Intervention de Ladislas Poniatowski

Commission des affaires économiques — Réunion du 14 mai 2008 : 1ère réunion
Troisième « paquet énergie » — Examen du rapport et adoption de la proposition de résolution

Photo de Ladislas PoniatowskiLadislas Poniatowski, rapporteur :

a tout d'abord expliqué que cette proposition de résolution s'inscrivait dans le prolongement de la présentation par la Commission européenne, en janvier 2007, d'une communication sur la politique énergétique de l'Europe. Cette communication, s'appuyant sur une suite de documents stratégiques, a permis à la Commission de présenter sa vision de la politique énergétique de l'Union européenne en l'articulant autour des trois objectifs fondamentaux que sont la durabilité, notion englobant la lutte contre le réchauffement climatique, la sécurité d'approvisionnement et la compétitivité. Ces trois objectifs ont ensuite été repris par le Conseil européen du printemps 2007, qui a débattu de cette question et adopté un plan stratégique sur l'énergie pour la période 2007-2009.

Il a ensuite précisé que, sur le fondement de ce mandat politique des Etats membres, la Commission européenne avait élaboré un ensemble de mesures législatives, le troisième « Paquet énergie » présenté le 19 septembre 2007, qui ne concerne que les marchés intérieurs de l'énergie et leur régulation. Il a souligné qu'à la suite de ces initiatives la commission des affaires économiques avait jugé opportun, compte tenu des répercussions importantes de ces mesures sur le secteur énergétique national et européen, de créer un groupe de travail, composé de sept sénateurs, pour étudier le « Paquet énergie ». Ce groupe de travail a procédé à l'audition des principaux acteurs concernés, producteurs, transporteurs, le régulateur national et les représentants des consommateurs. Il également envoyé plusieurs délégations de ses membres à l'étranger pour prendre connaissance des positions de quelques partenaires européens de la France, mais aussi à Bruxelles pour rencontrer la représentation permanente française, des représentants de la Commission européenne et des parlementaires européens.

a ensuite relevé qu'à l'issue de ces travaux d'investigation le groupe de travail s'était réuni le mercredi 16 avril pour débattre d'un projet de proposition de résolution, voté à l'unanimité après l'adoption de nombreux amendements présentés par les deux représentants du groupe socialiste MM. Jean-Marc Pastor et Daniel Raoul. Il a ajouté que le groupe avait pu pleinement bénéficier des réflexions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement, présidée par Bruno Sido et dont les rapporteurs étaient MM. Jean-Marc Pastor, Marcel Deneux et Michel Billout, le rapport de la mission ayant été également adopté à l'unanimité.

Présentant la proposition de résolution, il a indiqué que le troisième « Paquet énergie » se composait de cinq propositions de texte avec deux propositions de directive, l'une sur le marché intérieur de l'électricité, l'autre sur le marché intérieur du gaz, et trois propositions de règlement, les deux premières consacrées respectivement aux échanges d'électricité et de gaz, la troisième sur la création d'une Agence européenne de coopération des régulateurs énergétiques. Ces cinq textes ont pour unique ambition de poursuivre le mouvement d'unification et de libéralisation des marchés de l'électricité et du gaz en Europe, que la Commission européenne juge inachevé, et de renforcer la régulation de ces secteurs, en accroissant et en uniformisant les pouvoirs des autorités nationales de régulation et en formalisant leur coopération au plan communautaire.

Il a tout d'abord évoqué la question de la séparation patrimoniale entre les transporteurs d'énergie d'une part et les producteurs ou fournisseurs d'autre part, sujet le plus sensible et le plus polémique du troisième « Paquet énergie » en raison de la conviction de la Commission européenne selon laquelle les entreprises énergétiques intégrées seraient responsables de la plupart des dysfonctionnements des marchés de l'énergie.

Il a rappelé que les opérateurs intégrés étaient, en vertu des directives en vigueur, astreints à une séparation juridique les ayant obligés à confier à une filiale leurs activités de transport -et de distribution- d'électricité ou de gaz. Il a noté que ces activités étaient exercées par les gestionnaires de réseaux de transport (GRT) sous la surveillance vigilante du régulateur qui s'assure que tous les opérateurs énergétiques bénéficient d'un accès transparent, et non discriminatoire, aux réseaux. La Commission européenne considère malgré tout que cette situation est encore loin d'être satisfaisante et que ces opérateurs, au travers de leurs filiales, continuent à exercer un pouvoir dominant sur les marchés, contraire à la concurrence et à l'intérêt des consommateurs. Elle lui impute également les insuffisances en termes de développement des infrastructures de transport et d'interconnexion.

a souligné que la Commission européenne proposait, en conséquence, une solution radicale en interdisant aux producteurs ou fournisseurs la possession, même minoritaire, d'actifs dans le domaine du transport. Elle ouvre une seule dérogation à ce principe avec la possibilité de désigner un gestionnaire de réseau indépendant, l'entreprise intégrée demeurant alors propriétaire des réseaux, mais n'ayant plus la libre gestion de ces actifs. Relevant l'existence, en Europe, d'un « front du refus » de cette proposition, mené par la France et l'Allemagne, il a expliqué que huit Etats membres considéraient comme disproportionnée cette exigence en raison du bon fonctionnement du système actuel de gestion des réseaux de transport. A titre d'exemple, en France, aucun opérateur alternatif ne s'est plaint du comportement des filiales chargées du transport d'EDF, de GDF et de Total et la Commission de régulation de l'énergie (CRE) n'a jamais été saisie d'aucun contentieux de la part de nouveaux entrants sur le marché de l'électricité ou du gaz pour un motif tenant à une entrave à l'accès aux réseaux.

Il a ajouté que les huit Etats membres avaient élaboré une « troisième voie » -ne relevant ni de la séparation patrimoniale, ni du système de gestionnaire de réseau indépendant- qui accroîtrait l'indépendance des dirigeants des filiales chargées du transport et donnerait plus de pouvoirs au régulateur pour que celui-ci veille à la bonne réalisation des investissements dans les réseaux. Il a souligné que cette « troisième voie » avait été présentée lors du Conseil de l'Union européenne « Transports, télécommunications et énergie » du 28 février 2008, mais que les vingt-sept Etats membres, n'étant pas parvenus à trouver un consensus sur ses termes, avaient appelé à une poursuite des travaux dans la perspective de la prochaine réunion du Conseil, prévue le 6 juin, afin de conclure un accord politique.

a ensuite précisé que la Commission européenne proposait de formaliser la coopération entre les GRT au niveau européen avec la création de deux organes, le Réseau européen des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité d'une part, et de gaz d'autre part, ayant pour mission d'élaborer des codes commerciaux et techniques du transport ainsi qu'un plan décennal d'investissement dans les réseaux. Par ailleurs, les propositions de la Commission prévoient une harmonisation des compétences des régulateurs nationaux, en conférant à ces derniers la personnalité juridique et l'autonomie budgétaire, évolution régulièrement refusée par le Parlement français, et en les dotant des mêmes prérogatives en matière d'accès aux réseaux, de gestion des congestions ou de tarifs de transport. Enfin, elles formalisent la coopération de ces autorités au plan communautaire avec la création d'une Agence de coopération des régulateurs de l'énergie, chargée notamment de surveiller les deux réseaux européens de GRT et la mise en place des codes.

Puis le rapporteur a déploré les insuffisances du troisième « Paquet énergie » en matière de mécanismes juridiques tendant à assurer la sécurité d'approvisionnement, pourtant l'une des priorités de la politique énergétique communautaire. Pour combler cette lacune, la proposition de résolution formule plusieurs demandes, reprises des travaux de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement, visant à imposer dans chaque Etat membre des normes minimales de production d'électricité et à prévoir la réalisation d'une programmation pluriannuelle des investissements de production électrique à l'échelon communautaire.

De même, il a regretté que la question des prix de l'électricité ne soit pas traitée dans le « Paquet énergie », alors même que les tarifs réglementés français font actuellement l'objet de deux contentieux avec la Commission européenne. C'est pourquoi la proposition de résolution revendique une modification des directives pour que celles-ci valident le principe des systèmes de tarifs réglementés dès lors que leur niveau couvre les coûts exposés par les opérateurs vendant de l'énergie sous ce régime.

a conclu en soulignant que la prochaine échéance sur le « Paquet énergie » aurait lieu le 6 juin, date de la réunion du Conseil des ministres de l'énergie, au cours de laquelle les modalités de la « troisième voie » sur la question de la séparation patrimoniale pourraient faire l'objet d'un accord politique entre les Etats membres. Il a estimé à cet égard que l'une des pistes de réflexion pourrait être de dissocier la situation des entreprises électriques et gazières, dans la mesure où un plus grand nombre d'Etats membres est hostile à l'application aux entreprises gazières du principe de séparation patrimoniale.

En définitive, compte tenu du consensus entre les membres du groupe de travail, il a appelé la commission à adopter la proposition de résolution sans modification et a formé des voeux pour que cette contribution du Sénat au débat politique énergétique européen soit entendue par le gouvernement et renforce sa position en vue des prochaines échéances communautaires.

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