Intervention de Jean Bizet

Réunion du 7 décembre 2011 à 14h30
Débat préalable au conseil européen du 9 décembre 2011

Photo de Jean BizetJean Bizet :

En réalité, l’exemple allemand montre que l’on peut maîtriser la dépense publique tout en préservant les services publics auxquels nous sommes tous attachés. Je ne vois pas pourquoi nous aurions honte de nous inspirer de cette gestion plus efficace, qui permet d’alléger le poids des prélèvements pesant sur les entreprises comme sur les ménages.

Je conviens volontiers que la lutte contre le déficit et l’endettement excessifs ne doit pas devenir l’alpha et l’oméga de la politique européenne. C’est un préalable, ce n’est pas une fin en soi. Nous devons, parallèlement, recréer des anticipations d’une plus forte croissance en Europe.

C’est pourquoi, à mon avis, le rôle de la Banque centrale européenne ne devrait pas être un sujet tabou, du moins dans notre enceinte. Je le redis une nouvelle fois : la BCE est indépendante, c’est certain, mais les parlementaires aussi ont leur indépendance, et ils ont le droit de juger que les traités européens ne définissent pas de la meilleure façon qui soit le rôle de la Banque centrale pour notre union monétaire.

Comparons un instant la BCE avec la Banque centrale américaine, la FED. À cet égard, le rapport que j’avais présenté voilà maintenant six ans reste d’actualité. Personne ne dira que la FED n’est pas « indépendante ». Pourtant, son statut la conduit à accepter le dialogue avec l’autorité politique ; d’abord parce qu’elle dépend d’une loi simple, et non d’un traité, beaucoup plus difficile à modifier ; ensuite parce que les membres nommés par le pouvoir politique – en l’occurrence par le Président des États-Unis, avec l’accord du Sénat – forment la majorité au sein de l’organe qui définit la politique monétaire. De ce fait, la FED ne conçoit pas son indépendance comme un splendide isolement. Elle n’accepte pas d’injonction, mais ne refuse pas non plus la coopération.

Par ailleurs, les missions de la FED sont définies d’une manière bien plus large que celles de la BCE. Alors que cette dernière doit donner une priorité inconditionnelle à la lutte contre l’inflation, la FED a trois objectifs : le plein emploi, la stabilité des prix et la modération des taux d’intérêt à long terme.

On voit que le statut comme les objectifs de la FED l’orientent vers une politique monétaire favorable à la croissance, ce qui n’est pas le cas pour la BCE.

Je sais bien que, nécessité faisant loi, la BCE a accepté des accommodements et pratiqué, selon des termes choisis, des « mesures non conventionnelles ». Mais ces mesures ont été présentées comme des exceptions temporaires, avant un retour le plus rapide possible à une plus grande orthodoxie. Ne faudrait-il pas aller vers plus de pragmatisme ? Je ne crois pas, pour ma part, que l’économie européenne puisse supporter, à la fois, une politique budgétaire restrictive et une politique monétaire qui n’encourage pas les anticipations de croissance.

Les dispositions concernant la BCE datent du traité de Maastricht. Il serait temps de les relire à la lumière du traité de Lisbonne, qui a fait de la BCE une « institution » de l’Union, à laquelle s’applique le principe de « coopération loyale » entre les institutions posé à l’article 13 du traité sur l’Union européenne.

Mes propos sur la BCE n’ont rien de comparable à ceux des orateurs précédents. Il n’y a pas atteinte à son indépendance, me semble-t-il, ni à la réflexion des Allemands sur ce sujet. Je souhaite véritablement que l’on réfléchisse aux nouvelles missions de la BCE.

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