Intervention de Michel Boyon

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 12 octobre 2011 : 1ère réunion
Avenir de la télévision numérique terrestre — Audition de M. Michel Boyon président du conseil supérieur de l'audiovisuel csa

Michel Boyon, président du CSA :

Je répondrai d'abord à la question « Bolloré », puisque l'un d'entre vous a cité ce nom. Des procédures sont en cours devant l'Autorité de la concurrence et le CSA. Mais à vrai dire, les dossiers ne nous sont pas encore parvenus, leur instruction n'a donc pas débuté. Enfin, je n'ai pas le droit d'en dire quoi que ce soit. Mais sachez que nos deux institutions seront très attentives au respect de concurrence. Le fait qu'un éditeur de chaînes puisse acheter des droits à la fois pour la diffusion cryptée et la diffusion en clair pose problème, car cet opérateur acquiert ainsi un fort avantage comparatif par rapport aux autres. Il convient aussi de s'assurer que les producteurs français ne seront pas placés dans une situation de dépendance. Compte tenu du non-respect par Canal + de ses engagements, après le rachat de TPS, l'Autorité de la concurrence passera sans doute en phase 2 et saisira le CSA, qui rend des avis sur les questions touchant à la concurrence. Si l'Autorité se prononce par un « oui » ou un « oui si », nous serons saisis pour examiner le respect de la loi sur l'audiovisuel.

Nous avons nous aussi réfléchi à une taxation des plus-values et à d'autres formules. L'obligation de conserver l'autorisation pendant un certain nombre d'années semble difficile à mettre en oeuvre, car une telle clause est contraire à la liberté d'entreprendre. Quoi qu'il en soit, la décision ne pourrait émaner du CSA seul, sous peine de rendre l'appel à candidature illégal ! Il y faut une loi. Mais une telle disposition n'introduirait-elle pas une rigidité excessive ? La taxation des plus-values semble préférable.

Madame Morin-Desailly, je ne puis me prononcer sur le périmètre des groupes à l'avenir, faute de connaître en détail les projets qui seront présentés. En outre, je ne peux prédire les décisions qui seront prises par le collège du CSA ! Je ne suis même pas capable de répondre à titre personnel aujourd'hui... Je crois que l'existence de grands groupes, comme celle d'éditeurs indépendants, est une très bonne chose. Un équilibre a été façonné au fil du temps. La conjoncture actuelle n'est plus celle de 1986 ni celle de 2005 lorsque la TNT a été lancée. Quant à la date de 2018 ou de 2020 pour la nouvelle norme, je suis content qu'un objectif ait été fixé, vers lequel il faut tendre. Bien sûr, le plus tôt paraît le mieux, mais il n'est pas inutile de se donner un peu de temps avant de trancher.

La télévision connectable pose un gros problème. Le CSA a organisé en avril dernier un colloque qui a réuni tous les opérateurs, ceux de l'Internet notamment : nous avons été les premiers en Europe à soulever le problème, nos voisins s'en désintéressent car ils ne pratiquent pas comme nous le soutien à la création et la production. Mais nous nous inquiétons de tout ce qui menace le financement des chaînes, car c'est alors tout le financement du cinéma et de la production audiovisuelle qui est en péril. La solution est-elle nationale ? Une réflexion a été confiée à quatre personnalités, attendons leurs conclusions.

Je précise à Mme Brigitte Gonthier-Maurin que France Télévisions et Arte sont des éléments moteurs dans la production et la création françaises : France Télévisions finance 55 % de la production des oeuvres de fiction. Ce qui ne signifie pas que seul le secteur public intervienne. TF1 investit trois fois plus dans la fiction française que Canal +, lequel investit plus dans le cinéma. La situation des nouveaux entrants est loin d'être satisfaisante et les nouvelles chaînes qui ne sont pas adossées à des groupes puissants souffrent. Mais lorsque les investissements techniques - émetteurs, réémetteurs - seront achevés, lorsque les chaînes arriveront à l'équilibre, en 2011 ou 2012, elles se tourneront vers la production. Elles ont fait état auprès de nous de leurs projets de commande.

Le CSA a réalisé une étude déconcertante il y a quelques mois : il apparaît que la France est le seul grand pays où l'audience de la fiction américaine dépasse l'audience de la fiction nationale. Cela ne tient pas au seul mode de financement !

M. Leleux cite le communiqué de Matignon et affirme que le Premier ministre « a opté pour six chaînes ». Non, il n'a pas « opté », car ce n'est pas à lui de le faire, mais au CSA ! Celui-ci définira le calendrier, la nature des chaînes, payantes ou non, le nombre de chaînes... Il y en aurait six en haute définition, si l'on reste dans le système actuel. Et je pense que le CSA privilégiera la haute définition. L'appel à candidatures sera probablement lancé dés mardi prochain, à l'occasion de la séance plénière, les dossiers sont prêts ; le processus se sera finalement déroulé très rapidement.

Quand je suis arrivé au CSA en janvier 2007, j'ai proposé une commission de la diversité. Elle est dirigée par Rachid Ahrab. La diversité ne concerne pas seulement les origines, mais aussi les catégories socio-professionnelles - 2 % des personnages de fiction sont ouvriers ou petits employés - ce qui est sans rapport avec leur présence réelle au sein de la société française - ou le sexe. Souvent, pour recueillir des impressions lors d'un micro-trottoir, toutes les personnes interrogées sont des femmes. Puis intervient l'expert, qui est un homme. Il y a aussi le handicap visible : imagine-t-on en France un présentateur de JT en fauteuil roulant, comme on le voit à l'étranger ? Non. Dois-je vous rappeler cette vieille série américaine, L'Homme de fer, dont le héros était en fauteuil roulant ? L'observatoire de la diversité, qui, soit dit en passant, comprend des membres de tous horizons, tient à jour un baromètre - un thermomètre, plus exactement car il ne prédit pas l'avenir - de la diversité. Les premiers résultats n'étaient pas bons, quoique variables selon les chaînes. Les directeurs de rédaction invoquaient l'absence de diversité parmi les candidats issus des écoles de journalisme. Or celles-ci ont adopté de bonnes pratiques pour favoriser la diversité de leur recrutement et les ont partagées entre elles : l'argument n'est plus recevable. Nous avons également convoqué les syndicats de producteurs et de réalisateurs, ils ont compris notre message. Il est par ailleurs de l'intérêt même des chaînes de l'améliorer dans ce domaine. La part des « non-blancs » est montée à 15 %, soit un doublement en deux ans. Les chaînes prennent désormais des engagements annuels, équivalant à des conventions avec le CSA. Si des manquements étaient observés, ils seraient réprimés.

Donc, monsieur Assouline, vous qui vous interrogez sur l'autorité du CSA, reconnaissez que ce n'est pas si mal ! Le CSA, en outre, est à nouveau au centre du jeu avec l'affectation des fréquences.

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