Intervention de Georges Patient

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi est loin de satisfaire le représentant de la Guyane que je suis. Il ne prend en effet pas en compte les caractéristiques propres de la Guyane et ne répond donc pas aux aspirations des Guyanais, qui, eux, sont prêts à jouer le jeu de ce développement endogène, objectif retenu par le texte, semble-t-il.

Depuis longtemps déjà, les Guyanais aspirent à l’autonomie économique – ils savent qu’ils ont les moyens d’y parvenir –, à laquelle le chef de l’État a fait référence à maintes reprises lors de la réunion qu’il a tenue le 19 février 2009 à l’Élysée avec les élus ultramarins, sans que je retrouve d’ailleurs dans le texte ces bonnes intentions.

En dehors de deux mesures spécifiques, l’une portant sur des taux d’exonération fiscale et l’autre sur la répression de l’orpaillage clandestin, la Guyane est purement et simplement assimilée aux petites économies insulaires des autres départements d’outre-mer que sont la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion. La conséquence en est que les dispositions prises en leur faveur lui sont calquées, alors que le contexte global de la Guyane ne présente que peu de similitudes avec celui des îles.

Je ne cesserai de le répéter, le territoire de la Guyane est continental et non insulaire. D’une superficie terrestre de près de 90 000 kilomètres carrés, ce qui en fait de loin le plus grand département de France, la Guyane est implantée dans le continent sud-américain avec des voisins tels que le Brésil et le Surinam. Elle dispose en outre d’une zone économique exclusive de 130 140 kilomètres carrés, qui peut être exploitée à son profit.

L’occupation humaine de son espace territorial, le taux exceptionnel de croissance de sa population et sa diversité en termes historiques, ethniques, culturels et linguistiques sont encore des éléments qui la distinguent radicalement des autres départements et régions d’outre-mer, ou DROM, et dont il faut absolument tenir compte dans toute réflexion.

Alors, arrêtez de coller à la Guyane des étiquettes qui ne sont pas les siennes ! Ne la mettez plus dans le même panier que les autres DROM, comme si cette dénomination politico-administrative résumait à elle seule les problématiques de son territoire ! Arrêtez de proposer pour elle les mêmes solutions qu’ailleurs, solutions qui se sont révélées jusqu’à maintenant négatives, car inadaptées, comme le montrent les différents indicateurs économiques qui sont tous au rouge !

La Guyane est en effet à la traîne des trois autres départements d’outre-mer. D’un côté, son produit intérieur brut par habitant est de loin le plus faible. Il est même en régression, se situant à 49 % du produit intérieur brut français, alors que celui des autres départements d’outre-mer va de 60 % à 75 %. De l’autre côté, c’est le département où le seuil de pauvreté est le plus élevé : un quart des Guyanais vit sous le seuil de pauvreté relative. Selon l’indice de développement humain, la Guyane se situe à la quarante-troisième place mondiale, loin derrière les trois autres départements d’outre-mer.

Ce sont donc les caractéristiques propres de la Guyane qu’il faut prendre en considération et dont il faut se servir sans tabou pour élaborer une conception spécifique de développement. Je pense en particulier au taux exponentiel de croissance de sa population : de l’ordre de 3, 9 %, ce taux est le plus élevé de France et figure parmi les sept plus élevés du monde. D’ici à 2020, la population va doubler, atteignant quasiment celle de la Martinique, soit plus de 400 000 habitants.

Tel est le sens de la démarche que les élus guyanais ont déjà engagée. Cette dernière repose bien sûr sur les capacités guyanaises en ressources, en hommes, en qualifications ainsi que sur la prise de mesures destinées à assouplir les rigidités gênant ou empêchant la prise en main et l’utilisation des ressources guyanaises par la population locale.

La première de ces mesures consiste à renforcer les pouvoirs locaux de décision économique, et donc à rendre les richesses plus accessibles à la population guyanaise. Il nous faudra aussi équilibrer de façon équitable la répartition des ressources entre les collectivités.

Ce sont ces conditions réunies qui permettront aux pouvoirs locaux d’intervenir, par exemple, sur la gestion des ressources foncières et sur les modes d’exploitation des ressources de la mer et du sous-sol.

Un développement endogène est certes un développement fondé sur des ressources locales, mais c’est aussi et surtout un développement qui trouve dans les synergies locales ses propres dynamiques. Il ne suffit donc pas de se fixer cet objectif si, parallèlement à sa mise en pratique, on n’ajuste pas en conséquence les pouvoirs de décision politique et administrative.

Compte tenu des engagements pris par le chef de l’État, nous espérons que nous serons mieux entendus et pris en considération à l’occasion des États généraux que nous ne le sommes dans ce projet de loi.

Un autre point qui me laisse perplexe tient aux ambiguïtés entourant le financement du projet de développement économique de l’outre-mer.

On nous assomme de chiffres divers : 100 millions d’euros lors du lancement du projet

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