Je précise que l'organisation de la présente table ronde et de mon récent déplacement à Prague a été décidée avant la survenance des vols de quotas d'émissions de gaz à effet de serre. Je porte donc à votre connaissance la position du ministère tchèque de l'environnement. Il m'a été précisé que le vol de ces quotas est le résultat d'une attaque mafieuse qui s'est produite la veille de la mise en oeuvre de nouvelles mesures de sécurité. Certainement très bien informés, les cybercriminels ont, en outre, mis à profit une alerte à la bombe pour pénétrer dans le registre des quotas d'émission tchèques. Je tiens donc à souligner que, quels que soient les subtilités et les éléments techniques mis en avant pour expliquer un tel détournement, nous nous trouvons bien dans le domaine de la criminalité. Aussi, il appartient à l'Union européenne et à chaque Etat membre d'accélérer la lutte contre cette nouvelle délinquance économique. Ce n'est pas qu'un sujet technique !
Par ailleurs, la République tchèque, mais aussi la France, sous l'impulsion du Sénat, ont mis en place des dispositifs destinés à tirer des ressources budgétaires de l'allocation des quotas en 2011 et 2012, avant qu'elle ne devienne payante en 2013. Les Tchèques, au vu de la fermeture de la Commission européenne sur l'attribution de quotas à titre onéreux au cours de la présente période 2008-2012, ont décidé de mettre en place une taxe sur les quotas gratuits. Ce système s'applique depuis le 1er janvier 2011 sans que mes interlocuteurs se soient montrés inquiets quant à la conformité de ce dispositif au droit communautaire.
Le cabinet de Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l'écologie, du développement durable, du transport et du logement, a confirmé mes informations tout en doutant de la bienveillance de la Commission européenne à l'égard de la solution tchèque. Il ne souhaite donc pas s'engager dans cette voie afin de remédier à la suspension de l'application de l'article 64 de la loi de finances pour 2011, qui tend à ce qu'une fraction des quotas délivrés par la France en 2011 et en 2012 le soit à titre onéreux. En effet, le Conseil d'Etat, très déférent à l'égard de la position de la Commission européenne, a rendu un avis négatif sur le décret d'application et le Gouvernement a choisi de ne pas passer outre cet avis, et donc de ne pas respecter la volonté du législateur. Le ministère dit rechercher d'autres solutions « plus robustes d'un point de vue juridique » mais je doute qu'il y parvienne avant la prochaine loi de finances rectificative.
Ces éléments de contexte ayant été rappelés, j'en arrive à mes interrogations.
Le blocage actuel du marché est d'autant plus grave qu'il est propice au développement de la criminalité économique et de nature à participer à une vision négative de l'opinion publique sur l'action de l'Union européenne.
L'absence de définition partagée au niveau européen de la notion de quotas et l'absence de règles d'encadrement adéquates participent d'un constat d'impuissance et ne sont pas à l'honneur de la Commission européenne. Au niveau national, elles reflètent également un déficit de coordination entre les différents ministères compétents. S'il avait été mis en oeuvre en son temps, le rapport Prada aurait pu contribuer à l'assainissement du marché. Compte tenu de l'urgence et de l'insécurité en matière pénale qui pèse sur les acteurs du marché, je me demande s'il ne faudrait pas sortir de la logique d'établissement d'un nouveau modèle afin d'envisager de choisir un formule robuste, simple et éprouvée pour assurer l'encadrement et la régulation du marché de quotas.
D'où mes questions. Quelles initiatives recommanderiez-vous au pouvoir exécutif et au Parlement pour rendre effectives les mesures de la loi de régulation bancaire et financière adoptée l'automne dernier ? Quel bilan dressez-vous de l'application de cette loi et de la coopération entre l'AMF et la CRE ?
Je tiens à souligner l'importance de pouvoir énoncer clairement le droit dans cette affaire de quotas volés, tant pour les délinquants que pour les acheteurs de bonne foi. Il semble que sur une matière aussi concrète, il faille se concentrer sur les moyens d'action, sans avoir à créer de nouveaux concepts juridiques qui ne feraient que rendre plus complexe le problème.