Intervention de Michel Mercier

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 2 novembre 2011 : 1ère réunion
Loi de finances pour 2012 — Audition de M. Michel Mercier garde des sceaux ministre de la justice et des libertés

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

On ne pourra pas réaliser certaines choses sans partenariat public-privé, comme le TGI de Paris, mais il en existe d'autres qu'il faut financer directement par le budget.

J'ajoute qu'à titre personnel, je suis favorable à la mise en concurrence permanente des divers modes opératoires de l'Etat. Il faut essayer de construire le mieux et le moins cher possible. Tous les opérateurs doivent se sentir en concurrence car c'est le contribuable qui paye. On a 300 opérations pour ce qui est des palais de justice. On ne pourra tout confier à un seul système, qu'il s'agisse de partenariat public-privé ou de régie directe. On n'a pas les moyens d'y faire face. On va donc alterner.

Je voudrais reprendre le cours des questions et répondre à Mme Tasca s'agissant des tutelles. Comme vous l'avez dit, la loi de 2007 a prévu la caducité des mesures de protection des majeurs non renouvelées dans les cinq ans, soit au 1er janvier 2014. Fin 2010, le taux de renouvellement était de 25 %. Ce n'est guère satisfaisant, je le reconnais ! Nous sommes là pour mettre les problèmes sur la table et dire les choses comme elles sont.

S'agissant des moyens de mise en oeuvre, une trentaine de postes de magistrats ont été spécifiquement localisés en 2008 dans les tribunaux d'instance pour faire face à cette réforme.

Dans le même temps, des missions nouvelles sont venues alourdir l'activité des tribunaux d'instance, notamment le redéploiement vers ces tribunaux du contentieux du surendettement et de l'exécution.

En outre, le transfert de compétences en matière de tutelle des mineurs du tribunal d'instance vers les juges aux affaires familiales rattachés au TGI, qui aurait dû alléger la charge des tribunaux d'instance, est souvent resté sans effet utile puisqu'il s'est accompagné en retour de délégations de cette compétence du TGI aux juges d'instance.

Quelles sont les solutions envisagées ? Tout d'abord, la localisation des postes pour l'année 2012 devra davantage tenir compte de cette priorité. Deux des modifications législatives ou réglementaires visant à simplifier la procédure et à alléger les tâches du magistrat et du greffe sont en cours de mise en oeuvre.

Un décret en cours de publication permettra aux greffiers d'être assistés par un huissier de justice dans le contrôle des comptes de tutelle. La possibilité de faire enregistrer le PACS chez le notaire et non plus au tribunal d'instance sera mise en oeuvre à la suite de la loi « Guinchard » sur la répartition des contentieux.

Une action de sensibilisation et de communication est à mener pour mieux faire connaître le mandat de protection future afin de déjudiciariser au maximum les mesures de protection et alléger le contentieux devant le juge des tutelles.

Il importe aussi de relancer, en concertation avec les conseils généraux, l'utilisation des mesures d'accompagnement social personnalisé pour faire baisser le nombre de saisines du juge des tutelles.

Je vous réponds donc de la façon la plus claire possible : il existe un vrai retard dans la mise en oeuvre de cette réforme, compte tenu des réformes secondaires qui sont intervenues.

Quelles sont les solutions mises en oeuvre pour faire face à la sous-budgétisation chronique des frais de justice ? La première mesure prise est naturellement d'augmenter les crédits budgétaires pour faire face aux frais de justice. La dotation budgétaire, en 2010, était de 393 millions d'euros ; elle est passée à 460 millions d'euros en 2011. Elle passera à 470 millions d'euros en 2012. Il s'agit donc d'une remise à niveau budgétaire.

Ce ne sera pas suffisant pour de nombreuses raisons. On s'aperçoit que la dépense en frais de justice est spontanément dynamique. Les causes en sont connues : augmentation du contentieux, multiplication des dispositions normatives impliquant des frais de justice, recours accru à la preuve scientifique, progrès techniques avec la géolocalisation et nouveaux droits ouverts aux victimes.

L'effort de maîtrise de la dépense doit être une priorité mais il faut respecter la liberté de prescription des magistrats et surtout celle des OPJ, principaux prescripteurs en matière de frais de justice. La mission conjointe menée à ma demande par les deux inspections générales, formule un certain nombre de propositions.

Tout d'abord, il est recommandé de passer des marchés chaque fois que possible. Cette préconisation a été mise en oeuvre dès 2011, avec des résultats encourageants. La passation de marchés nationaux pour les analyses génétiques a permis de faire près de 2 millions d'euros d'économies.

En second lieu, les inspections conseillent d'appliquer aux frais de justice les méthodes destinées à professionnaliser l'achat public -cahier des charges par prestation, information des prescripteurs pour favoriser l'alignement sur les meilleures performances, veille fournisseurs, etc.

Il conviendrait aussi de diminuer certains tarifs, notamment les frais de réquisition des opérateurs téléphoniques, qui provoquent une inflation énorme des frais de justice.

Dans certains cas, les inspections préconisent de laisser à la charge des parties une part des frais de justice. C'est en 2012 que la plupart de ces préconisations pourront être mises en oeuvre. La maîtrise des frais de justice constitue un chantier prioritaire : c'est là que l'on peut trouver des marges de manoeuvre.

Vous avez également posé des questions sur l'aide juridictionnelle et sur le droit de 35 euros. L'aide juridictionnelle ne change pas. Elle continue à progresser. On nous dit très souvent que la justice française est classée au 37ème rang mondial. On oublie toujours de dire qu'elle est première pour ce qui est de la gratuité d'accès. C'est une de ses principales qualités que personne ne relève jamais ! C'est d'autant plus important que 60 % du contentieux traité par l'ensemble des tribunaux relève du contentieux familial. En France, on paie son avocat mais on ne paye pas pour accéder à la justice. Ce n'est pas le cas dans les pays voisins !

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