a indiqué que le texte vise à remédier à ces problèmes selon cinq orientations prioritaires.
La première d'entre elles consiste à réaffirmer les principes de nécessité, de subsidiarité et de proportionnalité des mesures de protection des majeurs. En conséquence, l'ouverture de ces procédures se limitera désormais aux cas d'altération des facultés mentales, médicalement constatée par un médecin agréé par le procureur de la République. La prodigalité, l'intempérance ou l'oisiveté ne pourront donc plus constituer un motif de placement sous curatelle, ce qui est souhaitable dans la mesure où il ne semble pas justifié de priver de leur capacité juridique des personnes dont les besoins de protection se limitent en réalité à une assistance dans la gestion du quotidien.
Il est, en revanche, regrettable que le projet de loi propose de mettre fin à l'obligation, pour le médecin expert, de consulter le médecin traitant. Ce dernier est pourtant le mieux à même de connaître les antécédents du majeur, ainsi que sa situation familiale et sociale. Un amendement tendant à rétablir cette disposition sera donc proposé à la commission. Par ailleurs, afin d'assurer le libre accès de tous les citoyens à la protection juridique dont ils ont besoin, il sera également proposé que le coût de l'établissement de ce certificat médical - en moyenne 250 euros - soit pris en charge au titre de l'aide juridictionnelle pour les personnes qui le nécessitent.
a ensuite précisé que pour éviter la multiplication des mesures prises sur la base de simples signalements automatiques des services compétents, le projet de loi entend supprimer la saisine d'office du juge des tutelles, qui sera désormais réservée aux proches de la personne concernée, d'une part, et au ministère public, d'autre part.
Deux autres dispositions nouvelles sont également bienvenues : la création d'une obligation pour le juge de réviser régulièrement les décisions qu'il prend, afin de vérifier la persistance des motifs qui les fondent et la limitation du champ d'application des mesures à durée indéterminée aux seules personnes dont l'état, dans les connaissances actuelles de la science, exclut toute perspective amélioration.
En revanche, elle s'est déclarée hostile à la levée de la protection des personnes quittant la France, disposition qui apparaît en effet contraire aux règles du droit international privé et à l'article 3 du code civil qui prévoit que la protection des personnes relève toujours de leur loi nationale, où qu'ils se trouvent. Il appartient à l'Etat, et plus particulièrement au ministère des affaires étrangères, de se donner les moyens d'assurer un suivi de ces mesures au niveau des consulats.
Le projet de loi s'attache ensuite à assurer la subsidiarité des mesures de protection juridique entre elles, mais aussi à l'égard des procédures moins contraignantes relevant ou bien de l'accompagnement social, ou bien encore des régimes de procuration entre époux. Il renforce par ailleurs le principe de proportionnalité des mesures, grâce à la possibilité donnée au juge d'adapter la liste des actes pour lesquels la personne doit être assistée ou représentée. Enfin, s'il rend obligatoire l'audition de la personne par le juge, le texte est assorti de trop nombreuses exceptions, qu'il serait légitime de limiter au strict minimum.
Puis Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a souligné que le deuxième axe d'intervention de ce projet de loi consiste à renforcer la priorité familiale entendue au sens large, car cette notion s'étendra désormais aux proches de la personne à protéger, qui entretiennent avec elle des liens étroits et stables.
Le texte élargit en outre les modalités d'association des familles au fonctionnement des mesures de protection, dans la mesure où il reconnaît la fonction de subrogé curateur et où il rend possible la réunion d'un conseil de famille, même si la tutelle est dévolue à un professionnel. Le projet de loi prend surtout acte des difficultés que rencontrent les familles pour exercer ces mesures et propose la mise en place d'une information des tuteurs familiaux sur leur rôle. Il serait d'ailleurs légitime d'y adjoindre une possibilité de conseil.
a ensuite fait valoir que la troisième priorité du texte vise à placer la personne concernée au coeur du dispositif de protection dont elle fait l'objet. Ainsi, et conformément à l'attente des familles, le texte consacre la jurisprudence de la Cour de cassation du 18 avril 1989, prévoyant que les mesures de protection juridique s'étendent à la personne elle-même.
Cette orientation se traduit tout à la fois par l'élaboration d'un statut de la personne protégée, reposant sur le droit à une information adaptée à sa capacité de compréhension, par l'obligation de rechercher autant que possible son consentement, par l'affirmation de la liberté de choisir sa résidence et ses relations, ainsi que par la reconnaissance de domaines où les actes ne peuvent être valablement réalisés que par elle seule.
La création du mandat de protection future illustre cette évolution : cette mesure était en effet attendue de longue date par les parents d'enfants handicapés, qui craignent de laisser leurs enfants seuls et vulnérables après leur décès. Sans remettre en cause ses principes, il sera néanmoins nécessaire d'amender ce dispositif pour en améliorer les conditions de conclusion et d'exécution et faire apparaître que le mandat de protection future constitue un régime de procuration, et non d'incapacité.
Enfin, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a souligné que la quatrième priorité de ce projet de loi consiste à assurer une meilleure répartition des rôles entre la protection juridique, d'une part, et la protection sociale, d'autre part.
Réfutant certaines critiques tendant à accréditer l'idée que l'Etat souhaiterait se défausser sur les conseils généraux d'une charge financière qu'il ne parvient plus à assumer, elle a estimé, à l'inverse, que ces dispositions ont en réalité pour fondement le souci de reconnaître que la vulnérabilité de ces personnes n'est pas nécessairement synonyme d'incapacité : une demande de protection d'un majeur nécessite parfois plus un accompagnement social qu'une protection juridique.
Le projet de loi prévoit ainsi de mettre en oeuvre un dispositif juridique progressif destiné à répondre aux difficultés de ceux qui, par leur incapacité à gérer leur budget, se mettent eux-mêmes en danger.
Le premier volet de cette protection est d'ordre administratif. Il s'agit d'une mesure d'accompagnement social personnalisé prenant la forme d'un contrat entre la personne et le département et comportant elle-même trois degrés : une simple aide à l'élaboration du budget familial, une gestion directe des prestations sociales avec l'accord du bénéficiaire, puis une gestion directe sous contrainte.
Le second mécanisme de protection, en cas d'échec de l'accompagnement social, consiste à adapter la tutelle aux prestations sociales. On parle alors de « mesure d'accompagnement judiciaire ». Tout en approuvant l'esprit de ces dispositions, le rapporteur pour avis s'est interrogé sur le bien-fondé de la limitation du champ de ces mesures aux seules prestations sociales : dans un certain nombre de cas, le rétablissement de la situation de l'intéressé exige de pouvoir prendre en compte l'ensemble du budget familial, donc l'ensemble des ressources des bénéficiaires. Cette rectification permettrait en outre de viser les personnes qui ne touchent aucune prestation et qui sont d'emblée exclues de toute protection en l'état actuel du texte.
Le texte détermine également un cadre juridique applicable aux professionnels extérieurs à la famille. De fait, la moitié des mesures de protection judiciaire est aujourd'hui confiée à des tiers : personnes physiques, services spécialisés, comme des gérants de tutelle privés, associations tutélaires ou encore préposés d'établissements. Or, les textes très anciens qui les régissent apparaissent désormais largement inadaptés, ce qui conduit précisément le projet de loi - qui regroupe ces intervenants sous l'appellation commune de « mandataires judiciaires à la protection des majeurs » - à mieux identifier les spécificités de leur activité et à encadrer l'accès à cette profession.
A l'avenir, tout opérateur désirant se voir confier l'exercice d'une mesure de protection juridique devra recevoir une habilitation délivrée par le préfet, sur avis conforme du procureur de la République, après contrôle des conditions communes d'âge, de moralité, de formation et d'expérience professionnelle. Ces habilitations seront délivrées sur la base des orientations du schéma régional d'organisation sociale et médico-sociale, afin de permettre une meilleure régulation de l'offre de services.
Pour garantir les droits et libertés des personnes dont ils assurent la protection, les mandataires judiciaires devront en outre se soumettre à certaines obligations, comme la remise d'une notice d'information sur leur rôle de mandataire, et respecter la charte des droits de la personne protégée. Il leur sera également interdit de recourir à la pratique des comptes pivots : pour des raisons de transparence, toutes les opérations réalisées pour le compte de leurs pupilles devront désormais transiter par des comptes individuels et nominatifs.
Sur ces aspects, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, a indiqué qu'elle proposera des amendements : en ce qui concerne les règles d'habilitation des mandataires, il serait utile d'établir une liste nationale des opérateurs interdits d'exercice, afin d'éviter qu'un mandataire judiciaire qui se serait vu retirer son habilitation ne puisse s'inscrire dans un autre département ; la désignation de mandataires salariés des établissements sociaux ou médico-sociaux pour assurer la protection de leurs pensionnaires lui semble être source de conflits d'intérêts, car le préposé est alors à la fois juge et partie. La question se pose d'ailleurs avec une acuité particulière lorsqu'il s'agit de défendre les droits de la personne protégée en matière de participation financière aux frais d'hébergement ou de sa prise en charge médicale et sociale. Il serait donc préférable d'interdire cette possibilité à échéance de cinq ans afin de laisser le temps au juge des tutelles de réaffecter les 28 000 mesures actuellement exercées dans ce cadre à des mandataires indépendants des établissements.
La cinquième priorité du texte se rapporte au régime de financement de la protection des majeurs. Deux évolutions importantes sont ici proposées :
- la généralisation du principe de la participation des majeurs protégés au financement des mesures de protection dont ils font l'objet, y compris pour l'actuelle tutelle aux prestations sociales et ses évolutions. Les financements publics n'auront plus alors qu'un caractère subsidiaire. Il ne s'agit en aucun cas de faire peser des charges disproportionnées sur les personnes protégées : leur participation sera calculée en fonction de leurs ressources et aucun prélèvement ne sera opéré sur les personnes dont les ressources sont inférieures au minimum vieillesse ou à l'allocation adulte handicapé. Il est attendu de cette mesure, à l'horizon 2011, une augmentation de 106 millions d'euros des ressources des mandataires professionnels ;
- l'instauration d'un système de dotation globale, calculée en fonction de l'activité et de la qualité du service rendu, pour remplacer le système actuel dit du « mois mesure » qui, en attribuant les financements en fonction du nombre de mesures gérées, incite à privilégier la quantité par rapport à la qualité. Ce nouveau financement sera partagé entre l'Etat, les départements et les organismes de sécurité sociale, selon une clé de répartition manifestement avantageuse pour les conseils généraux, ce qui compensera le coût probable de la mise en place de la mesure d'accompagnement social personnalisé.
Pour conclure, Mme Bernadette Dupont, rapporteur pour avis, s'est déclarée favorable à l'adoption de ce texte, dont la réussite suppose toutefois d'augmenter le nombre de juges des tutelles et de renforcer leurs équipes, pour éviter que les attentes de la population ne soient déçues.