Intervention de Adrien Giraud

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Adrien GiraudAdrien Giraud :

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le texte soumis aujourd’hui à l’examen et au vote de notre Haute Assemblée présente à mes yeux un mérite évident : il approfondit, en effet, plusieurs dispositions importantes de la loi du 21 juillet 2003 qui visait au développement d’une économie productive en outre-mer, tout en insistant sur les objectifs et les moyens d’une véritable politique du logement.

Je n’ai cependant aucun motif de vous cacher ma déception devant une lacune de ce texte qui, en l’état actuel de sa rédaction, écarte Mayotte de l’application de plusieurs mesures pourtant essentielles aux progrès de notre collectivité.

Ces deux observations me fourniront la trame de mon intervention.

Tout d’abord, il est bien vrai que votre projet de loi, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, répond à plusieurs attentes fortes des Mahorais. Parmi celles-ci, il en est une sur laquelle je souhaite appeler votre attention, je veux parler de la réduction de la fracture numérique.

L’article 5 du projet de loi prévoit, en effet, une aide au financement des projets de pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois les collectivités d’outre-mer, sous la forme d’une réduction d’impôts de 50 % portant sur la moitié du coût de revient hors taxes de l’investissement.

Cette mesure revêt pour nous une importance capitale. On n’insistera jamais assez, en effet, sur l’enjeu que représente, dans nos territoires éloignés et insulaires, un accès rapide et sécurisé au numérique. Pour nos entreprises, il s’agit bien entendu de pouvoir travailler plus efficacement grâce à tous les outils de la modernité. En cela, ce projet de loi répond parfaitement à nos attentes.

Mais, au-delà, internet est aussi un formidable portail ouvert sur l’extérieur, abolissant distances et frontières. Cet outil offre, aux citoyens ultramarins, la possibilité de suivre pleinement, et en temps réel, les activités de la métropole, mais aussi l’occasion de promouvoir leurs projets et de diffuser leur culture à destination de l’ensemble des Français.

C’est dire combien la réduction de la fracture numérique m’apparaît comme une priorité pour la connaissance, encore souvent insuffisante, de l’outre-mer et de ses nombreuses potentialités pour les années à venir.

Il serait néanmoins naïf de penser que nous atteindrons un tel objectif par une simple mesure d’aide à l’installation de câbles sous-marins. Certes, les entreprises devraient immédiatement profiter de cette mesure, mais ce ne sera pas le cas de l’immense majorité des citoyens, qui ne possèdent pas d’ordinateur.

Nous espérons ainsi que le Plan France numérique 2012, porté par le secrétaire d’État chargé du développement de l’économie numérique, apportera un soin tout particulier à l’outre-mer, où les besoins sont encore plus grands et plus pressants que dans le reste de la République.

Il n’est pas douteux que le développement équilibré de l’outre-mer ne peut trouver que des avantages à la mise en œuvre, à bon escient, de ces technologies modernes.

Un autre motif de satisfaction réside, pour moi, dans l’effort budgétaire en faveur du logement social, ainsi que de l’extension, à Mayotte, des compétences de l’Agence nationale de l’habitat.

Il faut effectivement rappeler le travail considérable qui a été réalisé, depuis longtemps, par la Société immobilière de Mayotte, la SIM, dans les domaines de la construction de logements et de l’aménagement modernisé de nos villages. Ce travail a obtenu d’éclatantes distinctions nationales et européennes au titre des progrès accomplis et des résultats obtenus pour le nombre et la qualité des logements sociaux à Mayotte.

Malheureusement, notre territoire ne semble pas bénéficier, sur les autres aspects du projet de loi, de la même attention. Je veux parler des dispositions, pourtant centrales dans ce projet, qui concernent les zones franches globales d’activités.

J’ai eu l’occasion, lors de la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » pour 2009, de souligner l’importance fondamentale qu’avait à mes yeux le développement d’une véritable économie productive à Mayotte. Le dispositif des zones franches globales d’activités répond exactement à cet objectif, puisqu’il vise à « favoriser le développement endogène des secteurs clés de l’économie pour créer des emplois nouveaux ».

Certes, j’ai bien conscience que la fiscalité relève des compétences de la collectivité départementale de Mayotte et qu’il était donc impossible d’étendre ce dispositif, sans adaptation, à notre territoire. Toutefois, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas oublié votre promesse de l’intégrer à une loi relative à Mayotte qui ferait suite à la départementalisation.

Il n’empêche que ce projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer me laisse un sentiment un peu amer, car il a été rédigé avant tout pour les actuels départements d’outre-mer, laissant les autres collectivités sur le bord du chemin.

Cette impression est confirmée par le fait que certaines dispositions de ce projet de loi excluent Mayotte de leur application. Je pense, en premier lieu, au dispositif d’aide à la rénovation hôtelière institué, à l’article 13, pour les petits hôtels de moins de cent chambres situés dans les départements d’outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le tourisme est un secteur d’activité essentiel à Mayotte, dont le lagon est réputé être l’un des plus grands du monde. Dès lors, pourquoi priver notre collectivité de cette aide à la rénovation hôtelière, qui lui serait, à tous égards, profitable ?

La restriction du champ d’application géographique serait, nous dit-on, justifiée par le fait que les autres collectivités ultramarines sont compétentes en matière de tourisme... Mayotte ne répondrait pas à ce critère, alors que l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon a été inclus dans l’application du même article pour la faiblesse et l’ancienneté de son parc hôtelier. De surcroît, dans son rapport, la commission des finances souligne, à juste titre, que « ces arguments pourraient être mobilisés pour d’autres collectivités, comme Mayotte ou Saint Martin ».

Tout cela est d’autant plus dommageable que le développement du tourisme devrait stimuler l’ensemble de l’économie mahoraise.

Il est donc urgent de mettre en chantier la construction d’une piste longue sur l’aéroport de Dzaoudzi Pamandzi, permettant la liaison directe entre Mayotte et la métropole. La signature de la convention aéroportuaire annexée au contrat de projets 2008-2014 pour Mayotte nous laisse espérer le démarrage prochain des travaux. Il sera indispensable d’élargir les conditions et les moyens de la desserte aérienne de Mayotte, afin de rendre attractifs les tarifs proposés aux Mahorais comme aux touristes.

Dans le même sens, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un parc naturel marin sur l’ensemble de notre lagon nous permettrait à la fois de protéger ce patrimoine naturel exceptionnel et de mieux le faire connaître et apprécier par les grands circuits touristiques. Où en est la réflexion sur ce dossier ?

Enfin et surtout, il est clair aujourd’hui que le développement économique et social d’une collectivité est largement tributaire du niveau de formation de sa population. Or la population mahoraise, qui est jeune, connaît de graves lacunes en matière d’éducation. L’INSEE, suite au recensement de la population du mois de juillet 2007, a souligné que « le retard scolaire est une caractéristique marquante de la population mahoraise ».

Dans un tel contexte, le dispositif du service militaire adapté, le SMA, qui offre à des jeunes déscolarisés la possibilité de suivre une formation professionnelle et d’obtenir, au terme de leur volontariat, un diplôme, est tout à fait essentiel.

Je souhaiterais, en conséquence, que ce dispositif soit encore développé et que l’on parvienne à un doublement des effectifs dans les trois années à venir. Nous aurons le temps, d’ici à la prochaine discussion budgétaire, de mieux définir les modalités d’une telle évolution, si hautement souhaitable.

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’une trop longue attente, les Mahorais seront consultés, le 29 mars prochain, sur l’évolution de leur statut vers celui de département français d’outre-mer. Je tiens à redire toute ma gratitude à M. le Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a tenu à respecter ses engagements vis-à-vis de Mayotte.

J’espère qu’après notre réponse « franche et massive », un projet de loi spécifique pour Mayotte nous sera soumis très rapidement, afin d’accompagner notre collectivité sur la voie de la départementalisation.

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