Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Hubert Haenel, parlementaire en mission, sur le système ferroviaire français.
parlementaire en mission, a tout d'abord présenté le premier volet de son rapport au Gouvernement, concernant plus spécifiquement l'organisation nationale du système ferroviaire. Il a estimé que la loi du 13 février 1997 créant l'établissement public Réseau ferré de France (RFF), gestionnaire de l'infrastructure ferroviaire distinct de la SNCF, n'avait pas été un texte pleinement satisfaisant. Souhaitant principalement traiter la question de la dette ferroviaire dans la perspective du respect des critères de Maastricht par la France, le législateur français n'est pas allé jusqu'au bout de la logique définie par les directives européennes. Il en a résulté une véritable « usine à gaz » dans la mesure où RFF se trouve contraint par la loi elle-même de déléguer l'essentiel de ses missions à la SNCF qui est, par ailleurs, un opérateur ferroviaire théoriquement à égalité avec les autres. M. Hubert Haenel a estimé que plus d'une décennie après la loi de 1997, l'organisation ferroviaire française apparaît beaucoup trop compliquée, ce qui nuit à la fois à la transparence et au développement de l'ensemble du système. Ce constat est officiellement partagé, à la fois par la Cour des comptes, dans un rapport du printemps 2008, par l'Ecole polytechnique de Lausanne -qui a rendu en 2007 un rapport sur le sujet commandité par la SNCF et RFF- mais aussi et surtout par la Commission européenne elle-même qui a adressé des observations à la France, l'été dernier. C'est dans ce contexte, que le Gouvernement l'a missionné afin de recueillir ses propositions pour améliorer le système. Ce dernier a indiqué quelles étaient ses préconisations après avoir insisté sur le caractère indispensable de la réforme. Il a tout d'abord fait valoir qu'une solution en apparence idéale, pourrait consister à transférer à RFF la totalité des 55.000 personnels de la SNCF actuellement en charge de l'infrastructure. Estimant cette option peu réaliste, il a indiqué celle qui lui semblerait la plus à même de répondre à l'ensemble des contraintes, à la fois françaises et européennes. Il s'agirait de créer une société anonyme, dénommée « Exploitation nationale des chemins de fer français» (ENCF), filiale à 100 % de la SNCF, employant les 14.400 agents travaillant actuellement à l'exploitation du réseau, c'est-à-dire, affectés à l'organisation du trafic et à sa gestion concrète, notamment en matière d'aiguillage. S'agissant de la réaction des services de la Commission européenne à cette proposition, il a fait valoir deux éléments :
- ni la mise en place d'accords passés entre la SNCF et RFF en vue d'une meilleure coordination, ni même la création annoncée d'une commission de régulation nationale, ne sont considérées par Bruxelles comme des réponses suffisantes ;
- en revanche, sa proposition de filialisation des fonctions d'exploitation du réseau peut être envisagée dès lors que l'indépendance entre cette nouvelle société et la SNCF serait très strictement garantie.
Achevant la présentation du premier volet de son rapport, il a rappelé que celui-ci concluait sur un constat de carence de l'Etat en matière de gouvernance et de financement du système ferroviaire, soulignant que le récent contrat de performance signé entre le Gouvernement et RFF n'était pas pleinement suffisant.
a ensuite présenté le second volet de son rapport traitant plus spécifiquement de la problématique de la régionalisation ferroviaire. Ayant rappelé le rôle qui fut le sien dans la conception et la mise en place du transfert des services de proximité aux régions, il a estimé que chacun pouvait aujourd'hui se féliciter du grand succès rencontré par les trains express régionaux (TER) qui incarnent la principale réussite de la décentralisation. Il a précisé que cette réforme était encore évolutive, les trois générations de convention déjà passées entre les conseils régionaux et la SNCF ayant permis d'améliorer le système pour mieux répondre aux spécificités locales. Néanmoins le rapport identifie trois problèmes auxquels le transport ferroviaire régional de voyageurs est aujourd'hui confronté :
- un problème financier lié aux dépenses des régions toujours plus importantes, non seulement pour financer l'exploitation du service, mais aussi pour contribuer aux projets d'infrastructure, par exemple au travers des « plans rail » comme celui décidé par la région Midi-Pyrénées ;
- des difficultés liées aux goulets d'étranglement technique, dans la mesure où la saturation de certaines lignes ou de certaines grandes gares régionales est une entrave au développement de nouveaux services régionaux ;
- enfin, les questions liées à une éventuelle ouverture à la concurrence des services ferroviaires régionaux.
Revenant sur ce dernier point, M. Hubert Haenel a tenu à démentir les allégations parfois avancées dans la presse selon lesquelles son rapport préconisait une ouverture à la concurrence à compter de la fin 2009. La question d'une ouverture à la concurrence des services régionaux est aujourd'hui soumise à deux séries d'incertitudes fortes. Sur le plan juridique, un doute subsiste sur le point de savoir s'il est ou non nécessaire de modifier la loi d'orientation sur les transports intérieurs (LOTI) pour autoriser les régions qui le souhaiteraient à choisir la façon dont elles peuvent sélectionner l'opérateur du service : au moyen d'une convention signée de gré à gré, par exemple avec la SNCF, ou bien après avoir procédé à un appel d'offres auprès des différentes entreprises ferroviaires. A ces incertitudes juridiques s'ajoutent des interrogations d'ordre technique concernant la faisabilité pratique d'une éventuelle mise en concurrence, portant sur le périmètre des parties du réseau susceptibles d'être dévolues à un nouvel entrant, le devenir des matériels et des équipements aujourd'hui propriété de la SNCF mais financés par les régions et, enfin et surtout, le sort des agents de la SNCF affectés à son service. Il serait dangereux de ne pas traiter de ces questions et d'attendre qu'une éventuelle décision des juridictions européennes ou françaises impose brutalement l'ouverture à la concurrence. En conséquence, le rapport préconise d'avancer très prudemment sur le sujet en suivant la même démarche que celle adoptée pour la régionalisation elle-même au milieu des années 90 : dans un premier temps, la réunion d'un groupe de travail réunissant toutes les parties prenantes afin d'étudier l'ensemble des questions, puis, dans un second temps, la mise en place par la loi d'une possibilité d'expérimentation de l'ouverture à la concurrence par des régions volontaires.