Intervention de Jean Bizet

Commission des affaires économiques — Réunion du 20 juin 2007 : 1ère réunion
Union européenne — Forum parlementaire sur le changement climatique - communication

Photo de Jean BizetJean Bizet :

a tout d'abord rappelé qu'il s'agissait d'une initiative britannique pour assurer le suivi du Sommet du G8 de Gleneagles de juillet 2005 et participer à l'élaboration d'un dispositif de lutte contre le changement climatique. Ce suivi se traduit tant par un processus intergouvernemental que par des réunions interparlementaires, réunissant, au-delà des membres du G8, les grands pays émergents et les principaux consommateurs d'énergie, soit au total une vingtaine d'Etats.

Il a ensuite exposé que M. Tony Blair, Premier ministre du Royaume-Uni, était intervenu pour introduire ce Forum et souhaiter que le G8 aboutisse à un accord sur lequel fonder les négociations de l'après 2012 en conservant le cadre du Protocole de Kyoto. Il a considéré comme possible la conclusion d'un accord global au niveau mondial, en évoquant l'éventualité d'engagements différenciés pour les pays en voie de développement et a insisté sur l'impact très positif en termes de croissance et d'emploi de la mise au point et de la diffusion des innovations technologiques tendant à la maîtrise des émissions de CO2.

Après avoir évoqué les thèmes abordés par le Forum, à savoir les éléments structurants du marché du carbone, les techniques de capture et de séquestration du carbone, l'efficacité énergétique, les énergies renouvelables, les mesures d'adaptation nécessaires ainsi que la lutte contre la déforestation massive et illégale, M. Jean Bizet a fait valoir que l'ensemble des participants partageait les conclusions des rapports établis par les trois groupes de travail du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), adoptés en 2007.

Le GIEC a été créé en 1988 à la demande des Nations Unies par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations Unies pour l'environnement et il a déjà rendu trois rapports d'évaluation en 1990, 1995 et 2001. Son organisation permet de garantir la qualité et l'indépendance du travail scientifique, tout en exprimant un consensus reconnu par les gouvernements.

Au-delà de la confirmation de la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique établi par le groupe I, le rapport du groupe II anticipe sur les impacts négatifs du changement climatique sur le plan environnemental, mais aussi social et économique. Enfin, le rapport du groupe III est consacré aux atténuations possibles du changement climatique en identifiant clairement des mesures adoptables « à un coût modéré ». En effet, contenir la hausse des températures autour de 2° par rapport à 1990 suppose de stabiliser la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère entre 450 et 550 parties par million contre 380 ppm actuellement et 285 avant l'ère industrielle. Les mesures à prendre entraîneraient une baisse du taux de croissance annuelle du PIB de seulement 0,12 % à partir de 2030. Outre qu'une part substantielle de cette diminution devrait être compensée par l'effet positif sur la santé publique des actions entreprises, les marges de manoeuvre sont importantes dans le secteur du bâtiment en ce qui concerne les mesures d'atténuation possibles, et ce, à des coûts très modiques.

a ensuite exposé quelques unes des idées fortes qui se sont dégagées au cours de ce Forum.

Premièrement, l'implication majeure des Etats-Unis dans la problématique du changement climatique appréhendé comme le défi mondial majeur est réelle et la délégation parlementaire américaine était très présente avec, à ses côtés, une forte représentation des industries et des producteurs d'énergie. L'accent a été mis sur l'ampleur des budgets de recherche consacrés à la mise au point de techniques de capture et de séquestration du carbone, de combustibles plus efficaces ou encore d'énergies alternatives à partir du solaire ou de l'hydrogène, les Américains étant convaincus que la mise au point et la diffusion des nouvelles technologies constituent des éléments essentiels de la lutte contre le changement climatique.

Deuxièmement, il faut raisonnablement admettre que le charbon va rester -et pour de longues années- la principale source de combustible, en particulier pour les Etats-Unis, la Chine et l'Inde, car il est disponible et bon marché. Ainsi, en 2006, l'augmentation des prix du pétrole a entraîné une forte hausse de la consommation de charbon au niveau mondial. L'enjeu technologique porte donc sur la capture et la séquestration du CO2 et la mise au point d'un charbon propre. Mais beaucoup de questions techniques sont encore à résoudre et les coûts restent très élevés. L'Union européenne estime ainsi nécessaire de développer 12 projets pilotes pour tester les différentes technologies de stockage du CO2.

Troisièmement, le mécanisme du marché du carbone est une composante essentielle pour déterminer le coût de la tonne de carbone et des émissions de CO2, mais les marchés actuels ne sont pas assez incitatifs et doivent être soutenus par un plafonnement des émissions. A terme, a souligné M. Jean Bizet, il faudra, par des rapprochements régionaux successifs, parvenir à un marché unique au niveau mondial.

Il a également considéré qu'à titre transitoire, des subventions pouvaient être nécessaires pour soutenir l'émergence de technologies innovantes ainsi qu'une réglementation des émissions dans certains secteurs si le signal-prix de la tonne de carbone évitée n'était pas assez significatif. Les acteurs économiques ont besoin d'une visibilité à long terme sur l'évolution de ce signal-prix afin de s'engager dans des technologies innovantes à forte intensité capitalistique.

Quatrièmement, le progrès en matière d'efficacité énergétique constitue un levier majeur pour réduire les consommations de CO2 et a des effets immédiats, puisque 45 % des économies de CO2 pourraient provenir de gains en efficacité énergétique, le secteur du bâtiment offrant un potentiel énorme. La question reste posée de la fixation, au niveau mondial, de normes d'efficacité énergétique pour les produits.

Enfin, M. Jean Bizet a indiqué que les délégations chinoise, indienne et des autres pays émergents avaient vivement insisté sur la nécessité d'encourager des transferts massifs de technologies propres et innovantes vers les pays émergents, tout en restant opposées à toute contrainte à leur égard en matière d'émissions de CO2. D'une part, l'enjeu crucial de ces pays est la lutte contre la pauvreté qui les « oblige » à des taux de croissance élevés et, d'autre part, la responsabilité historique des pays développés dans l'accumulation des émissions de CO2 justifie les engagements de restriction auxquels ils ont consentis.

Evoquant ensuite la déclaration finale, adressée aux chefs d'Etat et de gouvernement du G8, qui souligne en particulier la nécessité de définir, à long terme, des objectifs de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre, de promouvoir un marché du carbone et d'accroître les financements pour développer les nouvelles technologies, le rapporteur a indiqué être intervenu à plusieurs reprises pour faire figurer l'énergie nucléaire au titre des technologies à faible teneur en carbone et mentionner la nécessité de poursuivre les recherches sur des « process » plus économes en combustible nucléaire et produisant moins de déchets. Sans pouvoir obtenir que l'énergie nucléaire soit explicitement citée comme pouvant faire partie du mix-énergétique d'un état, il a été acté que la question de l'énergie nucléaire devait faire l'objet d'un prochain débat au sein du Forum.

L'opposition à cette mention a été surtout le fait des délégués du Parlement européen et, de façon atténuée, des délégués allemands, alors qu'au cours des deux jours de débat, nombre d'intervenants -notamment les américains et les indiens- avaient souligné l'impact positif de l'énergie nucléaire dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre.

a également regretté de n'avoir pu obtenir qu'il soit recommandé d'intégrer les normes environnementales dans le socle de règles établi par l'Organisation mondiale du commerce afin de lutter efficacement contre le dumping environnemental dans le commerce international.

Abordant, en conclusion, le contenu de l'accord intervenu au Sommet du G8 reconnaissant la nécessité de stabiliser puis ensuite de « réduire substantiellement » les émissions de gaz à effet de serre, il a considéré que les Etats-Unis validaient ainsi le processus de négociation climatique de l'ONU à travers le protocole de Kyoto, acceptant, de facto, de participer d'ici à 2009 à l'élaboration d'un nouvel accord sur le changement climatique, entrant en vigueur en 2012. Même en l'absence d'engagements chiffrés et d'échéances clairement identifiées, les négociations peuvent donc démarrer en décembre 2007 à Bali. Il s'agit d'un signal clair adressé à l'ensemble des acteurs économiques sur la pérennité, au niveau mondial, d'un engagement politique de lutte contre le changement climatique, ce dont il faut se féliciter.

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