Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois de plus, la réunion du Conseil européen, dont nous débattons ce soir et qui commencera dès demain, est dramatisée et présentée à l’opinion publique comme le sommet de la dernière chance pour sauver l’euro ; une fois de plus, les tractations et les désaccords entre les gouvernements français et allemands ont été mis en scène ces jours derniers, avant l’annonce du compromis de lundi.
Ce fut tout d’abord le meeting électoral du Président de la République à Toulon sur l’avenir de l’Europe ; le président-candidat a alors tenté de se présenter, une nouvelle fois, comme le sauveur de l’euro et le garant des intérêts de notre pays.
Puis, vendredi, ce fut au tour de la Chancelière allemande de tracer, devant le Bundestag, les grandes lignes du plan de sauvetage de l’euro qu’elle défendra demain à Bruxelles. Mme Merkel a martelé devant sa majorité parlementaire qu’elle ne céderait sur rien : ni sur le rôle de la BCE, ni sur la mise sous tutelle des budgets nationaux et les sanctions à l’égard des gouvernements qui s’écarteraient de l’orthodoxie budgétaire – c’est-à-dire ceux qui refuseraient l’austérité pour leur peuple –, ni bien entendu sur la mutualisation des dettes avec la création d’euro-obligations.
Enfin, lundi, à la suite de la rencontre entre le Président de la République et la Chancelière, ce fut l’annonce d’un accord a minima sur des positions communes qui seront présentées au cours de ce Conseil qu’on qualifie – une fois de plus ! – de décisif.
Il est frappant de constater combien ce compromis n’a pas suffi à satisfaire les exigences des marchés financiers, qui demandent toujours plus aux gouvernements, quoi qu’ils fassent.
Mais il y a plus grave. Alors même que le contenu de l’accord franco-allemand était à peine dévoilé, l’agence de notation Standard & Poor’s menaçait déjà de dégrader dans quelques semaines la note de quinze des dix-sept États de la zone euro et même de réduire le triple A de la France et de l’Allemagne.
Cette arrogance d’organismes privés au service des marchés financiers devient pour le moins intolérable. De fait, ces agences se permettent de signifier de manière désinvolte, à des gouvernements démocratiquement élus, que les marchés ne tiendront aucun compte des mesures adoptées et, pis, qu’ils continueront à spéculer pour détruire les économies de chaque pays.
Il faut être lucide et réaliste : un tel constat augure bien mal des résultats du Conseil de jeudi et vendredi, au cours duquel les États membres devront se prononcer sur ce nouveau plan franco-allemand de réforme de la zone euro.
De Conseil en Conseil, quelques décisions sont prises, quelques mesures sont proposées, mais la situation continue de se dégrader et les attaques des marchés reprennent de plus belle. Ces sommets à répétition ne parviennent à résoudre aucun problème, et l’on voudrait nous faire croire que, grâce à ce nouveau plan franco-allemand, les États vont désormais reprendre la main, d’autant qu’ils se réuniront chaque mois, tant que la crise ne sera pas achevée.
Voilà bien la preuve que les mesures préconisées tendant à une austérité et à un autoritarisme toujours croissants font fausse route, qu’elles entraînent les économies européennes dans la spirale déclinante de l’asphyxie de la croissance, de la récession, du moins-disant fiscal et social, et surtout qu’elles sont inefficaces pour prémunir l’Europe contre la malfaisance des marchés financiers.
Monsieur le ministre, ne tentez surtout pas nous faire croire que, aujourd’hui, face aux menaces des agences de notation, il n’y aurait pas d’autre solution que l’union sacrée autour du Président de la République et du Gouvernement !
Concernant le contenu de l’accord, je ne chercherai pas à déterminer qui a cédé devant qui. Dans tout compromis chacun fait des concessions.