Intervention de Yves Aubin de la Messuzière

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 14 janvier 2009 : 1ère réunion
Situation dans les territoires palestiniens — Audition de M. Yves Aubin de la messuzière ancien ambassadeur chercheur à l'institut d'études politiques de paris et de M. Jean-François Legrain chargé de recherche pour le cnrs

Yves Aubin de la Messuzière, ancien ambassadeur, chercheur à la chaire Moyen-Orient et Méditerranée :

a rappelé qu'il avait eu, à plusieurs reprises, des contacts avec la direction politique du Hamas à Gaza. Il a ensuite analysé la situation actuelle comme une tragédie annoncée, compte tenu du contexte général de blocage du processus de paix et relevé qu'en faisant abstraction de la moitié de la Palestine, le processus d'Annapolis était déconnecté de la réalité. De plus, qu'on qualifie le mouvement Hamas de résistance ou de terroriste, il est avant tout une réalité politique et sociale. Même si peu d'éléments ont filtré des négociations, il semble qu'Annapolis marque une régression par rapport aux négociations de Camp David et de Taba.

Le contexte politique en Israël a eu un effet dans le déclenchement de l'offensive, sous l'effet de la surenchère entre les candidats. Les rivalités intrapalestiniennes entre Fatah et Hamas y ont contribué également ainsi que la période de transition aux Etats-Unis d'Amérique.

Comme en témoigne le fait que les Israéliens se soient approprié le terme arabe de tahdiyyeh qui signifie « accalmie », la trêve était une initiative du Hamas. Elle avait pour contrepartie l'ouverture des points de passage entre Israël et la bande de Gaza.

Pendant cinq mois, malgré quelques incidents, le Hamas a montré sa capacité à contrôler les factions armées, ce qui a été reconnu, y compris par les Israéliens.

La rupture a été marquée le 4 novembre 2008 par une action de l'armée israélienne contre les activistes du Hamas, ce qui a déclenché l'escalade puis l'annonce de la non-prolongation de la trêve par le mouvement islamique. Le Hamas a commis une erreur d'appréciation en n'anticipant pas l'ampleur de la riposte israélienne. Sa première revendication, c'est l'ouverture des points de passage dont il est comptable devant la population de Gaza.

Les objectifs d'Israël sont l'arrêt des tirs palestiniens et le contrôle de la contrebande des armes ; ce n'est pas le renversement du Hamas, objectif inatteignable mais l'affaiblissement de ses capacités militaires et de gouverner.

D'aucuns attribuent à Israël un agenda caché qui serait de consacrer la séparation entre Gaza et la Cisjordanie et une forme de « somalisation » de Gaza, par la destruction des infrastructures civiles, dont il faut rappeler qu'elles furent celles de l'autorité palestinienne.

Des indices ont montré que le Hamas était prêt à négocier le cessez-le-feu sur la base du plan franco-égyptien, qui a toutefois été rejeté par deux porte-paroles du mouvement à Damas et à Beyrouth.

a estimé que la responsabilité internationale dans la crise était certaine dans la mesure où tous les ingrédients d'une explosion étaient présents. Il a estimé que la trêve aurait dû être mise à profit pour faire pression sur l'ensemble des acteurs. L'Europe a été inhibée et peu active. Il était légitime d'envisager le rehaussement de la relation entre l'Union européenne et Israël mais le calendrier de cette annonce a donné un mauvais signal. Il a estimé qu'il y avait une vraie réflexion à mener sur la diplomatie préventive.

Evoquant ensuite les scénarios envisageables, il a estimé qu'un cessez-le-feu interviendrait probablement avant le 20 janvier. Du côté israélien, on fera valoir des succès militaires réels. Dans la négociation d'une trêve à long terme, chacun aura ses propres exigences. Du côté israélien, le contrôle strict de la frontière avec l'Egypte et, du côté du Hamas, l'ouverture des points de passage. Il a relevé une probable perte de popularité du Hamas à Gaza la trêve n'ayant pas permis de lever le blocus. En revanche, le Hamas monte en puissance en Cisjordanie avec la perception que le mouvement assure seul la protection du territoire palestinien.

Devant les images terribles diffusées sur Al Jezira, qui nourrissent de terribles frustrations, on peut s'attendre à de nouvelles violences. Le Hamas retournera probablement sa défaite en victoire.

Le grand perdant, c'est l'Autorité palestinienne qui n'a pas de perspective de retour à Gaza, sauf dans le cadre d'un gouvernement d'union nationale.

Le processus d'Annapolis est probablement mort, il faudra inventer autre chose. On ne peut pas avoir d'avancée sur le volet syrien des négociations sans perspective sur le volet palestinien.

Ce qui peut sortir de cette tragédie, c'est une mobilisation de la communauté internationale et un retour de la centralité du conflit israélo-palestinien.

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