Intervention de Robert Tropeano

Réunion du 7 décembre 2011 à 14h30
Respect du principe de laïcité dans les structures privées en charge de la petite enfance — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Robert TropeanoRobert Tropeano :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 1er de notre Constitution dispose que la France est une République laïque. Ainsi élevée au rang de principe constitutionnel, la laïcité est pourtant, aujourd’hui encore, contournée, bafouée, et les fondements mêmes de notre République sont trop souvent ébranlés.

À tous ceux qui considèrent ce principe comme une interdiction de la pratique des religions, je répondrai qu’il est, bien au contraire, le garant de la liberté de conscience et de croyance de chaque citoyen et un puissant levier contre les discriminations. Il nous permet de vivre ensemble, malgré la diversité de nos convictions : c’est un combat de chaque instant que nous devons mener !

Si notre collègue Françoise Laborde a pris l’initiative de déposer cette proposition de loi visant à garantir le respect de la laïcité dans les structures chargées de l’accueil de la petite enfance, c’est d’abord pour défendre avec force ce principe contre tous ceux qui cherchent à l’affaiblir par des dérives communautaristes.

Lorsque le législateur a, en 2004, encadré le port de signes religieux dans les écoles, les collèges et les lycées publics, il souhaitait protéger ainsi les élèves contre toute influence religieuse. Pourquoi les enfants de moins de six ans n’auraient-ils pas la possibilité, eux aussi, de grandir dans la plus stricte neutralité confessionnelle, indispensable à l’apprentissage de la citoyenneté et à la liberté de conscience ? Il est important que le droit fondamental des parents au choix de l’éducation de leurs enfants, par ailleurs consacré par de nombreuses conventions internationales, soit respecté.

La justice a eu à se prononcer sur cette question, à la suite du licenciement d’une salariée de la crèche Baby Loup qui refusait de retirer son foulard islamique, alors que le règlement intérieur de l’établissement prévoyait explicitement que le personnel devait « respecter et garder la neutralité d’opinion politique et confessionnelle du public accueilli ». En première instance, puis en appel, les juges ont donné raison à la direction de la crèche. Cette affaire a toutefois mis en exergue la fragilité de l’application effective du principe de laïcité dans notre pays et démontré, s’il en était encore besoin, la nécessité de réaffirmer ce principe, dont le respect ne doit souffrir aucun compromis.

Cette situation nous a conduits à intervenir et à prendre nos responsabilités, car la jurisprudence ne saurait, en aucun cas, se substituer à la loi.

Si l’obligation de neutralité religieuse s’applique aux services publics, aucune disposition législative ne traite des structures privées accueillant la petite enfance. À ce titre, je déplore qu’il n’existe pas, en France, de service public de la petite enfance, ce qui permettrait d’appliquer aux crèches, quel que soit leur statut, les principes de laïcité et de neutralité. Cela serait d’autant plus souhaitable que ces structures s’adressent à un public particulièrement vulnérable et exercent une mission d’intérêt général.

Avec cette proposition de loi, présentée par notre collègue Françoise Laborde et cosignée par l’ensemble des sénateurs du groupe RDSE, nous souhaitons clarifier les règles définissant les conditions d’accueil de la petite enfance en dehors du domicile parental. Il nous a semblé indispensable d’étendre l’obligation de neutralité, corollaire du principe de laïcité, à l’ensemble des structures privées chargées d’accueillir de très jeunes enfants et aux assistantes maternelles. Le texte proposé par notre rapporteur, Alain Richard, dont je tiens à saluer le travail, ne va malheureusement pas aussi loin que nous l’aurions souhaité, mais il constitue néanmoins une réelle avancée.

Si je me réjouis qu’il soit prévu de soumettre les crèches privées recevant une aide financière publique à une obligation de neutralité en matière religieuse, je regrette que le texte ouvre la possibilité, pour des structures confessionnelles, de bénéficier d’une aide de la collectivité sans être assujetties à ce même principe de neutralité. Certes, elles devront respecter des règles républicaines d’ouverture et d’égalité de droits, c’est-à-dire accueillir les enfants quelles que soient les croyances de leurs parents et en respectant leur liberté de conscience.

L’adoption de cette proposition de loi permettra à la Haute Assemblée de réaffirmer solennellement son attachement à la laïcité, principe fondateur de notre pacte social, et apportera, j’en suis persuadé, une nouvelle pierre à cet édifice républicain si fragile.

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