Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, sur l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale (AFICAR).
a tout d'abord précisé que sa communication résultait de travaux de contrôle décidés au cours de l'examen du projet de loi de finances pour 2008. Il s'était interrogé, à l'époque, sur la nécessité de subventionner l'AFICAR pour faire circuler des « Trains expositions » et organiser des opérations de communication « Jeune public », alors même que le ministère de l'agriculture connaissait une situation budgétaire difficile.
Il a indiqué qu'au cours du premier semestre 2008, il s'était donc rendu au siège de l'AFICAR, à Montreuil, puis avait recueilli les observations des représentants de l'agence, du ministère de l'agriculture, et des organisations professionnelles siégeant au conseil d'administration de l'établissement.
Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a rappelé que la création de l'AFICAR résultait du constat d'une forme de « divorce » entre l'opinion publique française et le monde agricole, constat qui s'était imposé à mesure que les crises sanitaires, les atteintes à l'environnement causées par un modèle « productiviste » ou les débats entourant la culture des OGM s'étaient multipliés.
Il a également précisé que les insuffisances de la communication agricole résultaient d'actions trop sectorielles et très dispersées. Une première tentative pour remédier à ces insuffisances avait consisté à créer, dans le cadre de la loi d'orientation agricole de 1999, un Fonds de valorisation et de communication agricole, dont les missions étaient toutefois imprécises et les modalités de financement indéterminées.
a indiqué que la création de l'AFICAR résultait de la loi relative au développement des territoires ruraux de 2005. Le premier contrat d'objectifs de l'agence lui avait assigné les missions de promouvoir une « image positive, dynamique et innovante » de l'agriculture, de rétablir auprès des consommateurs le lien existant entre leur alimentation et les matières premières ou les produits qui en sont à l'origine et d'assurer la cohérence des actions de communication des secteurs concernés.
Il a précisé que l'agence avait été constituée sous la forme d'un établissement public industriel et commercial afin d'associer les représentants du monde agricole et rural aux actions de l'AFICAR, ce que permettrait la constitution d'un conseil d'administration paritaire, de recueillir, en complément des fonds publics, une participation financière des organisations professionnelles, syndicales et consulaires agricole, et de garantir l'impartialité du message délivré.
Après être brièvement revenu sur les instances de fonctionnement de l'AFICAR, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a établi un premier bilan des actions menées. Il a tout d'abord évoqué l'exposition itinérante baptisée le « Train de la Terre », réalisée en 2007 sur le thème de « l'agriculture et la forêt dans votre quotidien » : 5 wagons exposition ont accueilli 100.000 visiteurs, dont 70.000 au Salon international de l'agriculture, pour un coût d'1,1 million d'euros réparti sur les exercices 2006 et 2007. Elle a été reconduite en 2008 sur le thème de la PAC, avec un budget de 960.000 euros.
Par ailleurs, l'AFICAR avait mis en oeuvre des actions plus modestes en direction du jeune public, sous la forme de jeux éducatifs, d'animations-concours dans les centres de loisirs et de publications à destination des scolaires. A l'appui de son propos, il a soumis à l'examen de ses collègues quelques exemples de jeux réalisés par l'AFICAR. Enfin, l'AFICAR s'est dotée d'un site internet dont les performances sont, à ce stade, relativement modestes.
S'agissant de la portée de ces actions, il a indiqué avoir recueilli des avis contrastés au cours de ses auditions : une analyse des retombées de presse du « Train de la Terre 2007 » montrait que l'événement avait été essentiellement relayé par la presse écrite locale, voire spécialisée, et surtout sous forme d'annonce du passage du train, les articles de fond sur des médias nationaux étant presque inexistants. Les actions menées étaient donc très en-deçà des ambitions affichées par une partie de la profession agricole.
Concernant la rationalisation des politiques de communication du secteur agricole, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a jugé que les résultats n'étaient guère plus satisfaisants. Il s'est demandé si le ministère de l'agriculture et de la pêche, lui-même, s'efforçait de coordonner ses propres actions de communication avec celles de l'opérateur dont il assurait la tutelle, observant que le délégué à la communication du ministère n'était pas directeur de l'AFICAR, en dépit de la possibilité ouverte par le code rural. Par ailleurs, la communication ministérielle inclut, sans coordination apparente avec l'AFICAR, des actions tournées vers le grand public qui correspondent à la vocation de l'agence. En matière de communication des organisations professionnelles agricoles, il a constaté que la coordination n'était pas plus aboutie, citant l'exemple de l'opération des Jeunes agriculteurs intitulée « Un week-end sur terre », ayant eu pour conséquence de priver le « Train de la terre » de financement.
a relevé que les résultats insuffisants obtenus par l'AFICAR tenaient tout d'abord à la faiblesse de ses moyens. L'agence est aujourd'hui presque exclusivement financée par une subvention pour charges de service public en provenance du budget de l'Etat, d'un montant d'1,4 million d'euros en 2007 et 2008. Cette subvention doit être majorée du coût des moyens mis gratuitement à disposition de l'opérateur par le ministère de l'agriculture et de la pêche, entre 330.000 et 340.000 euros en 2006 et 2007. Parallèlement, les partenariats financiers extérieurs sont quasiment inexistants, en dépit d'une cible, fixée dans le contrat d'objectifs, d'un euro de recette extérieure pour un euro de financement public pour chaque grande opération de communication.
a noté que les rares financements extérieurs obtenus par l'AFICAR avaient pris la forme exclusive de dotations au titre du « sponsoring » du Train de la Terre 2007 et de prestations en nature, telles que le concours apporté par les chambres d'agriculture sur le trajet du train. En 2007, les contributions extérieures ont représenté 18 % des moyens totaux de l'AFICAR, soit un niveau sensiblement inférieur à la cible fixée par le contrat d'objectifs, celle-ci étant pourtant la moins ambitieuse des différentes hypothèses formulées.
Cette faible mobilisation des partenaires privés de l'AFICAR est parfois imputée à la phase de « démarrage » de l'établissement et à la nécessité de laisser aux partenaires potentiels le temps de se familiariser avec le fonctionnement de la nouvelle structure. Ces travaux de contrôle démontrent toutefois que les organisations représentées au conseil d'administration de l'AFICAR soit n'entendent purement et simplement pas participer au financement de l'agence, soit considèrent que le financement public est indispensable et doit être majoritaire.
a indiqué que l'insuffisance des moyens dévolus à l'AFICAR lui faisait rencontrer des difficultés de gestion récurrentes, dont témoignaient ses problèmes de trésorerie et sa tendance à engager des dépenses en dépassement de ses capacités.
Sur ses deux premières années de fonctionnement, les engagements pris par l'AFICAR ont excédé ses capacités de 597.951 euros. En conséquence, le ministère de l'agriculture a demandé à l'établissement de régulariser sa situation et de limiter strictement ses engagements 2008 à la capacité issue des autorisations d'engagement accordées par l'Etat, augmentée des éventuelles ressources externes, mais déduction faite de la résorption de la totalité des sur engagements constatés en 2006 et en 2007. Il a par ailleurs alloué à l'agence une dotation complémentaire exceptionnelle de 200.000 euros en autorisations d'engagement, afin de l'aider à assainir sa situation.
Observant que l'AFICAR générait des coûts de fonctionnement relativement élevés, tout en n'ayant pas la taille critique pour se doter de services supports suffisants, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a estimé que la coordination administrative entre l'opérateur et sa tutelle était perfectible. Aucune convention n'a été conclue entre l'AFICAR et le ministère pour régir les moyens mis à disposition par ce dernier, et aucune règle de travail en commun n'a été formalisée entre l'agence et les services du ministère susceptibles de lui apporter une assistance technique.
a imputé l'échec de l'AFICAR à la prééminence de logiques sectorielles qui ont entravé l'émergence d'une communication commune à l'ensemble de la profession, ainsi qu'à la double réticence des organisations professionnelles agricoles, qui redoutent de perdre la maîtrise ultime des fonds alloués à un opérateur public dont elles n'assurent pas le pilotage intégral, et qui ne souhaitent plus prendre part à une forme de « cogestion » de fonds publics et privés.
a indiqué que beaucoup de ses interlocuteurs avaient cité, en guise de « modèle », le Fonds national de promotion et de communication de l'artisanat (FNPCA). Il a toutefois souligné les limites d'une telle comparaison : les moyens du FNPCA sont incomparablement plus élevés que ceux de l'AFICAR, car ils sont le produit d'un prélèvement obligatoire, et non de contributions volontaires. Cela a permis au FNPCA de financer des actions de communication d'une envergure très supérieure à celles de l'AFICAR, mobilisant des canaux de diffusion inaccessibles à cette dernière, et dont la campagne « L'artisanat, première entreprise de France » est emblématique.
Rappelant que le ministère de l'agriculture avait invité les représentants de la profession agricole à se déterminer rapidement sur l'avenir et les modalités de financement de l'AFICAR, M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a mentionné certaines propositions de la profession, consistant à créer un fonds de communication alimenté par une partie des cotisations volontaires obligatoires (CVO) prélevées par les interprofessions, ou par une partie des recettes du compte d'affectation spéciale Développement agricole et rural (CAS-DAR). Il a indiqué, qu'à ce stade, la création d'un fonds supplémentaire ne lui semblait pas appropriée, et que le financement d'actions de communication ne lui paraissait pas conforme à l'objet du CAS-DAR, qui concourait à la recherche et au développement.
a évoqué, pour l'avenir de l'AFICAR, les deux options suivantes :
1) une prise en charge opérationnelle et financière de la communication agricole « grand public » par la profession, le ministère chargé de l'agriculture ou ses opérateurs étant libres de subventionner ponctuellement certaines actions jugées conformes aux missions d'intérêt général qui leur sont assignées. Dans une telle hypothèse, la suppression de l'AFICAR pourrait être programmée ;
2) un maintien de l'AFICAR, à la triple condition de mobiliser de façon pérenne des participations financières extérieures au moins égales à la participation de l'Etat, de formaliser par convention l'appui technique que devraient apporter les services du ministère de l'agriculture et de la pêche et d'améliorer la coordination entre, d'une part, la politique de communication grand public du ministère et des organisations professionnelles agricoles et, d'autre part, les actions de l'AFICAR.
a enfin indiqué qu'il entendrait à nouveau, suite au prochain conseil d'administration de l'AFICAR, les représentants du ministère de l'agriculture et de la pêche et des organisations siégeant au conseil d'administration, afin qu'ils lui fassent part de leurs éventuelles propositions sur l'avenir de l'opérateur. Il a ajouté qu'il suggérerait, aux membres de la commission, en l'absence d'avancées significatives, ou si la consistance des propositions formulées était insuffisante, de supprimer l'AFICAR lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009.