Intervention de Jacques Gillot

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Jacques GillotJacques Gillot :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’examen du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer intervient dans un contexte où nos territoires se trouvent, aujourd’hui plus encore qu’hier, à la croisée des chemins.

Le raz de marée social qui a submergé la Guadeloupe, puis l’ensemble des DOM, marque incontestablement les limites d’un système caractérisé par les inégalités sociales et par les pesanteurs d’une économie engluée dans le consumérisme et l’assistanat, un système où excès et injustices se combinent à la violence multiforme : violence des prix et des rapports sociaux, violence du colonialisme économique, comme dirait notre collègue Jean-Paul Virapoullé, violence faite aux jeunes, trop souvent exclus de tout avenir viable et contraints de dériver vers l’oisiveté, les addictions et les conduites déviantes, et, pour finir, violence contre l’identité et la culture, en dépit de quelques concessions faites par la République comme l’enseignement de la langue et de la culture créoles.

À la violence initiale de l’histoire s’est ajoutée la violence imposée par l’éloignement géographique, sous la forme d’une économie marquée par la logique quasi exclusive de l’import-substitution.

Nous le savons tous, lorsque l’Histoire engendre des dénis de dignité, on assiste toujours au retour du refoulé sous forme d’explosions, d’exigences et de révolutions.

Ce n’est donc qu’en faisant preuve d’imagination et d’audace que nous sortirons l’outre-mer, et singulièrement la Guadeloupe, de l’impasse actuelle.

Tout cela, mes chers collègues, pour vous dire que ce mouvement social n’est ni une saute d’humeur, ni un coup de colère passager, ni la traduction d’un racisme inversé.

C’est, au contraire, le symptôme d’un mal-être profond, d’un malaise réel, d’un dysfonctionnement structurel, auxquels nous nous devons de répondre en respectant la devise républicaine : liberté, égalité, fraternité.

Le peuple guadeloupéen aspire à exister, à être reconnu, à habiter son destin au sein de la République ; c’est un peuple en demande d’avenir, tout simplement !

Pourtant, chaque fois que cette aspiration a été exprimée, elle s’est heurtée, soit à la surdité jacobine, soit à l’incompréhension de la République. Et il est dommage que, sur ces dossiers comme sur bien d’autres, la rue doive se faire entendre quand la République ne tient pas suffisamment compte des signaux d’appel répétés des parlementaires ultramarins.

Aujourd’hui, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une refondation s’impose. Cette refondation est en marche, dans les consciences, et elle demande à être prise en compte par les pouvoirs publics.

La réponse doit se mesurer à l’aune de la justice, de l’équité et de l’audace. Elle doit bousculer les idées reçues, les archaïsmes, les blocages et les inerties pour faire émerger une Guadeloupe plus caribéenne et plus guadeloupéenne.

Contrairement à la vision étroite qui nous assigne à résidence dans l’assistanat ou qui brandit le spectre de l’indépendance, il est nécessaire de repenser les rapports entre l’État et l’outre-mer.

Le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer devrait constituer un premier jalon de cette démarche.

Vous le savez, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’étais de ceux qui avaient initialement sollicité le report de l’examen de ce texte pour rendre le projet de loi plus conforme aux enjeux de l’outre-mer.

C’est précisément l’ambition et l’audace que vous avez affichées, monsieur le secrétaire d’État, dans vos engagements au cœur de la crise en Guadeloupe, qui m’ont conduit, avec d’autres, à demander finalement l’examen de ce projet de loi en procédure d’urgence.

Soyons audacieux et faisons preuve d’ambition pour l’outre-mer !

Soyons audacieux en garantissant l’attractivité et l’efficacité des dispositifs d’exonération de charges sociales, notamment en supprimant le mécanisme de dégressivité !

Soyons audacieux et étendons les zones franches globales aux petits commerces et aux entreprises de restauration de moins de onze salariés !

Soyons audacieux et renforçons la stabilité des économies ultramarines en supprimant le caractère temporaire et dégressif, après cinq ans, des exonérations prévues dans les zones franches globales !

Soyons audacieux et favorisons la mise en place de mesures exceptionnelles d’accompagnement de nos entreprises pour relancer notre économie après la crise, particulièrement dans les îles du Sud : Marie-Galante, la Désirade et les Saintes !

Soyons audacieux et conditionnons la réduction des cotisations de sécurité sociale des entreprises de plus de vingt salariés à la mise en œuvre préalable d’un accord salarial d’entreprise !

Soyons audacieux en développant fortement des secteurs porteurs comme l’agro-nutrition, les énergies renouvelables et la biodiversité !

L’ambition, mes chers collègues, c’est proposer qu’une taxe sur le produit des jeux de hasard contribue à améliorer les finances des collectivités locales.

C’est faire en sorte que cette taxe leur permette notamment d’abonder, aux côtés de l’État, un plan d’urgence pour l’emploi et la formation de ces 56 % de jeunes de quinze à vingt-quatre ans frappés par l’échec scolaire, la désocialisation et le chômage. Monsieur le secrétaire d’État, ce sont eux qui ont érigé des barrages !

C’est aussi étendre aux DOM le contrat d’autonomie mis en place ici en faveur des jeunes défavorisés des banlieues !

C’est tenter d’améliorer et de rendre beaucoup plus attractif le dispositif de soutien à l’emploi des jeunes diplômés plutôt que de le supprimer !

L’ambition, mes chers collègues, c’est garantir la pérennisation du financement du logement social par la ligne budgétaire unique, ou LBU, sur la base de paramètres équilibrés et orienter la défiscalisation en priorité vers le logement intermédiaire, sans pour autant pénaliser le logement libre.

C’est permettre l’alignement du « forfait charges outre-mer » sur celui de la France hexagonale. Monsieur le président de la commission des finances, ce forfait fait partie de l’accord signé par le préfet de la Guadeloupe. Il serait dommage que nous apprenions que l’État n’a pas tenu parole en Guadeloupe.

L’ambition et l’audace, c’est casser les monopoles et taxer les superprofits des compagnies pétrolières !

L’ambition et l’audace, monsieur le secrétaire d’État, c’est garantir la compensation des finances des collectivités locales et nous indiquer le calendrier du projet de loi de finances rectificative, qui permettra, en Guadeloupe, la mise en œuvre dès le mois d’avril du revenu supplémentaire temporaire d’activité, le RSTA.

C’est surtout permettre demain aux Guadeloupéens de jeter collectivement, sans carcan ni limite, les bases d’un nouveau contrat social.

L’ambition et l’audace au service de l’outre-mer, c’est bien l’objet des amendements que je défendrai devant vous avec le groupe socialiste en espérant votre soutien, mes chers collègues, car il y va de l’avenir de nos territoires.

Mes chers collègues, la Guadeloupe aspire tout simplement à maîtriser son avenir dans le monde.

Le chemin que nous voulons prendre, c’est celui de la responsabilité, pour que l’espérance triomphe des pulsions de la peur et de l’affrontement. Ce chemin doit être non pas solitaire, mais solidaire, car c’est ensemble que nous serons capables de démarrer l’histoire de l’outre-mer.

Vous le voyez mes chers collègues, ce qui nous rassemble au-delà de nos différences, c’est bien notre foi dans une France davantage ouverte à la diversité de ses composantes.

Nous avons commencé en Guadeloupe, à vous de continuer avec nous pour que la République soit à la hauteur de nos espérances.

Contrairement aux apparences, ces espérances ne sont pas l’affaire exclusive de l’outre-mer. Elles s’élargissent à la nation entière, car la question posée est bien celle de la condition humaine ou, si vous préférez, de l’humaine condition de l’ensemble du peuple français.

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