Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 11 octobre dernier, nous étions à la veille d’un accord qui s’annonçait comme historique. Cet accord, conjugué aux décisions prises lors du sommet du G20 à Cannes, était censé donner un effet de levier au FESF et permettre à la zone euro de sortir de la crise.
Las, les solutions retenues le 26 octobre n’ont séduit personne. Les désaccords entre États étaient tels que l’on n’a pas su aller plus loin que de transposer au financement des États de la zone euro des techniques financières très sophistiquées, celles-là même qui ont conduit au déclenchement de la crise des subprimes. C’est un très mauvais exemple de lisibilité politique.
Aujourd’hui, les besoins de financement des États sont toujours les mêmes, mais l’effet de levier que l’on escomptait n’a pas été à la hauteur des attentes. On estime désormais à un levier de deux l’effet des mesures prises le 26 octobre.
Mais l’actualité va vite. En effet, le président Van Rompuy vient de rendre public un document dans lequel il évoque la possibilité de l’entrée en vigueur anticipée à 2012 du mécanisme européen de stabilité, au lieu de 2013, comme cela était initialement prévu. Mais, dans son hypothèse, ce dernier ne prendrait plus le relais du FESF, mais fonctionnerait parallèlement à celui-ci.
Monsieur le ministre, la représentation nationale est en droit de s’interroger sur ce qui est vraiment sur la table à la veille du sommet.
J’en viens à l’annonce qui a été faite de la négociation, dans des délais très brefs, d’un nouveau traité.
Or rien n’est moins sûr. De quoi parle-t-on ? D’un traité ? D’un avenant à un protocole ? Selon les solutions retenues, faudra-t-il ou non organiser une conférence intergouvernementale ? Une convention ?
Si l’on répond par l’affirmative à toutes ces questions, se pose alors le problème des délais. Ceux-ci sont-ils tenables ?
En la matière, nous sommes instruits par l’expérience. Je rappelle qu’il aura fallu un an pour arrêter le « paquet gouvernance ». Les modifications purement techniques apportées en mars au FESF sont entrées en vigueur seulement en novembre. Tout cela ne nous rassure pas.
L’idée que l’on puisse céder au Royaume-Uni sur la question de l’unanimité en matière de régulation financière, ainsi que le demande le Premier ministre britannique David Cameron, en échange de son soutien au processus, n’est pas rassurante.
S’agissant de la France, négocier un traité en pleine campagne électorale ne sera pas très facile, sauf à imaginer que cette négociation s’inscrit dans la stratégie de campagne du Président de la République. C’est peut-être du mauvais esprit, mais on peut s’interroger.
À supposer que ce traité voie le jour en dépit de tous ces aléas, il faudra bien le ratifier et donc faire entrer dans le jeu les peuples, qui ne peuvent plus être tenus à l’écart de ces questions.
Des référendums seront peut-être organisés. Il faut donc imaginer la situation qui serait celle du continent européen : des États en proie à des difficultés de financement, qui seront dans une situation économique probablement récessive, si l’on en croit les prévisions, et confrontées à des divisions politiques marquées.
Compte tenu de l’ensemble de ces aléas, on en vient finalement à se demander si le scénario qui nous est proposé n’a pas été écrit pour ne jamais se réaliser, mais seulement, encore une fois, pour gagner du temps et légitimer ainsi une intervention de la Banque centrale européenne.
Cette interrogation n’est pas futile. Certes, c’est habile, mais, quel que soit le cas de figure, reconnaissez, monsieur le ministre, que tout cela n’est pas gage de crédibilité. Or c’est bien ce doute sur la capacité des chefs d’État à décider qui a été le facteur déclenchant de la mise sous surveillance négative par une agence de notation de la quasi-totalité des pays de l’Union européenne.
La seconde raison qui a justifié cette mise sous surveillance, ainsi que le révèle l’analyse de cette agence, est la crainte que l’Europe, acteur majeur dans la sphère mondiale, n’entre en récession ou ne connaisse une croissance en berne.
Précisément, il faut rappeler les propos qu’a tenus le gouverneur Mario Draghi le 1er décembre lorsqu’il a envisagé un rôle plus actif pour la BCE si les États convenaient d’un « pacte budgétaire ».
Tel est le sujet que je souhaite aborder à présent.
Avec ce pacte budgétaire, on s’interroge : ne passe-t-on pas à côté du remède au mal dont souffre la zone euro ? Pourtant, ce mal est connu. D’une part, les dirigeants européens ne savent pas prendre les décisions structurantes : ils se contentent d’expédients. D’autre part, les perspectives de croissance des États de la zone euro restent très sombres.
De fait, cette incapacité à décider et ce risque de récession sont les symptômes du manque d’ambition politique dont souffre l’Europe.