Intervention de Michel Magras

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Michel MagrasMichel Magras :

Après un peu plus d’un an, le cadre de l’article 74 a permis l’épanouissement de Saint-Barthélemy, qui a lié un choix de statut à un modèle de développement économique.

N’ignorant pas le débat institutionnel qui ne manquera pas de s’ouvrir dans les DOM avec les États généraux, et sans faire de prosélytisme, sachez, mes chers collègues, que la collectivité de Saint-Barthélemy est disposée à vous ouvrir ses portes et à vous faire part de son expérience.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, les choix de Saint-Barthélemy expliquent qu’elle soit relativement peu concernée par les mesures inscrites dans le texte que vous nous soumettez.

Je ne reviendrai pas sur les raisons pour lesquelles le maintien du dispositif d’exonération de cotisations patronales était vital pour les entreprises. Mais, dès lors qu’il s’agit de tenir compte du tissu économique et d’alléger les coûts d’exploitation des entreprises, je veux attirer votre attention sur les caractéristiques de l’économie de Saint-Barthélemy.

Tout d’abord, chacun doit garder à l’esprit qu’il convient de distinguer le niveau de vie de la clientèle touristique de celui des résidents de l’île, faute de quoi on ne peut que céder aux clichés qui donnent malheureusement une image déformée de Saint-Barthélemy.

Structurellement, l’économie de l’île est dominée par trois secteurs : le tourisme, le commerce et le BTP. En dehors d’une petite industrie artisanale de produits cosmétiques, elle ne dispose d’aucune activité productive, alors que le coût de la vie est plus élevé qu’ailleurs outre-mer en raison de la double insularité de Saint-Barthélemy.

Une large part des entreprises se trouvent donc exclues du dispositif d’exonération de cotisations patronales, entraînant une forme de distorsion de concurrence locale.

Je souhaite donc que le Gouvernement tienne compte de cette structure particulière en étendant à Saint-Barthélemy le bénéfice de l’exonération des cotisations patronales au secteur du petit commerce, acteur majeur, avec le tourisme, de l’équilibre économique local, et secteur tout aussi exposé que ce dernier.

En effet, en ces temps de crise économique, le commerce pâtit, comme le secteur touristique, de la diminution de la fréquentation dont il dépend au même titre que les hôteliers, qui, eux, contrairement aux commerçants, bénéficient des mesures d’exonération plus avantageuses que celles de la loi Fillon sur les salaires.

En ce qui concerne la défiscalisation des investissements, la collectivité de Saint-Barthélemy s’est déterminée au regard de plusieurs aspects. Idéalement, elle aurait préféré que le territoire ne soit pas éligible. En effet, du fait du statut fiscal, ce ne sont pas les investissements des entreprises implantées localement qui bénéficieront désormais de ce dispositif. La défiscalisation en tant qu’outil destiné à attirer les investisseurs extérieurs à l’île par le jeu d’une fiscalité avantageuse n’est pas adaptée au projet économique de Saint-Barthélemy. Ce projet vise, au contraire, à ne pas rompre l’équilibre économique en suscitant des investissements d’opportunité attirés par la perspective de l’effet d’aubaine, car toute la stratégie de Saint-Barthélemy repose sur la cohérence et la maîtrise de son développement économique.

Je dois toutefois préciser qu’il serait erroné, et hypocrite, d’ailleurs, de penser que Saint-Barthélemy souhaite développer une économie autarcique refusant tout apport de l’extérieur. Nous sommes seulement persuadés que le fait d’attirer des investissements par le biais de la fiscalité comporterait un risque de déstabilisation économique trop important, d’autant plus que l’île est devenue fiscalement attractive, depuis qu’elle jouit de son nouveau statut. La collectivité entend plutôt privilégier les investissements qui sont décidés d’abord pour la rentabilité intrinsèque de l’opération – je pense en particulier au secteur hôtelier ou à la navigation de plaisance –, à la condition qu’ils s’inscrivent en cohérence avec la politique définie globalement, comme la préservation de certaines zones. C’est un choix avec lequel on peut être ou pas d’accord, mais nous l’assumons.

La collectivité a aussi considéré que le fait d’attirer des investissements dans des secteurs d’intérêt général, tels que les énergies renouvelables, la production d’eau ou le traitement des eaux usées, l’élimination des déchets ou les nouvelles technologies, pouvait revêtir un intérêt non négligeable.

Elle s’est ensuite positionnée en tenant compte de son environnement régional immédiat, principalement la collectivité voisine de Saint-Martin, et de la fiscalité applicable aux investissements.

Ainsi, il est apparu qu’en souhaitant l’exclusion de Saint-Barthélemy du champ de la défiscalisation dans certains secteurs les entreprises se trouveraient exposées à la concurrence de celles qui auraient bénéficié de la défiscalisation de leurs investissements dans l’île voisine, tout en pouvant exercer leurs activités à Saint-Barthélemy.

Je remercie la commission des finances d’avoir introduit dans le texte qu’elle nous présente la possibilité pour les collectivités d’outre-mer d’être informées des projets de réalisation d’investissements sur leur territoire, avec la possibilité d’émettre un avis.

Je proposerai néanmoins que cette faculté soit renforcée et que l’avis rendu par la collectivité de Saint-Barthélemy soit plus qu’un avis simple. N’y voyez pas, mes chers collègues, l’expression d’un manque de confiance à l’égard des services chargés d’examiner les demandes d’agrément, mais plutôt un signe adressé aux investisseurs potentiels, pour leur indiquer que leurs investissements doivent être réalisés en concertation avec la collectivité et en cohérence avec la stratégie économique locale.

J’ai également noté avec satisfaction la généralisation de la procédure d’agrément, qui, comme le soulignait M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, devrait contribuer à favoriser un « bon usage de la défiscalisation ». Je partage en tout point cette position.

La défiscalisation du logement social est un autre aspect de ce texte par lequel Saint-Barthélemy se singularise. C’est encore une position que je dois assumer. Je vous proposerai donc, mes chers collègues, un amendement visant à exclure Saint-Barthélemy de ce dispositif.

Pourquoi ? Il faut savoir que, à Saint-Barthélemy, le logement locatif libre peut être considéré comme un secteur économique à part entière. De plus, il joue un rôle de régulateur en constituant une source de revenus complémentaires pour de nombreux résidents. En outre, son existence explique en partie un taux de chômage très bas, en dépit de l’étroitesse du marché du travail, ainsi qu’un très faible nombre de bénéficiaires de minimas sociaux.

L’autre aspect de cette réalité est le niveau très élevé des loyers, qui sont en moyenne de 10 % à 20 % plus chers que ceux de l’Île-de-France.

Ensuite, au regard du niveau des prix du foncier, la construction de logements sociaux à Saint-Barthélemy au prix du mètre carré plafonné pour la défiscalisation est irréalisable. C’est une première raison pour laquelle il n’y a pas lieu de maintenir Saint-Barthélemy dans le champ d’application de ce dispositif.

La deuxième raison est que, dans le contexte actuel, un tel dispositif comporte un risque, même très faible, de susciter de la spéculation foncière.

La troisième raison est que nous ne souhaitons pas susciter une demande qui ne s’est jamais exprimée jusqu’ici.

La collectivité, consciente de la nécessité d’une régulation du marché du logement, notamment au bénéfice des jeunes, étudie la mise en place d’un dispositif qui permettrait de faciliter l’accès au foncier et, parallèlement, un moyen de faire diminuer, voire de plafonner les loyers.

À cet égard, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’attire votre attention sur l’adaptation des critères d’attribution de l’allocation logement à la réalité de Saint-Barthélemy. Comme je viens de l’indiquer, les loyers sont très élevés, et certaines personnes, en raison de leur revenu, se trouvent exclues du bénéfice de cette allocation alors que leur revenu disponible, compte tenu de la charge que représente le loyer, devrait leur permettre d’en bénéficier. C’est un point que je vous serais reconnaissant de bien vouloir examiner.

Enfin, pour toutes les collectivités d’outre-mer, la mise en place d’un dispositif de continuité territoriale se justifie.

Je comprends et partage l’intention du Gouvernement de fixer des critères d’attribution fondés essentiellement sur la condition de ressources et la formation. Toutefois, si ces deux critères permettront de répondre aux besoins des habitants de Saint-Barthélemy, ils mériteraient, et la collectivité le souhaite, d’être adaptés afin de correspondre au public le plus large possible.

Le projet de loi ne vise que les étudiants de l’enseignement supérieur, alors qu’à Saint-Barthélemy, où il n’existe pas de lycée, les élèves quittent l’île dès le début du cycle secondaire. De même, la prise en charge de certaines pathologies ne peut se faire sur place et passe par des déplacements. En outre, les compétitions sportives, pour des besoins que tout le monde peut comprendre, supposent de se déplacer. Cette aide serait donc utile pour faciliter les déplacements destinés à satisfaire des besoins qui ne peuvent pas l’être sur l’île.

Aussi, je souhaite que l’extension du bénéfice de l’aide à la continuité territoriale aux élèves du secondaire de Wallis-et-Futuna et de Saint-Pierre-et-Miquelon s’applique aussi à ceux de Saint-Barthélemy.

Voilà les quelques aspects de la LODEOM qui concernent plus particulièrement Saint-Barthélemy. Naturellement, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez compter sur mon soutien, et j’espère que les demandes d’adaptation de la future LODEOM à Saint-Barthélemy recevront le vôtre.

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