Intervention de Bernard Lassus

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 décembre 2010 : 1ère réunion
Audition de M. Bernard Lassus architecte paysagiste et M. Bernard Welcomme directeur de l'école nationale supérieure du paysage de versailles

Bernard Lassus, architecte paysagiste :

Je remercie M. Ambroise Dupont de m'avoir invité et souhaiterait en profiter pour évoquer avec vous plusieurs questions. Je voudrais m'appuyer sur la projection de quelques images qui illustrent les observations suivantes :

- la présence d'un cuirassé recouvert d'une peinture de camouflage de l'armée, dans le port de Stockholm dans lequel il s'intégrait parfaitement, fut pour moi une révélation de la notion de paysage. En effet, le paysage est un ensemble homogène composé de plusieurs fractions différentes, dont il se dissocie. Ainsi l'homogénéité n'a pas à s'appliquer à chacune des fractions qui, ensemble, forment un tout homogène. Chaque fraction peut donc trouver son sens et son originalité ; il convient donc de définir le caractère propre de chaque élément, et c'est ce qui doit guider notre réflexion sur l'aménagement du territoire ;

- la dimension de l'apparence est sous-estimée dans les études en France, alors qu'elle peut prendre une place importante. A l'image des insectes qui ont abandonné une apparence propre pour adopter celle de leur milieu, le concept d'intégration dans l'environnement m'a guidé pour proposer des projets, qu'il s'agisse d'une passerelle à Istres ou des vieux hangars des quais de Bordeaux ;

- en France, les concours organisés actuellement sont dramatiques car les moyens sont très largement insuffisants pour obtenir des résultats satisfaisants. A titre de comparaison, j'ai participé à un concours pour le réaménagement de la Ruhr en Allemagne : chaque concurrent a reçu 300 000 euros et pouvait utiliser des locaux mis à disposition. Le résultat fut par conséquent d'un très bon niveau ;

- la complexité de la réglementation relative à l'aménagement du territoire est telle qu'il devient impossible de mener correctement un projet. Le concept même de projet est d'ailleurs remis en cause par l'ajout de contraintes, qui, selon moi, doivent être prises en compte dans un second temps sous peine de ne pas réussir à garantir la réalisation du projet ;

- le paysage est porteur de sens et doit prendre en compte les dimensions sociales, historiques, culturelles et économiques d'un territoire. L'exemple des « Jardins des retours » à Rochefort-sur-Mer, où était auparavant situé l'arsenal, montre ce caractère multidimensionnel du paysage. En effet, j'ai proposé de recréer le lien avec la mer, éloignée de 10 kilomètres, en créant des vagues avec la verdure environnante ; j'ai retrouvé et fait installer tous les drapeaux qui ornaient les flottes au 18e siècle ; enfin j'ai mis en valeur le phénomène d'importation de plus de 16 000 plantes sur le territoire français, rapportées sur les bateaux qui revenaient à Rochefort-sur-Mer. Un botaniste fit ainsi découvrir une plante qui prit le nom du gouverneur de Rochefort, devenant le bégonia. Depuis le réaménagement du parc de l'arsenal, 116 emplois ont été développés autour du bégonia, offrant une dynamique sociale.

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