Puis la commission a procédé à l'examen de la proposition de résolution n° 58 (2008-2009) de Mme Muguette Dini sur la proposition de directive du Conseil relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de religion ou de convictions, de handicap, d'âge ou d'orientation sexuelle (E 3918).
a rappelé que le Sénat a voté au printemps dernier un projet de loi transposant cinq directives communautaires relatives à la lutte contre les discriminations sur lequel la commission avait émis un certain nombre de réserves mais qu'il était juridiquement impossible d'intégrer dans des textes européens déjà adoptés. Or, une nouvelle directive antidiscrimination, qui peut susciter au moins autant d'inquiétudes, est en cours de négociation au Conseil de l'Union européenne depuis juillet dernier. Pour ne pas placer de nouveau le Parlement français devant le fait accompli, elle a donc pris l'initiative, avec un certain nombre de ses collègues, de déposer une proposition de résolution afin de faire connaître les préoccupations de la commission à ce sujet et d'influencer les négociations en amont, comme le Gouvernement l'y avait d'ailleurs invitée avant l'été.
La Commission européenne s'est d'ailleurs également saisie de cette directive dans le cadre de son programme de contrôle du respect du principe de subsidiarité par le droit communautaire et a estimé qu'elle ne posait pas de problème particulier.
a ensuite présenté le projet de nouvelle directive qui ne porte pas sur les mêmes sujets, ni sur les mêmes domaines, que les cinq autres transposées en mai dernier. Elle est relative aux discriminations fondées sur l'âge, l'orientation sexuelle, le handicap et l'appartenance religieuse et les convictions, dans le domaine de la protection sociale, de la santé, des avantages sociaux, de l'éducation ainsi que de l'accès aux biens et aux services et de la fourniture de biens et services.
Or, l'analyse de ce texte suscite cinq réserves fondamentales :
- la rédaction actuelle de la directive organise un régime injuste et peu protecteur car elle entraîne une confusion entre la discrimination et l'inégalité de traitement. Or, la discrimination est l'intention de nuire à une personne en raison de ses caractéristiques personnelles (orientation sexuelle, appartenance religieuse...) alors que l'inégalité de traitement résulte du constat empirique selon lequel une personne est moins bien traitée que d'autres placées dans une situation identique. Une inégalité de traitement peut donc se produire sans discrimination. Par exemple, si un régime d'assurance maladie applique le même taux de cotisation à tous les salariés adhérents mais ne rembourse certains frais dentaires qu'aux salariés à temps complet, il commet une inégalité de traitement entre salariés mais pas une discrimination : il ne s'agit pas de défavoriser les salariés à temps partiel en raison de leurs caractéristiques personnelles - à moins qu'ils ne soient tous d'une orientation sexuelle ou d'une confession religieuse particulières. La confusion entretenue entre ces deux notions conduit donc à ne protéger que les personnes qui relèvent des catégories créées par la directive : personnes âgées, handicapées, homosexuelles ou appartenant à une minorité religieuse. Si celles-ci subissent une inégalité de traitement alors le droit communautaire la qualifie de discrimination ; s'il s'agit d'autres personnes, la directive est muette ;
- le deuxième point, plus contestable encore, tient au fait que la directive est d'inspiration communautariste. Selon l'article 2, une discrimination indirecte se produit dès lors que des personnes d'une confession religieuse ou d'une orientation sexuelle données subissent un « désavantage particulier » par rapport à d'autres personnes. Cette définition conduit en réalité à la création juridique de communautés particulières, dotées de droits propres. Par exemple, le vendredi étant le jour saint des musulmans dédié à la prière, l'ouverture des services de la sécurité sociale du lundi au vendredi entraîne pour eux « un désavantage particulier » par rapport au reste de la population : ils ne bénéficient, en réalité, que de quatre jours par semaine de l'ouverture des services, alors que les non-musulmans bénéficient de cinq jours. Les citoyens de confession musulmane devraient donc bénéficier, selon les termes de la directive, du droit de demander l'ouverture des services sociaux un jour supplémentaire de la semaine. Cette conception de la société est profondément contraire à la conception française de la République selon laquelle tous les citoyens sont égaux devant la loi ;
- par ailleurs, comme l'avait déjà relevé la commission lors de l'examen de la loi de transposition des directives anti-discrimination, les définitions communautaires des discriminations et du harcèlement sont floues et laissent craindre des procès d'intention ;
- en outre, les dispositions concernant la lutte contre les discriminations à l'égard des personnes handicapées sont peu satisfaisantes. Le texte prévoit que tous les organismes publics et entreprises privées doivent réaliser « des aménagements raisonnables » afin que les personnes handicapées puissent accéder aux biens et services et à la fourniture de biens et services mis à la disposition du public, y compris en matière de logements et de transport. Cependant, il ne dit rien du contenu de cet aménagement raisonnable. Il crée ainsi une grande insécurité juridique puisqu'il place de ce fait l'ensemble des législations nationales en ce domaine sous l'autorité du juge communautaire auquel il reviendra inévitablement de fixer un contenu précis à cette obligation à la place des Etats membres. Or, c'est bien au législateur national qu'il appartient de poser des obligations précises, comme l'a fait le Parlement français avec la loi du 11 février 2005 sur le handicap. Qui plus est, on peut estimer que le niveau d'exigence dans les normes à imposer dépendra du niveau de richesse du pays concerné. Dans ces conditions, l'échelon communautaire ne paraît pas le plus adapté pour lutter efficacement et justement contre les discriminations à l'égard des personnes handicapées ;
- enfin, l'interprétation de la directive par la Commission européenne laisse supposer que l'application du principe d'égalité de traitement dans le domaine de la sécurité sociale pourrait remettre en cause l'interdiction en France de l'accès à la procréation médicalement assistée (PMA) pour les couples homosexuels pacsés. En effet, même si les droits d'accès à la PMA sont officiellement exclus du champ d'application de la directive, la Commission européenne considère que la reconnaissance par un Etat membre d'un contrat civil comparable au mariage donne aux personnes concernées les mêmes droits qu'aux personnes mariées en matière de sécurité sociale, qui prend en charge, en France, la PMA. Or, il n'est pas contestable que seul le Parlement dispose de la légitimité démocratique nécessaire pour statuer sur cette question.
En conséquence, Mme Muguette Dini, rapporteur, a présenté cinq demandes faites au Gouvernement par la proposition de résolution, afin de répondre aux difficultés précédemment évoquées.