Au demeurant, je ne suis pas dupe des différences d’appréciation et de méthode qui sont montées en épingle, à des fins électorales internes, par deux dirigeants qui sont d’ores et déjà en campagne.
Toutefois, de l’avis de la quasi-totalité des observateurs, il apparaît que les positions du gouvernement allemand l’ont largement emporté et que les concessions ont été principalement accordées par Nicolas Sarkozy.
La perspective d’une intervention accrue de la BCE pour prêter directement aux États, condition essentielle pour lutter contre la spéculation des marchés sur les dettes souveraines, a été totalement écartée par Angela Merkel.
S’il accélère la mise en place d’un fonds d’assistance financière permanent, l’accord ne prévoit aucunement d’instituer une véritable solidarité financière entre les pays de la zone euro.
En revanche, le chef de l’État a accepté une hypothétique révision des traités qui imposerait la loi d’airain de la lutte aveugle contre les déficits, un contrôle accru de la Commission sur les budgets nationaux et des sanctions automatiques pour les États qui n’auraient pas respecté la règle des 3 % de déficit.
En outre, les États devront réviser leur Constitution pour y inscrire le dogme du respect à tout prix de l’équilibre budgétaire, un véritable carcan rendant impossible toute politique alternative : telle est également la réalité de l’accord.
L’annonce d’une future révision des traités dans un sens aussi autoritaire et antidémocratique ne peut nullement répondre à l’urgence de la situation : surtout pas cette révision-là !
Accepter ces contrôles autoritaires et ces sanctions, c’est non seulement priver les États de leur souveraineté budgétaire, mais aussi consentir à ce qu’une institution supranationale dicte à des gouvernements élus leurs politiques économiques et sociales.
Pour sortir de la crise des dettes souveraines, il faut impérativement que les États se donnent les moyens de s’opposer au diktat des marchés financiers.
Monsieur le ministre, pour notre part, à la veille de chaque Conseil, nous ne cesserons de vous opposer les changements radicaux d’orientation et les mesures que nous proposons.
Conjointement avec les députés de Die Linke au Bundestag– voyez qu’il n’y a pas une once de germanophobie de notre part ! –, nous soutenons notamment la création d’un fonds de développement social, solidaire et écologique à l’échelle européenne : sa logique différerait de l’actuel FESF, auquel les États refusent d’ailleurs d’accorder les moyens promis, à tel point qu’on évoque désormais un simple « mécanisme de stabilité » ! Pour se libérer durablement de la tutelle des marchés, ce fonds devrait être soutenu par la BCE, enfin autorisée à prêter directement aux États.
Par ailleurs, la question majeure de la régulation du système bancaire et de la recapitalisation des banques pourrait être résolue par une prise de participation majoritaire des États au capital de certains établissements.
Toutefois, sans attendre la mise en œuvre de telles mesures à l’échelle européenne, les transferts de souveraineté budgétaire auxquels nous avons consenti peuvent nous laisser quelques marges de manœuvre nationales : l’interdiction des ventes à découvert, la réglementation du droit à créer des produits dérivés, le rétablissement d’un « passeport » national pour les fonds spéculatifs, l’abolition des privilèges d’auto-saisine des agences de notation, ou bien encore l’arrêt de la cotation en continu des entreprises. Voilà quelques mesures qui pourraient rapidement voir le jour !
Faute de changer de logique, voire de logiciel d’analyse, les propositions présentées par la France et par l’Allemagne au prochain Conseil ne pourront qu’aggraver la situation économique et sociale des peuples d’Europe. J’en suis plus que jamais convaincu.
Monsieur le ministre, telles sont les analyses critiques dont je souhaitais vous faire part au nom du groupe communiste, républicain et citoyen à la veille de ce Conseil.