a introduit son propos en rappelant que le vin est, pour tous les Européens et a fortiori pour les Français, un produit noble, riche d'une histoire remontant à l'Antiquité et porteur d'une culture d'excellence enviée par le monde entier. C'est aussi un produit agroalimentaire spécifique et le support d'un secteur économique essentiel pour l'Union européenne, première productrice de vin au monde. Il a cependant observé que, si pendant longtemps le continent européen avait fait figure de leader incontesté et de référence absolue dans ce secteur, la filière vitivinicole européenne connaît aujourd'hui des difficultés importantes et même une véritable crise, dont il a brièvement rappelé les principales raisons :
- une surproduction chronique due, en dépit de la stabilisation du vignoble, qui a même régressé en France, à l'augmentation des rendements (+ 50 % en Espagne sur la dernière décennie), génératrice de surplus que ne sont pas parvenues à résorber les distillations de crise pratiquées ces dernières années ;
- la diminution en volume de la consommation, revenue en France, depuis 1960, de 135 à 57 litres par an et par habitant ;
- la montée en puissance de nouveaux pays producteurs - l'Australie, le Chili, les Etats-Unis ou l'Afrique du Sud - qui réalisent aujourd'hui 20 % du commerce mondial du vin.
a observé que la réforme opérée en 1999 de l'OCM vitivinicole n'avait pas été en mesure de répondre à ces nouveaux enjeux : le déséquilibre entre l'offre et la demande s'est maintenu ou accru, provoquant une diminution des prix, des pertes de parts de marché et une baisse substantielle du revenu des viticulteurs, qui a ainsi régressé de 56 % en France en 2005 par rapport à l'année précédente.
Cependant, a-t-il souligné, si la nécessité d'une nouvelle réforme est largement admise, des clivages profonds sur la méthode à suivre opposent les pays producteurs, qui ne font pas tous le même usage des instruments communautaires, les pays consommateurs, favorables à une diminution des dépenses communautaires, et enfin la Commission européenne, qui joue de ces oppositions pour tenter de faire prévaloir une réforme d'inspiration très libérale remettant en cause les principaux instruments de régulation du marché.
a donc estimé qu'il importait que la commission et le Sénat prennent position par rapport au projet de réforme dont la Commission européenne a annoncé les grandes lignes en juin 2006, qu'elle doit préciser le 4 juillet prochain et dont elle entend qu'il soit adopté avant la fin de cette année en vue d'une application dès les vendanges de l'année prochaine, soit en septembre 2008.
Il a indiqué qu'il avait entendu, conformément au mandat que lui avait confié la commission au début de cette année, une trentaine de représentants de l'ensemble de la filière et de l'administration dans le cadre du groupe d'études de la vigne et du vin, saluant à ce propos la participation à ces auditions des membres du groupe d'études, et qu'il s'était également rendu en Italie pour rencontrer des représentants de la filière, de l'administration et des autorités politiques, dont les points de vue convergeaient largement avec ceux de la France.
Soulignant que les orientations qu'il soumet à la commission traduisent l'ensemble des préoccupations de l'ensemble de la filière, il a espéré qu'elles pourraient faire l'objet d'un consensus.
a en premier lieu relevé la nécessité de conserver une OCM spécifique au secteur vitivinicole, prenant en compte les caractéristiques particulières du vin et de ses procédés d'élaboration : il a rappelé, à cet égard, les termes de la résolution européenne du Sénat (n° 102, 2006-2007) sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (E3423), adoptée par la commission à l'initiative de M. Benoît Huré.
Il a ensuite articulé autour de cinq thèmes ses observations sur la réforme proposée de l'OCM vitivinicole et ses propres propositions :
- sur la gestion du potentiel de production, M. Gérard César, rapporteur, a estimé contradictoires les propositions de la Commission européenne tendant à la fois à procéder à des arrachages massifs et à « ouvrir » entièrement le régime des droits à plantation.
Evoquant l'importance des plantations illicites, le rapporteur a pour sa part préconisé le maintien du système actuel d'encadrement des droits à produire, l'établissement d'un cadastre viticole européen et la mise en place d'un dispositif nouveau d'arrachage temporaire, permettant de geler la production pendant une période donnée tout en conservant les droits à plantation, qui pourraient être réactivés si l'évolution de la demande le justifiait ;
- sur les mécanismes de régulation des marchés, M. Gérard César, rapporteur, s'est élevé contre la proposition de la Commission européenne tendant à supprimer les régimes de distillation, et à en renvoyer éventuellement le financement aux Etats membres. Il a notamment jugé indispensable de maintenir le régime des prestations viniques, qui impose la distillation des sous-produits de la vinification, insistant sur les très graves conséquences pour l'environnement d'un épandage de ces sous-produits, capable de susciter une pollution équivalente aux rejets d'une ville de 6 millions d'habitants. Il a également jugé indispensable de maintenir le régime de distillation de crise, en le rendant plus réactif, obligatoire pour les Etats membres qui le souhaiteraient et réellement incitatif ;
- sur la structuration de l'offre, M. Gérard César, rapporteur, s'est déclaré favorable à des mécanismes réglementaires ou financiers incitant les acteurs de la filière à se regrouper pour mieux gérer les excédents anticipés ou effectifs, à mieux s'organiser afin de favoriser l'exportation et la promotion des produits ;
- sur la politique de la qualité, dont il a souligné l'importance, le rapporteur ne s'est pas opposé à une éventuelle simplification des signes et indications de qualité, dès lors que seraient conservées les spécificités des appellations d'origine contrôlée (AOC) françaises, et il s'est prononcé en faveur de l'autorisation d'apposer la mention du cépage et du millésime sur l'ensemble des vins. En ce qui concerne les pratiques oenologiques, M. Gérard César, rapporteur, s'est dit favorable à un alignement sur les prescriptions de l'organisation internationale du vin (OIV) ; il s'est en revanche élevé avec vigueur contre toute levée de l'interdiction de vinifier des moûts importés et de mélanger des vins communautaires avec des vins de pays tiers, au nom de la préservation de l'identité de la production, de la protection des consommateurs et de la traçabilité des produits. M. Gérard César, rapporteur, a par ailleurs souhaité un maintien du statu quo en matière d'enrichissement ;
- enfin, en ce qui concerne la promotion des produits, il a relevé que la Commission européenne entendait en faire une priorité, mais il a souligné que les moyens prévus - 120 millions d'euros par an selon certaines informations - seraient notoirement insuffisants pour rivaliser avec nos concurrents des pays tiers, surtout s'ils ne devaient pas être réservés à une politique de promotion spécifique au secteur vitivinicole, et il a ajouté que la politique de promotion communautaire devrait aussi se préoccuper du marché intérieur, qui représente 70 % des débouchés des vins français. Il a également insisté sur la nécessité d'associer, à la politique de promotion, une politique d'éducation à une consommation responsable et raisonnée du vin.
En conclusion, M. Gérard César, rapporteur, réitérant le souhait que ses propositions puissent être adoptées par la commission de manière consensuelle, a fait part de son intention de présenter le rapport de la commission à la commissaire européenne en charge de l'agriculture, Mme Mariann Fischer Boel, après la publication prévue le 4 juillet de ses dernières propositions, soulignant qu'il importait que la France se mobilise pour que la réforme de l'OCM viticole ne se traduise pas par un démantèlement des instruments de régulation et de soutien, mais permette de promouvoir un modèle de développement équilibré et durable et soit porteuse d'un véritable espoir d'avenir pour tous les viticulteurs.