Intervention de Jean-Jacques Lozach

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Avenir des centres régionaux d'éducation populaire et de sport — Communication

Photo de Jean-Jacques LozachJean-Jacques Lozach, rapporteur pour avis :

L'objet de ce rapport porte sur l'avenir des centres régionaux d'éducation populaire et de sport (CREPS), dont le nouvel intitulé, selon le projet de décret qui m'a été transmis, signifierait : « centre de ressources, d'expertise et de performance sportives ».

Il est motivé par la mutation récente de ces établissements publics, solidement ancrés dans l'histoire du sport, mais plus largement dans la vie associative et l'éducation populaire de notre pays. Il leur a été demandé, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de se réorganiser, voire de disparaître, dans des délais très brefs, alors qu'ils ont joué, pendant près d'un siècle, un rôle essentiel dans l'affirmation progressive du modèle sportif français, en matière de formation et d'entraînement.

Je me suis interrogé sur les raisons - jamais vraiment explicitées - de cette mutation, ainsi que sur les conditions d'application et ses conséquences pour l'ensemble des acteurs concernés.

Les CREPS sont des établissements publics nationaux français, dépendant du ministère chargé des sports. Pensés avant la guerre par Léo Lagrange, créés pour certains sous Vichy, ils prospèrent ensuite sous le nom de centres régionaux d'éducation générale et sportive, puis centres régionaux d'éducation physique avant de prendre leur nom actuel. Jusqu'au début des années 1980, les CREPS ont surtout assuré la formation des enseignants de sport. Menacés d'abandon dans le cadre de la décentralisation, ils exercent ensuite des compétences de plus en plus variées, finalement définies par le décret du 14 mars 1986. Ils sont des outils de l'État pour trois grandes missions : préparer aux métiers de l'animation et de l'encadrement sportif, accueillir et former les sportifs de haut niveau, et accueillir les mouvements associatifs de jeunesse et d'éducation populaire.

Ils peuvent aisément remplir leurs missions car :

- depuis les années 1990, on en compte un par région, dont 22 sur le territoire métropolitain et deux outre-mer ;

- ils disposent le plus souvent de la propriété de leurs installations.

Ils auraient pu longtemps prospérer dans cette triple mission si la RGPP n'était pas passée par là. Mais les conclusions de la RGPP ont été claires : le réseau des CREPS doit être resserré. Vaguement justifiée par d'autres priorités comme le recentrage sur le sport de haut niveau, cette décision a en fait clairement une origine budgétaire.

Cela dit, ce n'est pas parce que l'origine de la décision est contestable que la décision l'est pour autant, et j'ai donc essayé d'aborder la réforme du réseau des CREPS avec la plus grande ouverture d'esprit possible.

Suite à une mission très rapide de l'inspection générale de la jeunesse et des sports qui a duré moins d'un mois en juillet 2008, il a été décidé de supprimer huit CREPS sur vingt-quatre, celui de Chalain en Franche-Comté, d'Houlgate en Basse-Normandie, de Mâcon en Bourgogne, d'Ajaccio en Corse, de Voiron en Rhône-Alpes, de Dinard en Bretagne, d'Amiens en Picardie et de Limoges en Limousin. Cinq CREPS ont donc fermé en 2009, deux en 2010 et celui de Dinard sera dissous le 31 décembre prochain.

Deux CREPS, celui de Vichy et celui de Poitiers, ont été sauvés in extremis via la création de nouvelles activités.

Parallèlement, les missions des CREPS maintenus ont été recentrées sur :

- l'accueil des sportifs de haut niveau. Les parcours de l'excellence sportive mis en place par les fédérations sportives à la demande de l'État ont entraîné une concentration des moyens sur l'élite sportive et donc une réduction du nombre de pôle Espoirs par rapport aux pôles France, qui regroupent les meilleurs éléments ;

- et sur les formations dites « coeur de métier », à savoir la formation aux métiers du sport et de l'animation, dans les secteurs où l'offre de formation privée est inexistante ou insuffisante.

Afin de formaliser cette évolution déjà largement engagée, un décret sera prochainement publié.

Plusieurs questions ont guidé ma réflexion.

Tout d'abord, que sont devenus les CREPS fermés ? Force est de constater que sept des huit CREPS ont fait l'objet d'un projet de reprise au niveau local, soit par la municipalité, comme à Mâcon, avec une activité associative de formation dans le domaine du sport, soit par une communauté d'agglomération comme à Amiens, où une activité similaire va être développée, soit par le département comme dans le Jura, où une activité différente sera développée sur le site, ou par la région comme en Basse-Normandie, en Rhône-Alpes, en Corse et en Bretagne.

Le cas de Dinard est particulièrement intéressant : un partenariat entre l'État et la région Bretagne a été formalisé par la signature d'un protocole le 29 janvier 2010 prévoyant la mise en place d'un campus de l'excellence sportive de Bretagne. La plupart des missions jusqu'alors dévolues au CREPS seront exercées par un groupement d'intérêt public, financé par l'État et la région, en collaboration avec les universités. L'avantage est que l'offre de formation pourra être coordonnée au niveau régional et qu'en outre le nouveau groupement pourra bénéficier des subventions du CNDS, ce qui n'est pas possible pour les CREPS.

Ma conclusion est, qu'en fait, l'activité des CREPS a été la plupart du temps maintenue car elle correspond à un réel besoin, mais l'État s'est désengagé pour des raisons budgétaires en encourageant les collectivités à reprendre en main les structures. Cela va, d'une part, poser de réels problèmes de financement et d'iniquités territoriales mais, d'autre part, cela permettra de faire de ces nouveaux organismes des acteurs locaux efficaces de la politique de formation sportive. A Limoges, par exemple, la suppression du CREPS a été l'occasion par le conseil général de récupérer des locaux dont il était propriétaire et les activités exercées par l'établissement ne seront qu'en partie reprises à Poitiers.

La deuxième question traitée concerne la pertinence de l'objectif de recentrage sur le coeur de métier des CREPS. Je ne suis pas a priori défavorable à ce que l'État se concentre sur certaines formations particulièrement importantes et sur les sportifs qui auront le plus de chances de gagner de grandes compétitions. Cependant, la diminution du nombre de pôles Espoirs pose un problème à moyen terme car les espoirs d'aujourd'hui sont les champions de demain. L'un des directeurs de CREPS que j'ai auditionné s'est, au demeurant, inquiété des conséquences de cette stratégie. Par ailleurs, l'abandon de la politique en faveur de l'éducation populaire peut avoir des conséquences indirectes néfastes. Tous les acteurs que j'ai rencontrés m'ont ainsi signalé que les formateurs dans le domaine de l'éducation populaire avaient une action très efficace et très utile en direction des jeunes sportifs, dans le cadre du double projet sportif et éducatif. Les conseillers d'éducation populaire apportent souvent une perspective différente et les directeurs de CREPS se servent beaucoup de leur expérience ; leur disparition serait donc, à mon sens, une réelle perte, même pour nos sportifs de haut niveau.

Ma troisième question a trait à la façon dont la tutelle sera exercée. Rama Yade, alors qu'elle était secrétaire d'État aux sports, considérait que les services déconcentrés devraient prendre une importance grandissante en la matière. Sauf que, comme nous l'avons vu, ils ont de moins en moins de moyens, et il sera compliqué pour eux de mener cette tâche à bien. Par ailleurs, il a été décidé que l'INSEP (l'institut national du sport, de l'expertise et de la performance) serait la tête du réseau des CREPS, qui deviendront, encore un nouveau nom pour cet acronyme, les « centres de ressources, d'expertise et de performances sportives ». Cela pose deux questions à mon sens. Le ministère va-t-il peu à peu laisser la tutelle des CREPS à l'INSEP qui deviendra ainsi le vaisseau amiral de la politique en faveur du haut niveau en France ? Et ne risque-t-on pas de voir naître une rivalité entre les CREPS qui tenteront, chacun de leur côté, de créer de nouveaux pôles et d'attirer les meilleurs athlètes ? De la capacité du ministère à répondre à ces interrogations dépendra en partie l'avenir des CREPS.

Enfin, je m'interroge sur la façon dont les CREPS seront financés à l'avenir. Le but est-il de maintenir les crédits et de tout miser sur les seize CREPS restants ? Pour l'instant la politique mise en place a entrainé une baisse des crédits de personnels, mais la dépense globale n'a pas diminué notamment en raison de la prise en charge de frais de rénovation des bâtiments. Si l'idée est de maintenir un effort global constant et de mieux financer les CREPS qui se sont maintenus, alors la réforme peut rencontrer un succès.

En conclusion, l'avenir des CREPS s'inscrit encore en filigrane et ne sera définitivement assuré que lorsque certaines conditions que nous avons tenté de définir seront remplies : un financement suffisant, une tutelle efficace, une attention forte portée aux espoirs, un maintien des activités de formation, et une prise en compte des dimensions citoyenne et d'éducation populaire de la politique sportive.

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