Intervention de Laurent Collet-Billon

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 juillet 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Laurent Collet-billon délégué général pour l'armement

Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement :

Nous analysons en permanence le retour d'expérience des différentes opérations extérieures, et en particulier celle sur la Libye.

Globalement, nous sommes relativement satisfaits de la manière dont se comportent, au plan, technique, les systèmes d'armes que nous avons eu la responsabilité de définir.

Le théâtre libyen se démarque nettement du théâtre afghan en ce qu'il sollicite particulièrement les composantes aériennes, aéronavales, aéroterrestre, et même spatiales.

L'opération libyenne représente pour nos forces un effort soutenu et elles y ont opéré ce que l'on appelle l'entrée en premier. Elles font face à une menace persistante, même si on en parle peu. Je pense surtout aux tirs de missiles sol-air libyens qui représentent une menace réelle en particulier pour les appareils volant à basse altitude, à savoir les hélicoptères.

Nous constatons avec satisfaction la bonne performance de nos matériels.

Une grande partie des capacités du Rafale ont été démontrées lors de l'opération Harmattan. Celle-ci a validé la pertinence du choix de la polyvalence, enviée par nos alliés britanniques. La disponibilité du Rafale est excellente. Les Rafale engagés ont effectué près de 500 sorties et 3 000 heures de vol. Cette disponibilité a un prix. Elle réclame un engagement permanent des personnels des armées en charge du soutien, et bien entendu des pilotes, soumis au rythme effréné de missions longues, nécessitant des ravitaillements en vol. Les choix architecturaux du Rafale s'avèrent ainsi confortés. C'est un avion facile à piloter et à utiliser, doté d'excellents armements.

Les missiles de croisière Scalp EG ont été tirés, avec succès, au début de l'opération. Ils ont fait à chaque fois coup au but, avec une précision remarquable. C'est le fruit de la performance intrinsèque du missile et du professionnalisme des personnels qui les mettent en oeuvre.

La nacelle de reconnaissance Reco NG a démontré de très bonnes performances, avec une très bonne qualité d'image. Elle a fourni une grande partie des prises d'images transmises à l'OTAN.

L'armement air-sol modulaire (AASM) affiche un taux de réussite de l'ordre de 98 %, tant en mode inertiel que sur coordonnées GPS.

C'est la démonstration pratique que les choix d'ensemble étaient pertinents et que les performances sont atteintes.

S'agissant des hélicoptères d'attaque, le Tigre a démontré ses grandes qualités en Afghanistan. Il procure aux troupes au sol un appui rapide et son canon de 30 mm asservi au viseur de casque s'avère d'une redoutable efficacité. En Libye, nous avons engagé des Tigre, des Gazelle, des hélicoptères dédiés aux missions de recherche et sauvetage au combat (CSAR) et des hélicoptères Caracal des forces spéciales. La disponibilité des Tigre est excellente, proche de 100 %.

Pour les hélicoptères comme pour les avions de combat, le haut niveau de disponibilité en opération a évidemment pour contrepartie une disponibilité moindre dans les bases.

Nous portons une attention particulière à l'autoprotection des Tigre, afin d'adapter nos contre-mesures, comme les leurres infrarouge, à la menace à laquelle nos appareils sont exposés.

L'opération en Libye souligne le rôle clef de la capacité de renseignement d'origine électromagnétique. Nous nous appuyons sur les Transall C160 Gabriel et sur la nacelle Astac des Mirage F1. Ces moyens datent un peu, mais ils ont fourni le renseignement nécessaire et nous ont permis de disposer des caractéristiques précises des systèmes sol-air libyens. Nous avons ainsi pu programmer les brouilleurs de nos avions de combat préalablement à leur entrée en premier sur le théâtre.

Dans cette opération, la DGA apporte son soutien technique aux forces. En particulier, nous instruisons et validons les adaptations à apporter en urgence à nos systèmes pour répondre aux particularités du théâtre.

Il nous faut être très réactifs face à ces « urgences opération ».

Nos industriels ont également été impliqués dans ce soutien. Par exemple, Dassault-Aviation est intervenu à Solenzara et sur le porte-avions pour apporter son assistance et effectuer quelques réglages en matière de radio et de circuits de carburant.

A ce stade, la DGA n'a pas été saisie de demande de recomplètement des systèmes d'armes par l'état-major des armées. Je suis convaincu que, le cas échéant, nos industriels sauraient répondre avec souplesse et réactivité. Ils l'ont démontré lorsqu'il a fallu rapidement commander une centaine de kits AASM supplémentaires à livrer en 2011.

Bien entendu, nous faisons valoir le retour d'expérience des opérations en cours auprès des partenaires intéressés par nos équipements. Certains pays se montrent très intéressés par le Tigre qui s'est révélé être un système d'armes redoutable, alors même que dans sa configuration HAP il n'a pas encore de capacité antichar.

Les enseignements principaux que nous tirons de l'opération en Libye portent sur la nécessité d'une très forte réactivité dans la planification des opérations et sur l'attention toute particulière à porter sur le renseignement, qu'il provienne des satellites, des pods de reconnaissance ou des drones. Il faut à la fois améliorer la permanence sur zone du recueil de renseignement et la rapidité de sa transmission aux échelons pertinents, et renforcer la capacité de nos liaisons en termes de débit.

Nous avons progressé dans nos capacités d'identification, afin d'éviter les dommages collatéraux. En particulier, ces opérations confirment l'apport majeur des drones de type MALE notamment à travers l'engagement de drones REAPER américains. Ces drones ont été extrêmement efficaces et ont apporté une plus-value exceptionnelle pour la détection de cibles d'opportunité qui ont ainsi pu être assignées aux avions de combat.

Nous considérons également qu'il faut rapidement améliorer les capacités du pod Damocles dans l'identification de petites cibles de jour. Nous devons pouvoir renforcer notre capacité de tir sur cibles mobiles. Une expérimentation a été effectuée en ce sens avec l'AASM (Laser) au centre DGA-Essais de missiles de Biscarosse.

Enfin, l'intensité des opérations provoque des tensions sur le maintien en condition opérationnelle. Nous enregistrons des pics de consommation de potentiel et de charge d'entretien des matériels.

Pour conclure, ce retour d'expérience permet de valider les choix que nous avions effectués lors de la conception des matériels et de conforter nos analyses capacitaires antérieures. Dans cette perspective, les priorités porteront sur le pod de désignation laser de nouvelle génération, sur les ravitailleurs multi-rôles MRTT - nous avons mobilisé une grande partie de nos ravitailleurs dans l'opération Harmattan -, sur l'A400M, sur le satellite d'écoute électromagnétique CERES, nécessaire pour établir l'ordre de bataille adverse, et bien entendu sur les drones d'observation MALE. Nous allons également évaluer la possibilité d'équiper le Rafale de missiles antichar Brimstone, ce qui soulève quelques difficultés telles que les flammes lors du départ du missile.

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