Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer que nous examinons aujourd’hui comporte de nombreuses dispositions ressortant du champ de compétence de la commission des affaires économiques, qui s’est donc saisie de vingt-deux des trente-trois articles.

Avant de vous présenter la position de la commission des affaires économiques sur ce projet de loi, il me semble utile de revenir sur la méthode qui a été suivie afin d’aboutir à ce texte.

Je rappellerai donc que ce projet de loi, déposé en juillet 2008 sur le bureau de notre Haute Assemblée, est issu directement d’une promesse faite par le Président de la République pendant la campagne électorale présidentielle et qui était de créer des zones franches d’activités dans les départements d’outre-mer.

À la suite de cette élection, le Gouvernement a ouvert une période de consultation avec les collectivités territoriales et les représentants du monde économique ultramarin pour mettre en œuvre cette promesse. On peut ainsi saluer le fait que ce projet de loi ait été élaboré après un dialogue, parfois tendu, mené avec les élus locaux et les acteurs économiques.

Un avant-projet de texte a été présenté en février 2008. Puis, à la suite des différentes remarques des acteurs économiques et politiques locaux et de l’avis du Conseil économique et social de mars 2008, le texte a été remanié : des dispositions importantes ont ainsi été modifiées. À titre d’exemple, la défiscalisation de la résidence principale, initialement supprimée, a été finalement maintenue.

Cette longue phase de conception et de consultation a finalement abouti au texte déposé par le Gouvernement.

Je dois toutefois souligner, monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, que, depuis juillet 2008, le contexte a beaucoup changé outre-mer. Comment ne pas évoquer en effet la grave crise sociale qui touche les départements antillais depuis la fin du mois de janvier ?

Nos départements ultramarins, plus vulnérables encore que les départements métropolitains, ont été touchés de plein fouet par la crise économique. Cette crise a, en quelque sorte, actualisé un malaise plus général, expression d’un mal-être identitaire ou encore des multiples dysfonctionnements qui gangrènent nos sociétés, y compris en matière de gouvernance.

Ainsi, en écho à la mobilisation en Guyane en décembre 2008 sur la question du prix des carburants, la Guadeloupe, puis la Martinique se sont mobilisées, notamment autour de la question du pouvoir d’achat, de la formation des prix et des bas salaires. La Guadeloupe a ainsi connu une grève générale à partir du 20 janvier 2009 et la Martinique à compter du 5 février. Si les négociations ont abouti le 5 mars en Guadeloupe, où la situation est pour le moins inachevée, elles restent pour l’instant bloquées en Martinique et le mouvement semble vouloir s’étendre à la Réunion.

Il faut souligner que, même si les débats ont longtemps achoppé sur la question de la revalorisation salariale, ils ont porté sur des questions aussi diverses que l’emploi, les transports ou encore la fiscalité et les services publics, locaux ou nationaux.

Au-delà de la question salariale, cette crise montre bien le malaise de nos sociétés domiennes, qui constitue une exigence pour les politiques publiques de l’État outre-mer.

En réponse à cette situation, le Gouvernement, mais aussi les sénateurs, présentent sur ce projet de loi des amendements, nombreux et importants, qui devraient représenter un coût supplémentaire pour les finances publiques de l’ordre de 150 millions d’euros. Pour ma part, au nom de la commission des affaires économiques, je vous proposerai des amendements visant à enrichir le texte et à l’adapter à la situation actuelle.

Le projet de loi comprend deux axes : d’une part, la mise en place des zones franches d’activité et, d’autre part, les modifications d’un certain nombre de dispositifs, dont la plus importante concerne les orientations en matière de production de logements.

S’agissant des zones franches d’activité, le projet de loi créé donc au profit d’un large ensemble d’entreprises des départements d’outre-mer des dispositifs d’exonérations concernant l’imposition sur les bénéfices, la taxe professionnelle et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Prévues pour durer dix ans, elles comprennent deux niveaux : en premier lieu, un taux à 50 % pour l’ensemble des entreprises éligibles ; en second lieu, un taux à 80 % pour des territoires prioritaires comme la Guyane ou les îles du sud de la Guadeloupe et pour des secteurs prioritaires, tels que la recherche-développement, les technologies de l’information et de la communication, ainsi que trois secteurs déterminés par les collectivités territoriales en Guadeloupe, en Martinique et à la Réunion.

Par ailleurs, le projet de loi modifie plusieurs dispositifs pour tenir compte des différentes évaluations réalisées, notamment par la commission d’évaluation instaurée par la loi Girardin. Ainsi est revu le régime de la défiscalisation des investissements productifs qui existe outre-mer.

La principale modification porte sur le régime de défiscalisation existant en matière de logement. En effet, la défiscalisation a eu des effets pervers, avec des conséquences néfastes sur le prix du foncier ou sur l’évolution prolifique du logement libre au détriment du logement social.

En réponse, le présent projet de loi supprime progressivement la défiscalisation en matière de logement libre et intermédiaire locatif pour la réorienter vers le logement social.

Outre ces deux grands axes, notre commission s’est également saisie des dispositions du texte relatives à la zone des cinquante pas géométriques, à la rénovation hôtelière ou encore au fonds de continuité territoriale.

Avant d’évoquer plus précisément les axes autour desquels s’est orientée ma réflexion, je dois rappeler que l’examen du projet de loi s’effectue selon la nouvelle procédure d’examen issue de la réforme constitutionnelle de juillet 2008. Ainsi, la commission des affaires économiques a présenté des amendements sur le texte modifié par la commission des finances saisie au fond, qui a procédé à une quarantaine de rectifications, dont trois apparaissent comme principales.

Elle a tout d’abord modifié substantiellement le niveau de l’aide à la rénovation hôtelière créée par le texte.

Elle a ensuite repoussé d’un an la date de la disparition de la défiscalisation en matière de logement intermédiaire.

Enfin, et surtout, en réponse aux préoccupations exprimées par les Antillais en matière de pouvoir d’achat et de transparence dans la formation des prix, elle a introduit, sur l’initiative de son président, M. Jean Arthuis, un nouvel article en vertu duquel les prix de cent produits de première nécessité sont fixés par décret en Conseil d’État dans les départements d’outre-mer. Si la commission des affaires économiques salue cette initiative, elle considère que le dispositif prévu peut être amélioré et assoupli, et elle vous proposera un amendement en ce sens.

Quatre idées ont guidé la réflexion de la commission des affaires économiques.

Premièrement, rendre le dispositif des zones franches d’activités aussi opérationnel et efficace que possible.

Deuxièmement, prendre en considération la situation de grande difficulté de certains territoires, particulièrement les îles du sud de la Guadeloupe.

Troisièmement, faire en sorte que la réforme de la défiscalisation en matière de logement ne porte pas atteinte au dynamisme du secteur du BTP et à la satisfaction des besoins des populations ultramarines.

Enfin, quatrièmement, assurer une réelle continuité territoriale entre les départements d’outre-mer et la métropole.

Pour ce qui est du premier axe, le dispositif des zones franches d’activités devrait soutenir le développement endogène des départements d’outre-mer.

Cependant, ce dispositif reste complexe du fait des différences existant en matière de secteurs prioritaires entre la Guadeloupe, la Réunion et la Martinique. C’est pourquoi la commission des affaires économiques propose de le simplifier en harmonisant les secteurs prioritaires entre ces trois départements.

Par ailleurs, ce dispositif ne comprend aucune mesure spécifique à l’agriculture outre-mer, secteur pourtant important, quoique fragile. C’est pourquoi nous proposerons d’inclure dans le dispositif un abattement de 100 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en faveur des agriculteurs.

Pour ce qui est du deuxième axe, le projet de loi reconnaît pour la première fois – et je m’en réjouis – la situation particulièrement difficile des îles du sud de la Guadeloupe, à savoir les îles des Saintes, de Marie-Galante et de la Désirade, qui ont perdu près de la moitié de leur population en vingt ans. Le texte octroie ainsi à ces îles le régime bonifié d’exonération, comme pour la Guyane.

Cependant, afin que la reconnaissance de leur situation particulière soit complète, il paraît indispensable d’élargir le champ de l’éligibilité au dispositif de la zone franche d’activités dans ces îles à la quasi-totalité des secteurs économiques, alors que, pour les autres territoires des départements d’outre-mer, ne sont éligibles que les entreprises pouvant bénéficier de la défiscalisation.

S’agissant du troisième axe, la réforme de la défiscalisation en matière de logement est une nécessité, comme l’ont souligné les différents rapports de notre ancien collègue Henri Torre. Cependant, la transition du régime actuel vers le dispositif en faveur du logement social ne doit pas se faire au détriment du secteur du BTP, qui a un rôle moteur dans l’économie des départements d’outre-mer, ni au détriment de la satisfaction des besoins des populations ultramarines, qui sont considérables en la matière.

Si la suppression de la défiscalisation dans le logement libre locatif ne pose pas, à nos yeux, de problème majeur, il n’en va pas de même pour le logement locatif intermédiaire. En effet, il ne paraît pas judicieux de supprimer la défiscalisation dans ce secteur, qui remplit un rôle social essentiel.

La commission des affaires économiques souhaite qu’un vrai débat ait lieu sur cette question et c’est pourquoi je vous proposerai, en son nom, de maintenir le dispositif de défiscalisation en matière de logement intermédiaire.

Enfin, la continuité territoriale est un attribut de la citoyenneté ; elle est essentielle pour le développement des départements d’outre-mer. Le projet de loi prévoit la mise en place d’un fonds de continuité territoriale, dispositif très intéressant, mais à caractère essentiellement social. Cependant, le texte n’évoque pas la question du prix des billets en général, qui pèse sur le coût de la vie et limite la mobilité des résidents ultramarins entre leur territoire et l’Hexagone.

C’est pourquoi il nous paraît utile que soit étudiée par le Gouvernement la mise en place d’un tarif résident dans les départements d’outre-mer, à l’instar de ce qui existe en Corse.

Mes chers collègues, voilà donc, brièvement résumées, les principales orientations que la commission des affaires économiques a approuvées le 4 mars dernier. Sous réserve des onze amendements qu’elle a adoptés, celle-ci a donné un avis favorable aux articles du projet de loi qu’elle a examinés.

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