Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me suis exprimé tout à l’heure au nom de la commission des affaires économiques, mais je tenais également à vous faire part de quelques réflexions personnelles.

Le texte qui nous est soumis arrive à un moment crucial pour l’outre-mer, frappé par une profonde crise, ces dernières semaines, notamment en Martinique et en Guadeloupe, paralysées respectivement pendant trente jours et quarante-cinq jours.

Fort heureusement, le mouvement a été suspendu la semaine dernière en Guadeloupe avec la signature d’un accord, certes imparfait et encore très fragile, mais qui a tout de même permis à la vie de reprendre son cours, comme l’espérait d’ailleurs la population.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je tiens sincèrement à saluer l’action de l’État dans la résolution de la crise outre-mer – il a tenté de répondre aux attentes de nos compatriotes avec les moyens qui étaient à sa disposition -, ainsi que l’effort supplémentaire qui a été consenti au regard des dispositifs précédents, notamment par rapport à la première mouture du texte déposé au Sénat en juillet dernier.

La crise outre-mer n’est pas seulement économique, politique, sociale, ou liée à des revendications salariales, comme on a voulu le faire croire, elle traduit un malaise identitaire plus profond dans les sociétés ultramarines, singulièrement aux Antilles. Nos concitoyens ont, au fond, le sentiment d’être dans une sorte de France à deux vitesses.

Plusieurs raisons expliquent ce mal-être.

Je voudrais tout d’abord parler du sort réservé aux jeunes. En Guadeloupe, près de 55 % des jeunes de moins de vingt-six ans – ils n’ont donc pas accès au RMI – sont touchés par le chômage ; la situation est à peu près similaire dans les autres départements d’outre-mer. Voilà qui explique leur forte implication – c’est un phénomène nouveau – dans le récent mouvement.

Le décalage entre la métropole et les Antilles est saisissant ; la pauvreté s’accentue et nous devons en tenir compte. Bien sûr, l’application prochaine du revenu de solidarité active devrait apporter une légère amélioration, mais le RSA reste un revenu d’assistance.

C’est la raison pour laquelle je suis profondément convaincu que stimuler le développement économique et la croissance porteuse d’emplois est un impératif pour les politiques publiques en outre-mer, afin que les populations de nos régions puissent avoir accès à la dignité par le travail.

Il faut aussi encourager le dialogue social en outre-mer, qui est hélas ! très insuffisant encore aujourd'hui, comme nous nous en sommes malheureusement tous rendu compte.

Ce projet de loi devrait y contribuer, par des incitations à l’investissement, au logement et à l’emploi, en attendant que des axes stratégiques soient définis dans le cadre des États généraux, qui déboucheront, je l’espère, sur une grande loi pour l’outre-mer, mettant cette fois en place une véritable politique de développement économique durable.

À ce stade, je voudrais attirer plus particulièrement votre attention sur Marie-Galante, la Désirade, les Saintes, improprement appelées les îles du Sud.

Elles connaissent les handicaps des DOM, cependant accentués en quelque sorte par leur double, voire leur triple insularité. Leurs problèmes de développement économique, de prix et de pouvoir d’achat sont en effet décuplés, provoquant un important dépeuplement. Il faut savoir que ces îles ont perdu la moitié de leur population en moins de vingt ans !

C’est pourquoi les politiques publiques doivent se montrer plus volontaristes encore dans ces îles dont l’attractivité doit être renforcée. J’aurais souhaité un geste supplémentaire de votre part, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, et je l’espère encore.

J’avais pensé à l’impôt sur le revenu ou à la TVA, comme en Guyane. J’ai également proposé que toutes les activités économiques, à l’exception de celles des banques, des assurances et consorts, soient concernées par le bonus que constituent les exonérations de charges sociales et les abattements d’impôt. C’est dans cet esprit que j’ai déposé mes amendements. Nous en discuterons tout à l’heure, mais je compte vraiment sur vous.

Ensuite, je me réjouis de l’effort financier consenti pour le logement social. Cependant, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, contrairement à la suppression de la défiscalisation du logement libre, qui ne semble pas poser de problème majeur, nous en convenons tous, la suppression de la défiscalisation du logement intermédiaire me semble constituer un recul, je vous le dis tout net.

Cette mesure risque d’entraîner une rupture dans le parcours résidentiel de ceux qui ne peuvent accéder à la propriété et dont le revenu excède tout juste les plafonds fixés pour bénéficier du logement social. Où vont-ils se loger ? Cela pourrait produire un blocage du parc de logements sociaux. C’est pourquoi j’insiste pour qu’un geste soit fait en faveur du logement intermédiaire.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, le malaise actuel révèle également un réel problème de pouvoir d’achat amoindri pour nos compatriotes, avec des prix doublés ou triplés en outre-mer.

Il est regrettable que les organismes publics chargés d’effectuer des contrôles dans ce domaine ne se soient pas intéressés aux prix pratiqués en outre-mer. J’espère que les premières décisions du Gouvernement, qui a notamment saisi l’Autorité de la concurrence, permettront de faire toute la transparence sur la formation des prix de l’ensemble de la chaîne, du producteur au distributeur en passant par les transporteurs. Il est en effet anormal et injuste que nos compatriotes doivent payer le prix fort !

Je salue bien entendu l’initiative de la commission des finances visant à donner au Gouvernement la possibilité de réglementer les prix là où la raison économique ne l’a pas emporté. Cette proposition rassure la population, qui espère améliorer son pouvoir d’achat et qui attend des résultats !

Je me pose cependant une question : pourquoi la commission n’a-t-elle retenu que cent produits de première nécessité ? En Martinique, on en est à quatre cents ! Je souhaite que le champ reste ouvert, afin que le Gouvernement ait la possibilité d’agir en fonction des nécessités. Ou alors que l’on parle de « familles de produits ». En tous les cas, on ne saurait se cantonner à cent produits.

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