Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc à la veille d’une réunion très attendue – trop attendue peut-être – du Conseil européen. Depuis six mois, nous attendons toujours la réunion qui va enfin sortir l’Europe de l’ornière. Or, comme l’a souligné la Chancelière allemande, il faut se placer dans la durée. Le problème de l’endettement de la zone euro réclamera des années d’efforts, pour l’Allemagne comme pour les autres pays d’ailleurs.
Ce problème sera d’autant plus difficile à régler qu’il touche aussi la plupart des autres grandes zones développées : l’Europe hors zone euro, les États-Unis et le Japon. Bien sûr, il faut faire face à l’urgence, mais rien ne nous dispensera des efforts de longue haleine nécessaires pour réduire cet endettement. Le jour où la dette sera revenue à un niveau raisonnable, nous n’aurons plus à craindre la spéculation, qui n’est pas une cause, mais plutôt une conséquence de nos difficultés.
Nous avons donc besoin non seulement d’une action de court terme, mais aussi d’une approche à plus long terme des problèmes européens.
À court terme, c’est clair, l’Europe est menacée d’une rechute dans la récession, en raison d’une crise de confiance qui se manifeste à plusieurs niveaux.
La confiance entre les banques, nous l’avons vu tout récemment, reste fragile ; il a fallu une action concertée entre les banques centrales pour la rétablir.
La confiance entre les États membres de la zone euro est également affaiblie. Trop souvent, les engagements pris à Bruxelles n’ont pas été pleinement respectés et, dès lors, on ne peut s’étonner que des mécanismes de surveillance plus contraignants soient aujourd’hui jugés nécessaires.
La confiance dans la construction européenne et dans l’avenir de l’Europe est ébranlée ; dans la plupart des pays membres, l’euroscepticisme, de gauche ou de droite, s’est réveillé.
Il faut remédier à cette crise de confiance, et nous ne pourrons le faire sans mettre en place une surveillance budgétaire mutuelle qui soit totalement crédible. C’est la base de tout ! Nous voyons bien que, face aux conséquences de l’endettement, nous avons tous partie liée et nous sommes obligés d’avoir une réponse commune.
Il en va donc nécessairement de même pour les causes de l’endettement. On ne peut plus dire : les États sont solidaires face à la crise de l’endettement, mais ils gardent la liberté de s’endetter comme bon leur semble, car ils sont souverains. Cela ne tient pas ! Le principe même de la construction européenne, c’est la souveraineté partagée, et cela s’applique au budget comme aux autres domaines. Nous ne pouvons pas continuer à faire notre budget et nos lois fiscales chacun dans notre coin, alors que nous avons une monnaie unique à gérer ensemble. Si ce point est clairement établi, s’il est accepté par tous, ce sera le début d’un retour à la confiance.
Sous quelle forme ce partage des souverainetés budgétaires doit-il se faire ? Je crois que nous devons être guidés par le souci de l’efficacité. L’éternel débat entre les solutions communautaires et les solutions intergouvernementales devrait céder le pas devant cette exigence. Pour ma part, je n’ai pas de réticence de principe à ce que la Commission européenne et même la Cour de justice aient une place dans le mécanisme de surveillance mutuelle, mais leur participation ne me paraît pas non plus constituer un préalable. La priorité, c’est d’avoir un mécanisme qui marche, qui conduise effectivement les États à traiter les questions budgétaires et fiscales comme des questions d’intérêt commun.
Pour arriver à définir la bonne formule, le travail en commun franco-allemand est, et restera, essentiel. Il n’y a pas de privilège du couple franco-allemand, mais l’expérience montre que le rapprochement des points de vue entre la France et l’Allemagne prépare toujours un accord plus large. C’est pour cette raison que le couple franco-allemand est plus que jamais irremplaçable.
Mais si nous voulons préserver le rôle européen du couple franco-allemand, nous devons travailler à la convergence entre les deux pays. L’Allemagne a fait des réformes nécessaires ; nous n’avons fait pour notre part qu’une partie du chemin. Je ne dis pas que nous devons imiter l’Allemagne en tout point, mais si nous ne parvenons pas à restaurer la compétitivité de nos entreprises, un déséquilibre va s’installer et, à la longue, le couple franco-allemand ne pourra plus jouer son rôle.
Poursuivre les réformes, comme notre pays s’y est engagé auprès de ses partenaires, ce n’est pas seulement dans notre intérêt, c’est aussi dans l’intérêt de toute l’Europe.
Il y a aujourd’hui, disons-le clairement, un écart de dix points de PIB entre les dépenses publiques en France et en Allemagne. Dans certains domaines comme la défense, cela s’explique parce que nous faisons un effort plus important. Mais, dans d’autres domaines, cela s’explique par une gestion plus serrée de la dépense publique en Allemagne, laquelle ne nuit pas pour autant au service rendu au public.
Le système de santé allemand est en équilibre financier, alors que le nôtre est en déficit de 20 milliards d’euros. Pourtant, l’Allemagne a une population plus âgée que la nôtre, et elle est tout aussi bien soignée, l’espérance de vie étant la même.
Le système scolaire allemand est moins coûteux que le nôtre. Pourtant, qui pourrait dire que le niveau de formation est moins bon en Allemagne qu’en France ?
L’Allemagne compte 4, 6 millions de fonctionnaires, contre 5, 1 millions en France, alors qu’il y a 18 millions d’habitants de plus en Allemagne.