a rappelé que dix sénateurs se sont rendus en Inde, du 15 au 25 mars dernier, pour y étudier les conditions de travail et d'emploi. Il a présidé cette délégation pendant son séjour à Delhi, avant de céder la présidence à Bernard Seillier lorsqu'elle s'est rendue à Chennai et Pondichéry. Son programme de travail a comporté de nombreuses rencontres avec des responsables politiques nationaux et locaux, ainsi que des syndicalistes, des représentants d'organisations patronales et les dirigeants de filiales d'entreprises françaises implantées en Inde.
La délégation a pu constater que l'Inde dispose d'un droit social assez étoffé, mais qui ne s'applique en réalité qu'à une infime minorité de travailleurs employés dans le secteur dit « organisé », c'est-à-dire dans l'administration ou dans de grandes entreprises privées. Sur les 400 millions d'actifs que compte le pays, seuls 7 % appartiennent au secteur organisé. La grande majorité des travailleurs relève du secteur « inorganisé », ou informel, et vit dans un état de grande précarité, sans avoir, bien souvent, la chance de percevoir un salaire régulier.
Le système des castes, bien qu'officiellement aboli depuis 1947, continue d'exercer une influence sur la société indienne, y compris sur le plan professionnel : à chaque caste correspond en effet, dans la société traditionnelle, une spécialisation professionnelle héréditaire. L'apparition de nouveaux métiers, liée au développement d'une économie moderne, a cependant pour mérite de desserrer quelque peu le lien entre caste et profession, ce qui favorise la mobilité professionnelle. Par ailleurs, l'Inde pratique, depuis 1934, une politique de discrimination positive, sous forme de quotas d'embauches dans la fonction publique et pour l'accès à l'université, destinée à améliorer le sort des intouchables.
a ensuite présenté les principales protections dont bénéficie la petite minorité de travailleurs employés dans le secteur organisé.
La Constitution indienne apporte aux salariés des garanties essentielles en matière de droit du travail : elle pose un principe de non-discrimination, reconnaît aux citoyens le droit de former un syndicat et d'exercer la profession de leur choix, ou encore interdit le travail des enfants dans les emplois dangereux. La réglementation du travail est un domaine de compétence partagée entre l'Etat fédéral et les Etats composant l'Union indienne. Environ deux cents lois régissent les relations du travail, dont une soixantaine votée au niveau fédéral.
Le droit du travail indien apporte aux salariés un niveau de protection relativement élevé pour un pays en développement. Il prévoit, par exemple, que la durée maximale du travail est de quarante-huit heures par semaine, rend obligatoire une pause d'une demi-heure pour cinq heures de travail et accorde aux salariés un jour de repos par semaine. Le travail de nuit est interdit aux jeunes et aux femmes, et les salariés ont droit à des congés payés, à raison d'un jour de congé pour vingt jours travaillés. S'il n'existe pas de salaire minimum au niveau national, l'Etat impose des minima salariaux dans quarante-six secteurs d'activité. Le fort sous-emploi qui existe en Inde rend cependant les salariés peu exigeants en matière de respect du salaire minimum.
Le droit du licenciement est également très protecteur pour les salariés. Le patronat indien lui reproche même d'être excessivement rigide et demande des mesures d'assouplissement afin de fluidifier le marché du travail. Par exemple, une entreprise de plus de cent salariés ne peut procéder à un licenciement pour motif économique, ni fermer l'un de ses établissements sans avoir obtenu une autorisation préalable de l'administration. Cette autorisation est en général accordée mais le délai pour l'obtenir est assez long et la volonté de certains employeurs d'accélérer les procédures favorise la corruption.
Abordant la question de la protection sociale, M. Nicolas About, président, a fait observer qu'elle présente encore un caractère embryonnaire, dans la mesure où elle ne bénéficie, en tout ou partie, qu'à quelques dizaines de millions de personnes.
Le régime public d'assurance maladie ne couvre que 35 millions de personnes, en comptant les ayants droit. Financé par des cotisations salariés et employeurs, il verse des indemnités journalières et permet un accès gratuit aux soins médicaux. Le régime de retraite de base, auquel sont affiliées 43 millions de personnes, est également alimenté par des cotisations et fonctionne selon un principe de capitalisation. Au-delà de dix années de contribution, les salariés peuvent bénéficier d'un fonds de retraite complémentaire, qui verse une rente.
Les salariés les plus aisés ont cependant la possibilité, en matière de santé comme de retraite, de s'adresser à des assureurs privés.
La forte croissance économique, que connaît l'Inde depuis une quinzaine d'années, a fait naître de nouvelles aspirations en matière sociale. Les partis de gauche, qui soutiennent le Gouvernement dominé par le parti du Congrès, souhaitent notamment une généralisation de l'assurance vieillesse. Le projet de loi élaboré par le Gouvernement, et déposé sur le bureau du Parlement en 2005, propose cependant d'établir un régime facultatif de pure capitalisation, qui suscite de fortes réserves.
Pour lutter contre la précarité des travailleurs agricoles, le Gouvernement a également lancé, en décembre 2004, un programme de garantie d'emploi dans le secteur rural, en vertu duquel chaque chef de famille pauvre est assuré de pouvoir réaliser cent jours de travail rémunérés dans l'année. Les travaux proposés visent prioritairement à améliorer l'irrigation et l'approvisionnement en eau des villages. La faiblesse des crédits alloués à ce programme ralentit cependant sa mise en oeuvre.
a insisté sur le fait que la société indienne demeure, en dépit de ces quelques avancées, profondément inégalitaire. On estime ainsi à 26 % la proportion de la population vivant sous le seuil de pauvreté. Selon les statistiques officielles, le nombre d'enfants au travail serait de 12,6 millions, mais certaines organisations non gouvernementales (ONG) l'évaluent plutôt à 50 millions, en se fondant sur le nombre d'enfants non scolarisés.
A l'opposé, les professionnels du secteur de l'informatique et des services aux entreprises bénéficient fortement de la croissance économique indienne. Les quelque 300 000 ingénieurs et 150 000 informaticiens qui arrivent chaque année sur le marché du travail indien n'ont aucune peine à trouver un emploi. La pénurie de personnel qualifié à laquelle sont confrontées les entreprises conduit même à une envolée de leurs rémunérations, qui augmentent de 15 % par an en moyenne.