Intervention de Jean Boyer

Réunion du 30 novembre 2006 à 21h45
Loi de finances pour 2007 — Anciens combattants mémoire et liens avec la nation

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme tous les ans, le budget des anciens combattants revêt un caractère particulier. En effet, il ne répond ni aux besoins de l'année à venir ni aux investissements pour les années futures. Ainsi, il ne peut être comparé, par exemple, à celui de l'éducation nationale, qui est, lui, porteur d'investissements pour l'avenir de la France.

Oui, c'est un budget spécifique parce que c'est principalement un budget de reconnaissance à l'égard de ceux qui ont servi dans des périodes où notre pays se trouvait concerné par des conflits meurtriers, souvent de longue durée.

En votant ce budget, nous ne pouvons pas oublier ceux qui ont donné leur vie pour que la France reste la France. Bien sûr, nous le savons, mes chers collègues, ceux de la Grande Guerre, qui ont connu Verdun ou la Somme, batailles qui ont été tout particulièrement commémorées cette année, ne sont plus là. En France, seuls quatre d'entre eux sont encore parmi nous : ils sont les derniers liens humains avec la terrible guerre de 1914-1918. Le temps a fait son chemin ! Et ceux de 1939-1945, qu'ils soient anciens résistants, déportés, STO ou prisonniers, se comptent aujourd'hui sur les doigts d'une main dans de nombreux cantons ruraux.

Nous devons penser aussi à ceux d'Indochine, dont le souvenir est généralement associé à ce terrible nom, Diên Biên Phu, mais qui sont parfois oubliés dans l'énumération des combattants français.

Il reste, monsieur le ministre, que le contingent le plus important est, comme vous le savez, constitué de ceux qui ont « fait l'Algérie ».

Comme d'autres dans cette assemblée, je suis l'un d'eux. Je suis en effet de ceux qui, après que le sang eut coulé pour la première fois dans les gorges de Tighanimine, à l'entrée des Aurès, le 1er novembre 1954, se sont rendus pendant plusieurs années sur cette terre d'Afrique du Nord où l'insécurité est devenue guérilla, avant qu'on ne parle de la « guerre d'Algérie ».

Il n'y avait certes ni tranchées, ni bataille de la Somme, ni bataille de Verdun, mais il y avait l'épreuve de la séparation d'avec la France, d'avec nos familles, d'avec nos amis. Il y avait le danger, la mort qui rodait partout : ceux qui ont été là-bas le savent !

Nous avons, monsieur le ministre, suivi et appliqué les volontés de la France, pour, dans un premier temps, maintenir l'ordre, puis assurer ce que l'on a appelé l'« oeuvre de pacification », jusqu'à la mise en place de l'autodétermination et de l'indépendance de l'Algérie.

Nous avons été fidèles à toutes ces volontés. Nous pouvons dire que nous avons été des serviteurs à la fois soumis, généreux, disciplinés et courageux, certains étant allés jusqu'au sacrifice de leur vie.

Comme dans tous les conflits, le sang a coulé. Il y a eu des blessures graves, souvent définitives. C'est la raison pour laquelle la France doit être reconnaissante à l'égard de ceux qui ont répondu « oui » à ce qu'elle souhaitait, sans condition, sans hésitation, conscients qu'ils allaient peut-être rencontrer la mort. Mais ils l'ont fait, il faut le rappeler, dans la dignité et la discipline, ce que notre pays leur a toujours reconnu depuis la fin du conflit.

Monsieur le ministre, je dois reconnaître que ces crédits pour 2007, bien que le contexte budgétaire soit difficile - il faut parler le langage de la vérité ! -, prennent en compte une partie des légitimes aspirations des soldats d'Afrique du Nord. Je suis convaincu que nos associations apprécieront les avancées obtenues par l'Assemblée nationale, même si l'on peut toujours considérer qu'elles sont insuffisantes.

Parmi les revendications au moins partiellement satisfaites figure la revalorisation de l'indice de référence de la retraite du combattant. Nous venons d'apprendre avec plaisir ce progrès, que les anciens combattants attendaient depuis près de vingt-huit ans. Quatre points en l'espace de deux ans, me direz-vous, chers collègues, c'est bien modeste. Certes, mais cela reste un progrès dont il faut se réjouir.

Est également positive, reconnaissons-le, la revalorisation de la retraite mutualiste des anciens combattants, qui passe de 122, 5 points à 125 points. Avant de disposer de certains éléments me permettant d'être objectif, j'étais de ceux qui pensaient que le Sénat, où siègent aussi des hommes qui ont servi la République, pourrait apporter sa contribution. Mais, tout à l'heure, en prenant connaissance de l'amendement visant à porter cette retraite mutualiste à 126 points, et d'ailleurs cosigné par mon collègue également élu de la Meuse, j'ai compris qu'il n'était pas possible de satisfaire une telle demande. Mon vote sera porteur de ce message de compréhension.

Monsieur le ministre, la France combattante est à l'écoute des rumeurs, mais aussi des perspectives et d'éventuels projets. Elle souhaite très vivement que les services départementaux de l'Office national des anciens combattants continuent à assurer leur présence locale avec les mêmes moyens. C'est très important !

Oui, le Sénat, sans céder aucunement à la démagogie ou à la surenchère, doit aussi apporter à ce budget pour 2007 sa contribution, même limitée. C'est le message que l'un de ceux qui ont servi en Algérie voudrait vous délivrer.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, la mort ne fauche plus, sur le sol d'Afrique du Nord, des hommes de vingt ans, comme ce fut le cas pour certains de ma génération. Elle vient plutôt frapper dans cette période du « troisième âge de la vie », où la fragilité de la santé ne laisse qu'une espérance de vie plus limitée.

Depuis plusieurs décennies, les gouvernements successifs ont apporté, de façon souvent très modeste, leur pierre à l'édifice de la reconnaissance envers les anciens combattants. Mais souhaitons que, demain, il n'y ait plus de ministère des anciens combattants parce qu'il n'y aura plus de conflits où les hommes s'entretuent. Lorsque tous les anciens soldats d'aujourd'hui auront malheureusement fermé leurs paupières et qu'il n'y aura plus de budget consacré aux anciens combattants, souhaitons que celui-ci soit relayé par un budget de la fraternité entre les peuples.

Pour l'heure, le nombre des anciens combattants diminuant tous les jours, n'attendons pas qu'il ne reste que quelques survivants de notre génération !

Je pense aussi aux veuves. Un grand nombre d'entre elles sont démunies, avec des retraites de réversion très modestes.

Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous nous féliciterons tous de l'effort consenti en faveur de ceux qui ont servi la France.

Pour que cette unanimité soit encore plus forte, j'espère très sincèrement que les quelques aspirations qui n'ont pas obtenu la réponse attendue lors de l'examen de ces crédits à l'Assemblée nationale puissent la recevoir ici : ce serait vivement apprécié.

La Haute Assemblée est reconnue pour sa sagesse, son sens de l'écoute et son objectivité. La réponse du Gouvernement devra donc être compréhensive. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir écouté un ancien soldat d'Algérie parmi d'autres, dont le message est, je le sais, partagé par beaucoup, j'ose même dire par tous ceux qui sont dans cet hémicycle.

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