Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire — Réunion du 8 décembre 2010 : 1ère réunion
Déploiement du très haut débit — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, auteur du rapport :

Il y a aussi des enjeux sociaux et environnementaux parmi lesquels je citerai la santé pour pallier les déficits dans la démographie médicale, favoriser l'enseignement et la formation. Tous les besoins ne sont pas couverts et nous ne devons pas prendre de retard. Contrairement à ce qu'affirment certains, il n'est pas urgent d'attendre.

2°) Si le coût est important, il s'agit là d'un investissement : on a démontré que le THD créerait 300 000 emplois et dégagerait 20 milliards d'euros de valeur ajoutée, dont la moitié pour l'État et les personnes publiques. Une étude de l'OCDE établit que cet investissement sera amorti en dix ans grâce aux économies réalisées dans les transports, la santé, l'éducation et l'électricité.

3°) S'agissant des technologies utilisables, si la fibre optique est naturellement celle qui permet d'atteindre un THD de qualité, j'ai retenu un objectif de 98 % avec, pour le reste, des technologies alternatives ou « palliatives », telles que le satellite, la quatrième génération de téléphonie mobile (4 G) et la montée en débit.

4°) Comment atteindre les objectifs fixés par le Président de la République ? Le Président de la République a fixé des objectifs légitimes mais ambitieux par rapport aux 90 000 foyers actuellement couverts. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a estimé qu'au rythme actuel, il faudrait cent ans pour déployer le THD en France. Le Gouvernement a choisi de laisser l'initiative aux opérateurs. D'autres choix étaient possibles ; l'Australie a par exemple créé une société nationale pour déployer le THD sur tout son territoire. Dans le système choisi en France, on a ainsi un zonage, avec une zone 1, où tous les opérateurs vont s'affronter parce qu'elle est rentable ; une zone 2, où ils sont prêts à aller ; et une zone 3, résiduelle, formée de territoires ruraux, dans lesquelles les collectivités prennent l'initiative et dans lesquelles il y aura un accès au FANT.

Des inquiétudes se sont manifestées : les opérateurs n'écrèmeront-ils pas les zones rentables ? Il faut respecter le choix opéré, mais il convient aussi que l'État reste vigilant sur le respect, par les opérateurs, de leurs engagements car, quand l'un d'eux annonce son intention d'intervenir, les collectivités ne peuvent plus le faire, d'où un risque de déploiement « en peau de léopard », selon l'expression des spécialistes. Même en zone rentable, les opérateurs pourraient ne couvrir que certains quartiers d'une ville. L'État doit donc être vigilant et se comporter en acteur de ce déploiement. Il est important de fixer des rendez-vous pour faire le point tous les deux ans, sans attendre dix ans pour constater ce qui ne va pas. Si l'on s'aperçoit que les modalités de déploiement choisies ne sont pas pertinentes, pourquoi l'État s'interdirait-il d'en choisir d'autres ? Certains suggèrent la séparation des infrastructures et des services, comme cela s'est fait pour le ferroviaire ; cette question est légitime de même que celle des partenariats public-privé.

L'État doit aussi favoriser l'échange de bonnes pratiques. Ainsi, sur certains territoires, ce n'est pas le conseil général qui prend l'initiative du déploiement, mais parfois le syndicat de l'électricité, comme dans l'Ain ou en Haute-Savoie. On y réfléchit aussi en Vendée.

Faute d'informations, certains départements ont joué aux apprentis sorciers. Il faut également échanger les informations techniques, ce qui éviterait que les opérateurs se plaignent de la qualité des installations techniques.

Enfin, mettre en place un véritable haut débit pour tous dans tous les départements constitue un préalable. Quand j'ai été nommé parlementaire en mission, des maires m'ont téléphoné pour me dire que ce serait déjà bien que leur commune ait du 512 Kbt, nous y reviendrons lors de la transposition de la directive télécom. Ne conviendrait-il pas d'inclure le haut débit dans le service universel ? C'est désormais juridiquement possible, mais cela a un coût : selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), cela reviendrait pour 2 Mbit à 800 millions par an, c'est-à-dire presque le coût du déploiement du THD. Ce coût pourrait être ramené à 150 millions d'euros mais pour un débit de seulement 512 Kbt. Est-ce un seuil suffisant ? Comme on ne pourra pas couvrir tout le territoire en très haut débit, il faudrait pouvoir autoriser le FANT à financer des montées en débit, ce qui n'est pas le cas actuellement. L'Autorité de la concurrence, enfin, semble prête à prendre désormais en compte les spécificités de zones bien délimitées.

Le déploiement du THD représente 23,5 milliards d'euros sur 15 ans, dont 13 milliards d'argent public, soit 860 millions par an financés par l'État, les collectivités publiques et l'Europe. Les départements y consacrent actuellement 200 à 300 millions d'euros, mais j'ai été prudent et j'ai retenu pour eux un montant de 150 millions. Même prudence pour l'Europe, avec 50 millions. Il resterait à inscrire 660 millions sur le FANT. On peut dégager une telle somme sur le budget de l'État. Je rappelle que la baisse de la TVA sur la restauration représente 3,5 milliards d'euros et que le crédit impôt recherche est du même ordre ; je rappelle également que l'augmentation de la TVA sur l'offre triple play rapporte 1,1 milliard. L'Association des maires ruraux de France n'a apporté que tardivement son soutien à l'amendement relatif à la couverture du territoire que j'avais déposé. Il proposait d'affecter une partie de cette nouvelle recette supplémentaire au FANT.

Je me suis efforcé d'imaginer des ressources spécifiques pour le fonds comme me l'avait demandé le Premier ministre. La presse n'a retenu que le fait que je proposais des taxes... En réalité, je crois possible d'alimenter le fonds sans taxe nouvelle. J'ai proposé toutefois un double financement : outre une contribution de solidarité de 75 centimes sur les abonnements fixes (20 millions) et mobiles (60 millions) qui rapporterait 540 millions d'euros, une taxe de 2 % sur les téléviseurs et les consoles de jeux, dégagerait 120 millions. Cette dernière taxe se justifie car la très haute définition favorise déjà les ventes de téléviseurs en 3 D, ce secteur est en outre très épargné et crée des emplois dans des pays très éloignés.

Je conclus en souhaitant qu'on mette en place ces ressources très rapidement, dès la loi de finances pour 2012. Les collectivités locales se posent en effet des questions sur l'engagement de l'État ; elles ont besoin d'un signal fort car si 750 millions d'euros ont été affectés cette année, elles voudraient savoir s'il y aura des financements pérennes.

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