Intervention de Jean-Marc Juilhard

Commission des affaires sociales — Réunion du 25 juillet 2007 : 1ère réunion
Santé — Démographie médicale et permanence des soins - communication

Photo de Jean-Marc JuilhardJean-Marc Juilhard, rapporteur :

a souligné que si la France n'a jamais compté autant de médecins, elle va pourtant devoir faire face à une crise de la démographie médicale. Le constat d'une possible pénurie de médecins dans les années à venir n'a été véritablement établi que voici trois à cinq ans grâce aux travaux approfondis menés par l'Observatoire national de la démographie des professions de santé. Ses conclusions font apparaître une baisse future de 9,4 % du nombre de médecins en activité entre 2006 et 2025 : l'offre de soins retrouverait ainsi en 2025 un niveau proche de celui du milieu des années quatre-vingt.

Cette crise comporte plusieurs aspects : une baisse des effectifs des professionnels de santé, l'accentuation des inégalités territoriales en matière d'offre de soins, un vieillissement de la population et une évolution des modes de prise en charge des patients qui augmente le niveau d'exigence des assurés en matière sanitaire.

Pour enrayer cette dégradation, les pouvoirs publics ont procédé à une augmentation régulière du numerus clausus depuis 2002. Le nombre de postes offerts aux étudiants s'élève désormais à 7 100 chaque année mais, compte tenu de la durée des études médicales, cette mesure ne produira ses effets que dans une dizaine d'années.

a fait observer que l'augmentation du numerus clausus ne suffira pas à résoudre les inégalités de répartition territoriale. Un recensement effectué par les missions régionales de santé fait apparaître, sur les 7 442 zones qui composent le territoire métropolitain, l'existence de 524 zones dites fragiles et de 119 zones en difficulté, qui rassemblent environ deux millions et demi d'habitants.

Le Gouvernement s'est préoccupé de la question des zones sous-médicalisées en faisant le choix d'une politique fondée sur l'incitation. Les mécanismes mis en oeuvre visent les différentes étapes de la formation, de l'installation et de l'exercice professionnel des médecins. Toutes ces mesures poursuivent une cible principale : favoriser l'installation et/ou le maintien de médecins dans les zones sous-médicalisées.

Il existe six formes différentes d'aides : l'octroi de bourses aux étudiants de troisième cycle, en contrepartie d'un engagement d'exercer en zone sous-médicalisée pendant une durée maximale de cinq ans ; des exonérations fiscales ; des mesures d'aides à l'installation ou de maintien des professionnels ; une majoration des honoraires de 20 % pour les médecins exerçant en groupe dans les zones sous-médicalisées ; des dérogations au parcours de soins, afin que les assurés consultant les médecins nouvellement installés dans ces zones ne soient pas pénalisés pour non-respect des règles du médecin traitant ; des aménagements apportés aux conditions d'exercice de la médecine.

Le financement de ces aides incombe à l'assurance maladie et aux collectivités territoriales. Ces dernières disposent de véritables leviers d'action pour mener une politique active et favoriser l'implantation des médecins sur leurs territoires.

a toutefois estimé que les collectivités territoriales doivent se protéger de toute initiative superflue. Les témoignages recueillis durant les auditions et les déplacements préparatoires à l'établissement du rapport convergent pour signaler que les projets de structure médicale conçus par les collectivités, sans la participation des professionnels de santé, se sont soldés par des échecs.

Ces risques de dérapage sont d'autant plus importants que la présence d'une structure médicale est un élément majeur de l'aménagement du territoire ; elle joue un rôle central d'attractivité et permet le développement de nouveaux projets.

La mise en oeuvre de divers mécanismes touchant à la fois la formation et l'installation des médecins ne doit d'ailleurs pas occulter la réflexion sur les moyens de réduire les inégalités territoriales d'accès aux soins. Deux pistes méritent d'être explorées : optimiser le rôle de l'ensemble des acteurs du système de santé, en s'assurant que toutes les forces disponibles sont mobilisées, et favoriser l'émergence de solutions innovantes.

On peut, sur ce point, s'étonner de la faible place accordée à la télémédecine comme moyen de résoudre certaines difficultés d'accès aux soins. Cette situation est due à des problèmes d'installation d'un réseau à haut débit sur l'ensemble du territoire, et donc dans les zones les plus isolées, mais également au fait que le développement de la télémédecine nécessite un aménagement de son cadre juridique actuel et un ajustement des règles relatives au financement des structures et à la rémunération des professionnels de santé.

Outre ces nouvelles technologies, d'autres moyens pourraient favoriser un meilleur accès aux soins : ne pourrait-on pas, par exemple, favoriser les systèmes de transport collectif ou individuel des patients à mobilité réduite vers les cabinets médicaux et les maisons de santé, notamment dans les territoires déficitaires ?

Par ailleurs, on déplore l'insuffisance de l'information des étudiants et des professionnels de santé sur l'existence des diverses aides, qui explique pourquoi ils y ont si peu recours. Une telle défaillance nuit évidemment à l'efficacité du système d'aide.

Enfin, il faut rappeler que, dans son rapport annuel pour 2007, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, instance qui réunit l'ensemble des acteurs du système de santé, estime indispensable de dépasser la politique actuelle de « moindre contrainte » et de mettre en place des mécanismes plus directifs d'installation, à travers notamment des mécanismes de désincitation à l'installation dans les zones surmédicalisées.

a ensuite évoqué une piste particulièrement fructueuse, à son sens, pour répondre aux besoins locaux en offre de soins : la création de maisons de santé, dont il existe plusieurs exemples probants sur le territoire. Les pouvoirs publics pourraient utilement favoriser la généralisation de ces expériences nées du terrain, à l'initiative de quelques professionnels de santé entreprenants, et qui font aujourd'hui tâche d'huile.

En effet, ces maisons présentent un mode de fonctionnement novateur qui allie la pluridisciplinarité et l'élaboration d'un projet médical commun. La nouveauté ne réside pas dans la collaboration entre médecins et auxiliaires médicaux : de tels cabinets existent déjà, même s'ils ne représentent pas le mode d'exercice regroupé le plus fréquent. L'innovation tient aux modalités de fonctionnement de ces structures, à l'existence d'un projet médical commun, ainsi qu'à l'association d'autres acteurs extérieurs au champ sanitaire.

Ces projets ont retenu l'attention des caisses d'assurance maladie. Le suivi en est assuré par les unions régionales des caisses d'assurance maladie (Urcam) qui ont en charge la gestion de la part régionale du fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (Fiqcs), compétent en matière de création et de fonctionnement de ces maisons de santé.

Outre les aides conventionnelles versées sous forme de majoration d'honoraires, les caisses d'assurance maladie participent, sous certaines conditions, au financement des tâches administratives afférentes à ces structures, tandis que les collectivités territoriales apportent leur aide à l'acquisition et la rénovation des locaux. La création d'un label « maison de santé » est, à son sens, une nécessité pour en faciliter la promotion. Une telle reconnaissance permettrait en effet de développer les relations entretenues par ces structures avec l'assurance maladie et les pouvoirs publics sur des bases plus claires :

- d'abord, en favorisant l'harmonisation des aides accordées par les Urcam aux maisons de santé ;

- ensuite, en simplifiant les relations administratives car les responsables des structures médicales souhaitent un allégement des démarches administratives nécessaires pour bénéficier d'une aide versée par l'assurance maladie ;

- enfin, en permettant le développement d'une politique de gestion du risque spécifique, le système conventionnel de gestion du risque passant aujourd'hui quasi exclusivement par des procédures individuelles (contrats de bonne pratique, contrats de santé publique, entretiens confraternels, visite des délégués de l'assurance maladie).

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