Intervention de Jean-Pierre Plancade

Réunion du 7 décembre 2011 à 14h30
Débat préalable au conseil européen du 9 décembre 2011

Photo de Jean-Pierre PlancadeJean-Pierre Plancade :

Mes chers collègues, aujourd’hui, l’euro est déserté par les grands investisseurs étrangers et assiégé sur les marchés.

Chacun voit bien que, malgré les plans de rigueur, les attaques continuent. En réalité, ce qui est en cause aujourd’hui, ce n’est pas seulement la santé financière de la Grèce, de la France, de l’Italie ou même de l’Allemagne, mais bien la capacité politique de l’Europe à faire face à la crise. Ce qui inquiète vraiment les investisseurs, c’est finalement l’absence d’une volonté forte, puissante et durable d’emmener l’Europe jusqu’au bout.

Cette Europe est impuissante, incapable d’opposer une véritable résistance à un engrenage économique et financier devenu fou, et qui pourrait bien causer sa perte.

Le seul mérite que pourraient avoir, à mes yeux, les agences de notation, c’est d’appeler, une fois de plus, à une gouvernance politique. Les radicaux de gauche plaident depuis longtemps pour une gouvernance commune et une coordination des politiques économique et budgétaire.

Aujourd’hui, pour tenter d’éteindre l’incendie de la crise de la dette, le Président de la République nous propose une « refondation de l’Europe ». Cet objectif, au demeurant ambitieux, s’est traduit par l’accord franco-allemand, présenté lundi à l’Élysée, mais dont on ne connaît pas précisément les contours, comme notre collègue l’a brillamment exposé.

Il est question d’une révision des traités fondée sur la discipline budgétaire. Pourquoi pas ! En réalité, on constate surtout notre incapacité à répondre immédiatement à la crise.

Je crains que, une fois de plus, comme en son temps Romani Prodi a pu le dire, ce soit « toujours trop peu et trop tard ». Entre-temps, les spéculateurs pourront continuer à attaquer la monnaie européenne. Alors oui, aujourd’hui, il faut remettre de l’ordre et de la discipline budgétaire !

Je crains également que l’élaboration et la ratification de ce traité prennent de longs mois, peut-être même un an. Autant dire que l’Europe aura le temps de brûler d’ici là. Ce n’est pas la réplique immédiate que l’on pouvait espérer.

Personne ne peut contester le principe d’une discipline budgétaire. Cependant, on ne peut pas proposer aux peuples d’Europe austérité, rigueur et sanctions. Ce n’est pas un tel programme qui refondera l’Europe.

L’unité franco-allemande est bien sûr indispensable, les règles du pacte de stabilité doivent être respectées, aujourd’hui comme hier, ne serait-ce qu’au regard des générations futures et pour ne pas aliéner la maîtrise de notre souveraineté aux créanciers privés et aux grands États émergents. Cependant, l’austérité et la rigueur appliquées à la lettre, sans discernement, priveraient aussi les capitales européennes des moyens économiques de contrer la récession. Parce qu’il ne faut jamais oublier que ce sont l’investissement et la croissance qui relanceront l’activité économique et permettront de combattre le chômage !

Je me refuse avec détermination à penser que la seule perspective qui puisse être offerte aux peuples d’Europe soit celle des sanctions et des punitions. On voit les ravages de l’exemple grec… Et aujourd’hui, parler de révision des traités uniquement sous l’angle comptable et budgétaire, c’est proposer aux Européens une Europe régressive et disciplinaire qu’ils ne pourront pas accepter.

Des solutions existent pour remettre la zone euro sur les rails, comme la mutualisation des dettes souveraines et l’émission d’euro-obligations.

L’inflexibilité de la Chancelière allemande commence d’ailleurs à être critiquée en Allemagne même. Ainsi, l’ancien Chancelier Helmut Schmidt ou le commissaire Günther Oettinger, pourtant issu de la CDU, plaident désormais pour une telle solution et l’intervention accrue de la BCE. « Si la BCE ne devait pas agir, […] nous courons à la catastrophe », a même dit l’un d’entre eux.

Il est temps que la France s’inscrive dans une autre logique. Elle doit changer de cap et proposer, en liaison avec d’autres gouvernements européens, une véritable solidarité européenne et une véritable initiative de croissance européenne, seule à même de desserrer le carcan pesant sur les pays déficitaires et d’offrir un horizon d’espoir à leurs citoyens.

Oui, à la discipline budgétaire ! Mais oui aussi aux dépenses d’investissement, qui, seules, peuvent générer la croissance !

L’Union européenne doit contribuer à répondre aux défis du chômage, qui a franchi la barre des 10 % en Europe, et au ralentissement global de l’activité économique. Cela suppose un vaste programme de recherche et d’investissements, notamment en infrastructures.

Les radicaux de gauche plaident pour un véritable gouvernement économique, pour une harmonisation fiscale, pour un budget de l’Union à la hauteur des enjeux, pour une capacité d’emprunt, sans parler d’une approche volontariste dans le domaine social. Plus largement, nous appelons de nos vœux la formation d’une Europe fédérale, forme de gouvernement sans laquelle les égoïsmes nationaux prendront toujours le pas sur la solidarité européenne.

Il reste à espérer que les chefs d’État et de gouvernement puissent faire montre d’une telle vision globale et prospective. Le Conseil européen du 9 décembre leur fournira, s’ils la saisissent, une bonne occasion de le démontrer.

Nous serons vigilants et attentifs, car il y va de l’avenir de l’Europe et de son idée même !

Pour conclure, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai en mémoire la réponse d’un célèbre homme d’État à la question : « Qu’est-ce que la guerre ? » « Ce sont des gens qui se connaissent et qui font se battre des gens qui ne se connaissent pas », répondait-il. Nous sommes un peu dans la même situation aujourd’hui, avec des financiers qui se connaissent, des spéculateurs qui se fréquentent et qui, par une avidité sans mesure, sont en train de faire payer leurs choix aveugles à des millions de gens qui ne se connaissent pas, qui n’ont rien demandé, et qui ont simplement envie de vivre honnêtement de leur travail.

Il est grand temps que le politique reprenne le dessus ! C’est cette évidence que je voulais rappeler ce soir, au nom du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

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