des divergences, liées aux intérêts en présence, un consensus existe aussi sur ce constat que la réception hertzienne, avec des antennes-râteaux, reste le principal mode de réception de la télévision en France - c'est le cas de 60 % des foyers, même si certains sont également connectés par l'ADSL. Ce phénomène caractérise très largement les pays de l'Europe du sud, tandis qu'en Europe du nord, le câble ou le satellite sont, pour des raisons géographiques, plus répandus.

Deuxième constat, le lancement de la TNT, le 31 mars 2005, a été un succès non seulement technologique, audiovisuel et industriel, mais aussi populaire : 23 à 24 % de l'audience télévisuelle revient, de fait, aux nouveaux entrants, aux chaînes diffusées depuis le 31 mars 2005. La TNT structure donc le paysage audiovisuel et l'offre de programmes. Si nombreux sont ceux qui frappent à la porte, il faut l'attribuer non seulement à l'avantage de la gratuité, mais aussi au fait qu'être présent sur la TNT assure visibilité et notoriété. La diffusion, il est vrai, a un coût, de 7 à 8 millions par an pour le territoire métropolitain en définition standard, et de 9 à 10 millions en haute définition.

Quels objectifs valent-ils d'être poursuivis ? Je crois qu'il faut, en premier lieu, enrichir la TNT en favorisant le passage des chaînes existantes à la haute définition, objectif majeur, qui figure dans la loi. Deux foyers sur trois sont déjà équipés pour la réception, et ce taux est en voie d'explosion : il devrait approcher les 97 % d'ici deux à trois ans. Il conviendra également de favoriser le lancement de chaînes nouvelles, pour répondre à des attentes non encore satisfaites.

Il est en deuxième lieu nécessaire de garantir que notre audiovisuel bénéficiera sur la durée des fréquences nécessaires, sachant que le stock en est limité et que les fréquences attribuées à l'audiovisuel ont déjà été amputées de 10 % au bénéfice de l'Internet haut débit. Et les déclarations des commissaires européens concernés marquent que les pressions perdurent. Il faut pourtant éviter à tout prix d'avoir à dire aux chaînes, dans trois ou cinq ans, que certaines disparaîtront. L'un des moyens consiste à agir sur les normes, afin de faire passer davantage de chaînes dans une même fréquence.

Je relevais, en troisième lieu, dans mon rapport, que le secteur audiovisuel oscille depuis quelques années entre stabilité et stagnation. De fait, nos industries n'ont pas la dimension suffisante pour affronter la compétition internationale, et restent à la merci d'opérations capitalistiques dont le résultat pourrait être préjudiciable à l'expression culturelle française. J'ajoute qu'a contrario, nos entreprises audiovisuelles sont peu présentes à l'étranger et que le souhait récent de Canal +, seule entreprise dotée d'ouvertures à l'international, de se développer en Pologne risque fort de rester un voeu pieux.

Quant à la place, sur le plan économique, de la publicité, on entend tout et son contraire. Même si elle est beaucoup moins présente que dans des pays qui nous sont comparables, l'expérience montre qu'elle n'est guère appelée à se développer, puisque sa part dans le PNB n'a pas évolué en six ou sept ans ; la télévision représente le tiers de la publicité totale. Tout montre que le seul paramètre susceptible de la faire évoluer, c'est la croissance. J'en tire cette conclusion que s'il n'y a probablement plus de place pour les chaînes généralistes du type de celles qui existent déjà, les chaînes de complément, au budget plus modeste, sont en revanche susceptibles d'attirer des annonceurs pour lesquels le coût d'une campagne sur les grandes chaînes généralistes reste prohibitif.

La question du nombre optimum de chaînes sur la TNT ne me paraît pas pertinente. Tout dépend, en effet, de l'équilibre entre chaînes gratuites et chaînes payantes, entre diffusion standard et haute définition, et surtout, de la créativité des porteurs de projets.

Que faire des canaux compensatoires, dits « bonus » ? Bien que la Commission européenne n'ait pas encore pris position lorsque j'écrivais mon rapport, il était prévisible qu'elle estimerait, ainsi qu'elle l'a déclaré le 29 septembre, que ce dispositif était contraire au Traité de Rome. Nous n'avons, dès lors, que deux mois pour agir. Toute autre formule que l'abrogation pure et simple (retarder la date d'effet ou laisser la loi s'appliquer en l'état) ne ferait qu'allonger la période d'instabilité, sans compter l'indemnité à régler aux trois groupes historiques. Le gouvernement a donc décidé hier de présenter un projet de loi.

J'en viens à la norme de compression, qui a trait à la vitesse de diffusion dans les « tuyaux », tandis que la norme de diffusion concerne la manière dont sont présentées les données qui y circulent. La norme MPEG 2 concerne les chaînes gratuites et une part du payant, tandis que la MPEG 4 est en usage pour la haute définition et les chaînes payantes. J'ai proposé, dans la mesure où un grand nombre de foyers sont déjà équipés pour une réception en haute définition, une généralisation de cette norme, qui présente cet avantage qu'elle permet de faire passer plus de chaînes sur la même fréquence. Cet horizon fait l'objet d'un consensus, et a été retenu hier par le gouvernement, même si aucune date n'est encore fixée - le 1erjanvier 2016 serait, à mes yeux, le terme idéal.

La norme de diffusion, quant à elle, est aujourd'hui le DVB-T, sachant cependant que les spécialistes travaillent à un DVB-T de deuxième génération. Ce DVB-T2 a été retenu, hier, par le gouvernement, qui m'a suivi là-dessus, comme norme d'avenir, à un horizon éloigné, entre 2018 et 2020, qui nous laisse du temps. Doit-elle s'appliquer aux chaînes à créer sur les deux multiplex R7 et R8 ou faut-il retarder son entrée en vigueur ? Il y a des arguments en faveur de l'une et l'autre solutions. Utiliser la norme actuelle autoriserait une réception des chaînes nouvelles par tous les foyers. D'un autre côté, le passage à la nouvelle norme sur les multiplex R7 et R8 serait aussi une façon d'afficher clairement les intentions de la puissance publique. Il s'agit là de choix politiques au sens noble, en ce qu'ils ont des conséquences directes sur la vie quotidienne de nos compatriotes. Le gouvernement a opté pour le maintien de la norme actuelle sur les deux multiplex, tout en affirmant que le DVB-T2 était, à terme, l'objectif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion