Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’Europe est aujourd’hui à la croisée des chemins.
Une voie mène au chaos économique et à la ruine d’un projet politique sans équivalent dans le monde, un modèle de démocratie, de paix et de prospérité. C’est celle du renoncement. Elle se nourrit de l’illusion que nous pouvons nous passer de l’Europe et de l’euro en revenant à une France ancienne et dépassée à l’heure de la mondialisation, que nous pouvons continuer de financer notre niveau de vie en accumulant les dettes.
L’autre voie est celle de la vérité, de la responsabilité et de l’effort commun juste et coordonné.
Le temps où chacun vivait à crédit en profitant de la bonne gestion de quelques-uns est révolu. Les bénéfices tirés de la monnaie unique nous ont fait, quelquefois, oublier nos devoirs. Nous tournons aujourd’hui cette page pour écrire celle d’une nouvelle aventure européenne.
La crise est cet espace entre un monde qui s’éteint et un autre qui se construit. Notre génération a le devoir de bâtir une nouvelle Europe. Nous espérons le faire avec nos vingt-six partenaires, mais l’action est urgente et ne pourra pas attendre. La zone euro poursuivra donc son intégration renforcée avec tous les États qui le désirent.
Le prochain Conseil européen sera crucial. Il validera ce choix de « plus d’Europe » et de « mieux d’Europe ». Son ordre du jour du Conseil du 9 décembre se concentrera donc avant tout sur l’examen de la situation économique et la convergence économique au sein de la zone euro. L’énergie, l’élargissement et l’Iran seront les autres thèmes importants qui seront débattus.
Nous avons aujourd’hui le devoir d’avancer vers une meilleure coordination de nos politiques économiques.
La France et l’Allemagne ont tracé lundi dernier les grandes lignes qui mènent à une gouvernance économique européenne intégrée, souhaitée par notre pays. Sur le chemin de crête qui nous permettra de surmonter la crise, la discipline et la solidarité doivent marcher main dans la main.
La crise actuelle n’est pas une crise de l’euro, qui est une monnaie forte. Elle n’est pas non plus une crise de l’Europe, qui est une construction équilibrée. C’est une crise des dettes souveraines. Pour renforcer notre crédibilité, nous devons renforcer la discipline commune sur le plan européen, en agissant d’abord de manière préventive.
Tous les membres de la zone euro devront inscrire une règle d’or dans leur droit national. Le principe et le contenu de cette règle seront définis sur le plan européen et la transposition se fera ensuite à l’échelle nationale. Il appartiendra au juge constitutionnel de vérifier le respect de cette règle à l’occasion du contrôle des lois de finances. La Cour de justice de l’Union européenne ne pourra en aucun cas se prononcer sur le budget d’un État ou l’invalider. Il s’agissait là d’une exigence forte de la France. Notre souveraineté ne doit en aucun cas être altérée. Elle s’est toujours exercée au Parlement, par le vote du budget. Cela sera toujours le cas.
Pour aller vers l’avenir, chaque partenaire doit avoir confiance en l’autre. Il est donc nécessaire de se montrer ferme envers les États qui ne respecteraient pas cette discipline commune. Ceux qui laisseront délibérément leur déficit dépasser le seuil de 3 % s’exposeront à des sanctions automatiques. Le Conseil ne pourra s’y opposer qu’à la majorité qualifiée.
Je le répète, il n’y a pas de discipline sans solidarité.
Le Conseil européen du 9 décembre apportera des réponses fortes à la crise, qui sont autant de preuves de solidarité entre les pays européens. Les investisseurs doivent être rassurés sur la qualité des dettes émises par les membres de la zone euro. Tous les États honoreront leur signature. La Grèce fut une exception qui ne se reproduira plus. Nous avons obtenu que les opérateurs privés ne soient plus sollicités pour réduire la charge de la dette des États en difficulté. C’était une demande exigeante de la France. Les épargnants n’ont donc rien à craindre d’éventuelles restructurations d’une dette souveraine. Cette mesure est juste et indispensable pour rétablir la confiance dans les États de la zone euro.
La mise en place dès 2012, soit un an plus tôt que prévu, du mécanisme européen de stabilité est un autre élément clé de la solidarité européenne. Le MES sera plus efficace et plus réactif que prévu. Les décisions de soutien à des pays en difficulté pourront être prises à la majorité qualifiée renforcée, par un vote des États disposant au moins de 85 % des droits de vote.
Je veux insister sur la démocratisation qui accompagnera cette nouvelle gouvernance économique. Les responsables politiques élus et les parlements nationaux y tiendront une place centrale. Cette démocratisation garantira la transparence et la légitimité des décisions prises dans le cadre de l’union monétaire.
Le Conseil examinera aussi la situation économique en Europe.
L’analyse annuelle de la croissance présentée par la Commission montre la persistance de déséquilibres budgétaires, l’augmentation des tensions financières et la stagnation de la croissance.
Il faut donc mettre prioritairement l’accent sur la mise en œuvre accélérée d’actions favorables à la croissance. En effet, la discipline et la solidarité n’ont de sens que si elles apportent une amélioration de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité en Europe. C’est la raison pour laquelle nous avons défendu une action forte visant à approfondir le marché unique avec des mesures en faveur des PME – le brevet unitaire européen devrait être mis en place au plus vite – et à mener une véritable politique industrielle européenne qui évite la concurrence entre États membres et qui renforce la compétitivité vis-à-vis de l’extérieur.
Le Conseil fera par ailleurs le point sur les progrès enregistrés dans la mise en œuvre du « pacte pour l’euro plus ». Dans ce cadre, deux questions clés seront examinées : la coordination fiscale et l’emploi.
Comme vous pouvez le constater, de nombreuses pistes ont été ouvertes. Il est crucial que nous aboutissions vendredi à une réforme globale, efficace et cohérente.
Pour mettre en place ces mesures, nous souhaitons obtenir l’accord unanime des vingt-sept États membres pour une révision des traités. Si certains États ne veulent l’accepter, nous sommes déterminés à avancer avec le groupe des dix-sept membres de la zone euro et ceux qui seraient volontaires pour nous rejoindre. Nous souhaitons aboutir au mois de mars 2012, la révision devant être ratifiée avant la fin de l’année 2012.
Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont proposé, lundi dernier, que les sommets de la zone euro se réunissent désormais tous les mois, jusqu’à la fin de la crise ; c’est l’essence même d’un gouvernement économique de la zone euro.
Le Conseil européen adoptera également des conclusions sur notre politique énergétique.
L’énergie est au cœur de quatre défis : la croissance, la souveraineté, la sécurité et le respect de l’environnement. Nous devons concilier ces impératifs avec deux données majeures : la catastrophe de Fukushima et les négociations sur le climat qui se déroulent en ce moment à Durban.
Le Conseil abordera les grands chantiers nécessaires à la réalisation du marché intérieur de l’énergie, grâce auquel nous pourrons optimiser notre production et notre consommation tout en protégeant notre environnement.
Il sera aussi question de la mise en place d’une véritable politique énergétique extérieure. Notre indépendance en dépend.
Enfin, le Conseil examinera les premiers résultats des tests de résistance des centrales nucléaires, sur la base d’un rapport préliminaire.
Au cours de ce Conseil, trois points complémentaires seront également abordés. Je les présenterai rapidement, afin de laisser place au débat.
Le premier concerne les perspectives financières pour la période 2014-2020.
La France considère que, à l’heure où l’ensemble des États membres ont été ou sont soumis à une discipline budgétaire forte, la priorité doit être de dépenser mieux et non de dépenser plus. Nous souhaitons donc disposer d’une évaluation de l’ensemble des politiques de l’Union européenne, à l’exception de la politique agricole commune, qui a déjà été évaluée et stabilisée.
Le deuxième point a trait à l’élargissement. Le Conseil aura en effet à se prononcer sur deux questions importantes.
Vous le savez, aux yeux de la France, une perspective d’intégration doit être offerte aux Balkans occidentaux. La Croatie, après une démarche exigeante et longue, s’est vu reconnaître le droit de rejoindre l’Union européenne. Son cas doit être un exemple de l’ouverture de l’Europe, mais aussi de son exigence.
Aujourd’hui, l’attribution de statut de candidat à la Serbie et l’ouverture de négociations d’adhésion avec le Monténégro sont sur la table. La France considère la première possibilité comme envisageable afin d’encourager les efforts actuellement menés par la Serbie. La seconde paraît pouvoir être décalée de six mois : nous souhaitons attendre l’année prochaine pour évaluer dans quelle mesure les réformes adoptées par le Monténégro sont mises en œuvre effectivement.
Au sujet de l’élargissement, notre position est claire : les Balkans occidentaux ont une vocation européenne, mais le chemin qui mène à leur intégration dans l’UE doit être exigeant et contrôlé. C’est le meilleur service qui puisse être rendu à ces États et à l’Europe. Celle-ci peut apporter aux Balkans une perspective de paix et de stabilité. Mais elle ne peut accepter en son sein des pays en conflit avec leurs voisins.
Le dernier point concerne l’Iran.
Le Conseil européen évoquera la situation dans ce pays et condamnera fermement les attaques menées contre l’ambassade britannique. Nous demanderons que de nouvelles sanctions soient adoptées au mois de janvier.