Intervention de Christian de Perthuis

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 mars 2011 : 1ère réunion
Marché des quotas d'émission de gaz à effet de serre — Table ronde

Christian de Perthuis, professeur associé à Paris-Dauphine, président du conseil scientifique de la chaire économie du climat :

Je voudrais dire quelques mots sur la chaire économie du climat, qui a été créée en octobre 2010. Elle prend la suite du programme de recherche en économie du climat. Elle permet une diffusion des questions liées au marché du carbone dans le monde académique. Je voudrais également attirer votre attention sur deux rendez-vous importants. D'une part, le 22 mars, une audition aura lieu au Parlement européen sur ce sujet. En tant que personnalité auditionnée, je m'efforcerai de porter à la connaissance des instances européennes les travaux français, et notamment ceux de la commission des finances du Sénat. Je persiste à penser que la Commission européenne méconnaît vos travaux. D'autre part, les 12 et 13 mai prochains, aura lieu à Florence une conférence sur la question de la régulation du marché du carbone, co-organisée par l'institut universitaire de Florence.

Pour répondre à Fabienne Keller, qu'en est-il actuellement des registres au niveau européen ? La Commission, même si elle n'a qu'un pouvoir limité en la matière, a durci les règles sur les registres. Elle contribue ainsi au renforcement de la sécurité. Si quinze registres seulement sur vingt-sept sont ouverts, c'est que les autres pays ne se sont pas encore adaptés aux nouvelles règles de sécurité mises en place au niveau européen. Le système progresse donc, même si l'on est encore loin de l'objectif.

Sur les enjeux de moyen terme et sur la compétitivité, je dirai trois choses.

Premièrement, il existe une connexion très forte entre les signaux que l'on pourra envoyer à court terme sur la sécurité des instruments, et les décisions de moyen et long terme. Les industries ont besoin de visibilité et de sécurité sur le dispositif à long terme. Il ne faut donc pas dissocier l'urgence du court terme et les enjeux de moyen terme. Cette restauration de la confiance est urgente et conditionne la réussite du système pour la suite des événements.

Deuxièmement, sur l'enjeu de compétitivité, nous pensons à la compétitivité des secteurs historiques de l'économie qui entrent dans le SCEQE avec une contrainte flexible, mais supplémentaire. Cela dit, il me semble qu'il faudrait adopter une vision plus large de la compétitivité de notre économie. L'instauration d'un prix du carbone dans l'économie permet en effet aux anciens secteurs de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre au moindre coût, et c'est bien l'intérêt du dispositif. Parallèlement, le prix du carbone incite aussi d'autres industriels à investir dans de nouveaux procédés et dans les transitions vers une économie à bas carbone. Donc, il me semble que du point de vue politique, il faut considérer l'enjeu de compétitivité sous son angle global, c'est-à-dire effectuer les restructurations industrielles indispensables dans les anciens secteurs de l'industrie, tout en veillant à ce que des instruments économiques nouveaux stimulent les industries bas carbone innovantes.

J'en viens au troisième point, sur le passage aux enchères. Il s'agit à mon avis d'une révolution majeure dans le fonctionnement du système. J'ai le sentiment que beaucoup d'acteurs croient que le passage aux enchères va résoudre tous les problèmes, ce qui ne sera pas le cas. 30 à 40 milliards d'euros autrefois alloués gratuitement seront désormais gérés par la puissance publique. Encore faudra-t-il que celle-ci effectue les bons choix en termes d'affectation de cette nouvelle ressource. Ce point est très important. L'usage du produit des enchères doit être alloué efficacement, sous l'angle macroéconomique et environnemental.

Enfin, je voudrais faire part de ma crainte quant à l'évolution du dispositif, qui devient à mon avis beaucoup trop complexe, avec des règles qui ne seront pas les mêmes partout. Pour qu'un système soit crédible, il doit être transparent et compréhensible. Un marché efficace est un marché où les règles sont simples.

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