a rappelé que la Cour doit, dans son rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, rendre son avis sur les tableaux d'équilibre de l'exercice clos. Le rapport pour l'année 2007 confirme certaines remarques déjà faites l'an passé : les contrôles effectués par les organismes de sécurité sociale, en amont, sur les comptes agrégés dans les tableaux restent lacunaires ; en aval, leur construction donne lieu à des contractions d'écritures parfois non justifiées sur le plan comptable. Celles-ci ont conduit cette année à diminuer les montants des charges et produits d'environ 20 milliards d'euros sans que les soldes soient modifiés.
Par ailleurs, dans sa mission de certification des comptes du régime général, la Cour avait refusé en juin 2008 de certifier les comptes de la branche recouvrement, en raison de plusieurs désaccords qui l'ont conduite à réviser à la baisse d'environ 1 milliard d'euros les produits de l'exercice 2007 et donc à dégrader le solde du même montant.
Les tableaux d'équilibre inclus dans le projet de loi de financement pour 2009 sont cependant fondés sur les chiffres non révisés. La Cour ne fait pas grief à l'administration de n'avoir pas tiré les conséquences de ces désaccords dans la présentation des tableaux d'équilibre relatifs à 2007. En effet, ces tableaux sont fondés sur les comptes définitifs des régimes : l'Etat n'étant ni le producteur de ces comptes, ni l'autorité chargée de les approuver, il n'a pas le pouvoir de les rectifier. Il reste que cette situation n'est pas satisfaisante. Il conviendra donc de poursuivre la réflexion afin de donner sa pleine portée à la certification.
Puis M. Philippe Séguin a développé les analyses de la Cour sur la situation des comptes de la sécurité sociale en 2007. Celle-ci montre la persistance d'une situation financière dégradée, avec un déficit cumulé, pour l'ensemble des régimes et des fonds de financement, de 11 milliards d'euros, contre 10,2 milliards en 2006. 2007 est ainsi la cinquième année consécutive où les déficits dépassent 10 milliards d'euros, alors même que la conjoncture économique était encore favorable.
Il est vraisemblable que la Cour émette des observations similaires sur les déficits pour 2008, et sans doute même pour 2009, dans ses prochains rapports.
La branche maladie, qui a vu ses produits progresser de 5 % de 2006 à 2007, a pu réduire son déficit, malgré une hausse des prestations de plus de 4 % sur la même période. Mais le déficit de la branche reste important, soit 4,6 milliards d'euros.
Le dynamisme des recettes a été moindre pour la branche retraite. En outre, la progression des prestations a été particulièrement marquée, de plus de 6 %, conduisant à une très forte dégradation du solde, passé de - 1,9 à - 4,6 milliards d'euros. C'est pour l'essentiel l'effet du « papy-boom », ainsi que des départs anticipés en retraite beaucoup plus nombreux que prévu.
La branche accidents du travail connaît également une dégradation de son résultat. Seule la branche famille est à l'équilibre et présente même un léger excédent.
En ce qui concerne les fonds, la Cour se félicite de la suppression annoncée du fonds de financement des prestations sociales agricoles (Ffipsa), qu'elle avait recommandée dans ses rapports pour 2006 et 2007. Elle exprime, en revanche, ses doutes sur l'intention du Gouvernement de prélever, au profit de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), des recettes de contribution sociale généralisée (CSG) aujourd'hui attribuées au fonds de solidarité vieillesse (FSV). En effet, l'excédent constaté sur le FSV pourrait n'être que passager si la situation de l'emploi devait à nouveau se dégrader.
a ensuite fait part des interrogations de la Cour des comptes sur les instruments de contrôle mis en place par la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.
En ce qui concerne les programmes de qualité et d'efficience (PQE), la Cour estime qu'ils devraient être plus opérationnels, afin de constituer de vrais outils de pilotage et d'amélioration de la performance.
Pour ce qui est de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), son dépassement a été important en 2007, puisqu'il a atteint 3 milliards d'euros pour un montant voté de 145 milliards. Ce mauvais résultat est la conséquence du caractère manifestement irréaliste de l'objectif de soins de ville fixé pour 2007. La Cour souligne notamment que, sur le poste médicament, une économie, particulièrement irréaliste, de 2,5 % était prévue, alors que la progression effective des dépenses a été de 5 %. L'ampleur du dépassement de l'Ondam a d'ailleurs justifié, pour la première fois, la mise en oeuvre de la procédure d'alerte prévue par la loi du 13 août 2004.
La Cour a procédé à deux analyses thématiques pour essayer de comprendre les évolutions de l'Ondam « soins de ville ».
Elle a constaté tout d'abord une envolée des dépenses de soins des infirmiers libéraux, de plus de 9 % entre 2006 et 2007, progression symptomatique de la difficulté à mettre en place des outils de régulation du nombre d'actes et de la démographie de la profession. Ainsi les disparités de densité en infirmiers varient-elles encore aujourd'hui de 1 à 7 entre les départements.
La deuxième analyse a porté sur le lien entre l'Ondam et les négociations conventionnelles. Les discussions avec les professions de santé, largement déléguées à l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam), sont menées sans articulation suffisante avec l'enveloppe fixée par le Parlement. L'Etat approuve les accords sans toujours en connaître l'impact financier et intervient même parfois pour inciter les caisses à accorder des majorations d'honoraires.
Puis M. Philippe Séguin a présenté les travaux thématiques de la Cour sur la gestion des risques.
En ce qui concerne les restructurations hospitalières, l'analyse menée dans trois régions (Centre, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nord-Pas-de-Calais) et dans trois filières (obstétrique, chirurgie et soins de suite) confirme que, malgré les efforts des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), les réalisations sont restées en deçà des objectifs souhaitables.
Ce constat se vérifie tout particulièrement pour la chirurgie : de nombreux petits établissements se maintiennent au détriment de la sécurité des patients. De même, dans certains centres hospitaliers universitaires (CHU), les restructurations restent à la fois trop lentes et trop coûteuses. Cette situation tient certes à l'insuffisance des outils mis à disposition des ARH mais aussi et surtout à la trop grande résignation des pouvoirs publics face aux protestations locales.
Le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires » devrait permettre de donner aux futures agences régionales de santé (ARS) les moyens d'une réorganisation vigoureuse de l'offre de soins, allant au-delà du simple regroupement juridique des établissements.
En ce qui concerne les systèmes d'information hospitaliers, l'enquête menée par la Cour et par quatorze chambres régionales des comptes a mis en évidence l'usage variable, mais le plus souvent décevant, des outils informatiques nouveaux, que ce soit pour le dossier patient informatisé ou pour la gestion des établissements. Le pilotage national des plans d'investissements successivement engagés n'a pas été assez rigoureux, ce qui a conduit à un gaspillage de crédits. Pour éviter la reproduction de tels errements, la Cour préconise de mieux préparer les hôpitaux et donc de retarder la distribution des 1,5 milliard d'euros de crédits prévus pour les systèmes d'information dans le cadre du « plan hôpital 2012».
Puis M. Philippe Séguin a abordé la question du coût de la distribution des médicaments par les pharmaciens. La Cour estime qu'il y a trop de pharmacies en France, ce qui a notamment pour effet indirect un système de rémunérations élevées destiné à garantir un revenu suffisant aux petites officines. Aussi les marges sur les produits remboursés ont-elles, dans l'ensemble, progressé depuis une dizaine d'années, alors même que la croissance des ventes, l'élévation du prix des médicaments et le maintien à un niveau élevé des remises et marges arrières auraient dû permettre de les réduire. Par ailleurs, la marge sur les médicaments génériques est très avantageuse pour les pharmacies et peut atteindre plus de 100 % du prix de fabrication hors taxes.
Les mesures prévues par la loi de financement pour 2008, pour engager la restructuration du réseau officinal, ne paraissent pas suffisantes. La Cour recommande donc de réduire les marges des officines pour accélérer ce mouvement.
a ensuite développé les analyses de la Cour sur la répartition des dépenses de santé entre les financeurs : assurances obligatoires, assurances complémentaires et usagers.
Le transfert de certaines prises en charge à des complémentaires, qui vise en première intention à réduire les dépenses pour l'assurance de base sans augmenter les prélèvements obligatoires, entraîne en fait des coûts non négligeables pour les assurés et pour la collectivité. Son effet anti-redistributif est en outre patent. Ce sujet a été développé dans le rapport thématique que la Cour a remis à la commission des affaires sociales au printemps dernier.
Toujours dans le champ de l'assurance maladie, un autre sujet concerne les dossiers médicaux accessibles en ligne, qu'il s'agisse du dossier médical personnel (DMP), de l'historique des remboursements développé par la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) ou du dossier pharmaceutique mis en oeuvre par l'Ordre des pharmaciens. Des perspectives exagérément optimistes avaient en particulier été annoncées pour le DMP en 2004, aussi bien pour son calendrier de réalisation que pour les économies qui pourraient en résulter, chiffrées en milliards d'euros. En 2008, la Cour estime que l'échec est évident.
Les travaux de la Cour ont porté également sur les branches famille et retraites.
L'examen des aides à la petite enfance montre en premier lieu une situation insatisfaisante. Fondée sur des prévisions peu réalistes, la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) a représenté une charge beaucoup plus élevée que prévu : entre 2003 et 2005, le coût moyen d'un enfant gardé à augmenté de 60 %. Pour autant, les résultats sont décevants : le nombre de places en crèche ou chez les assistantes maternelles n'a que peu progressé sur la période. Parallèlement, le taux de scolarisation des 2-3 ans a fortement chuté. Ainsi, l'objectif qui était de donner aux familles la possibilité de choisir le mode de garde n'a pas été atteint et nombre de parents restent contraints d'interrompre leur activité professionnelle pour garder leurs jeunes enfants.
Le rapport constate également l'absence de corrélation entre le taux d'effort financier des familles et leurs revenus, ce qui soulève une question d'équité. Les aides devraient être mieux ciblées sur les familles aux ressources les plus modestes. La Cour considère surtout que l'importance des fonds consacrés à la garde des jeunes enfants doit permettre d'accroître l'offre à coût constant. Cela implique notamment que les acteurs de la politique familiale coordonnent mieux leur action.
En ce qui concerne les retraites, M. Philippe Séguin a souhaité développer la question du minimum de pension, également appelé « minimum contributif » ou Mico.
Le Mico, créé en 1983 et modifié en 2003, est perçu désormais par plus de 40 % des nouveaux retraités du régime général et même 70 % des anciens salariés agricoles. Il paraît dès lors évident que son ciblage dépasse les seules petites retraites : ainsi, 30 % de retraités polypensionnés à carrière complète ayant une pension supérieure à 1 400 euros bénéficient du Mico. Le coût pour la collectivité approche les 5 milliards d'euros. La Cour propose de recentrer cette prestation sur les plus petites retraites.
Evoquant ensuite le débat sur les « niches sociales » lancé par la Cour dans son rapport de l'an dernier, M. Philippe Séguin s'est félicité de la taxation des « stock options » et des perspectives, inscrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, de taxation à un taux réduit d'autres niches. Il a cependant regretté que ne soient pas visées les indemnités de licenciement.
La Cour préconise également de réduire le champ d'application des exonérations générales et de revoir de manière plus sélective les mécanismes d'exonérations ciblées.
En conclusion, il a esquissé un bilan du suivi des recommandations exprimées par la Cour dans ses rapports annuels sur l'exécution des lois de financement. Ce bilan est loin d'être négligeable puisque plus d'un tiers des recommandations est rapidement pris en considération et un autre tiers l'est à moyen terme, au bout de deux ou trois ans.
a également souligné l'importance des liens tissés entre les commissions du Parlement et la Cour. La récente loi constitutionnelle du 23 juillet dernier a confirmé sa mission d'assistance auprès du Gouvernement et du Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement. Plus généralement, la loi constitutionnelle a renforcé la mission de contrôle du Parlement en instaurant des séances publiques dédiées au contrôle de l'action du Gouvernement et à l'évaluation des politiques publiques et en confirmant que la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle du Gouvernement.
Ces dispositions sont de nature à renforcer des liens de travail qui existent déjà. Dans le choix des thèmes d'enquêtes comme dans l'appui donné aux travaux de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), la Cour a constamment cherché à apporter un concours aussi efficace que possible aux travaux de la commission des affaires sociales. En retour, c'est souvent grâce aux travaux des commissions parlementaires que nombre des recommandations de la Cour se trouvent reprises ou approfondies et mises en oeuvre.