Intervention de Soibahadine Ibrahim Ramadani

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Soibahadine Ibrahim RamadaniSoibahadine Ibrahim Ramadani :

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme cela a déjà été rappelé, le projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer a été déposé sur le bureau de la Haute Assemblée le 28 juillet 2008, voilà donc déjà sept mois. Entre-temps, de nouvelles réalités sont apparues : la crise financière mondiale venue des États-Unis s’est répandue en Europe, plongeant celle-ci dans la récession ; la crise sociale récente aux Antilles s’étend à d’autres collectivités, notamment à la Réunion ; la déclaration du Gouvernement sur la consultation des électeurs de Mayotte sur le changement de statut de cette collectivité retient toute l’attention des Mahorais pour les semaines à venir.

Ce contexte a fort justement conduit le Gouvernement à consentir une rallonge de 580 millions d’euros pour la LODEOM et justifie le dépôt d’un certain nombre d’amendements.

Nous saluons en particulier l’introduction d’un titre Ier A intitulé « Soutien au pouvoir d’achat » et d’un article 1er A relatif à la réglementation du prix de vente de cent produits de première nécessité, prix qui sera déterminé par un décret en Conseil d’État. En effet, les mécanismes de formation des prix en outre-mer sont souvent mal connus, la fixation de ces derniers mal maîtrisée et le contrôle mal assuré.

L’éloignement, la taille limitée de nos marchés et les risques naturels n’expliquent pas à eux seuls le fait que les prix dans nos collectivités soient supérieurs de 5 % à 25 % à ceux de la métropole. Il y a aussi les situations de monopole exercées par les grandes sociétés de distribution et les ententes illicites entre elles pour limiter ou éviter toute concurrence.

En attendant l’examen des amendements, les dispositions de cet article sont d'ores et déjà de nature à orienter les travaux de l’Observatoire des prix et des revenus de Mayotte, et à rendre encore plus pressante la nécessité pour l’État de renforcer les moyens attribués à l’antenne de la Direction générale de la consommation, de la concurrence et de la répression des fraudes dans cette collectivité.

Mes chers collègues, les dispositions proprement économiques de ce projet de loi, ainsi que les mesures de défiscalisation et d’exonération des charges sociales qui les accompagnent, concernent essentiellement les départements d’outre-mer et relativement peu les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution ou les collectivités à statut particulier, hormis peut-être le maintien à titre transitoire jusqu’en 2013 de l’ancien dispositif Girardin pour certains types de logement.

Pour autant, Mayotte n’est pas absente de ce projet de loi, et je souhaite à cet égard formuler deux observations.

La première a trait aux dispositions suivantes.

L’article 5 traite de l’éligibilité des câbles sous-marins au dispositif de défiscalisation des investissements, notamment pour la pose de câbles sous-marins de communication desservant pour la première fois l’une des collectivités d’outre-mer. Tel est le cas, en l’espèce, à Mayotte. Nous avons déposé un amendement visant à garantir l’absence de surcoûts liés à ces investissements et à réduire la fracture numérique dans notre collectivité.

L’article 16, qui crée un fonds exceptionnel d’investissement outre-mer, prévoit pour 2009 une enveloppe globale de 42 millions d’euros pour Mayotte, au titre du contrat de projet 2008-2014.

L’article 21 étend à Mayotte la compétence de l’Agence nationale de l’habitat en vue d’aider à la rénovation du parc privé de logements à compter du 1er janvier 2010.

L’article 26 maintient l’éligibilité de Mayotte au nouveau Fonds de continuité territoriale, globalisant les deux dispositifs existants actuellement, à savoir la dotation de continuité territoriale et le passeport-mobilité, pour le volet étudiant. Il est d’ailleurs urgent de créer à Mayotte une université mieux à même de garantir la réussite de nos étudiants.

Le 4° de l’article 31 prévoit la ratification de l’ordonnance n° 2007-1801 du 21 décembre 2007 relative à l’adaptation de mesures législatives prise en application de la loi du 21 février 2007, dite DSIOM, qui a étendu le droit commun à Mayotte à compter du 1er janvier 2008, à l’exception de six matières.

Enfin, dans la perspective de la départementalisation de Mayotte, le 4° de l’article 32 vise : premièrement, à actualiser et adapter l’organisation juridictionnelle et le statut civil personnel de droit local ; deuxièmement, à étendre et à adapter les dispositions législatives relatives à l’expropriation pour cause d’utilité publique et à la constitution de droits réels sur le domaine public ; troisièmement, à étendre et à adapter la législation en matière de protection sociale à Mayotte.

Au total, à ces dispositions s’ajoutent les opérations retenues dans le cadre du contrat de projet 2008-2014, doté de 551 millions d’euros, et du plan de relance de l’économie, pour 46, 184 millions d’euros. Cela traduit un effort déjà significatif de l’État en faveur de Mayotte.

Ma seconde observation concerne la question foncière et les prestations sociales visées au 4° de l’article 32 précité.

Mayotte est comprise entre, d’une part, les zones à risques naturels de glissements de terrain et de chutes de blocs, intéressant 60 % du territoire, pour une large part non constructibles en l’état selon l’Atlas du bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, et, d’autre part, la zone dite « des cinquante pas géométriques » appartenant au domaine public maritime de l’État, en partie occupée ou en voie de l’être sans garantie juridique ; entre les deux zones, plusieurs milliers d’hectares de terrain relèvent de l’indivision, incitant aux constructions illégales sous la pression de la pénurie.

Pour ces raisons, il est proposé de prévoir les dispositions suivantes dans les ordonnances relatives à cet article : la mise en place d’un plan de prévention des risques naturels en lieu et place de l’Atlas du BRGM, qui ne constitue qu’un document d’information et qui est, outre ses imprécisions, dépourvu de toute valeur juridique ou réglementaire et, de ce fait, non opposable aux tiers ; l’extension à Mayotte de la compétence du groupement d’intérêt public – je rejoins sur ce point la proposition de notre collègue Jean-Paul Virapoullé – chargé de reconstituer les titres de propriété en situation d’indivision, créé à l’article 19 de ce projet de loi ; enfin, des dispositions incitant à l’installation de notaires à Mayotte.

En outre, afin de faciliter la constitution de droits réels sur le domaine public maritime de l’État dans les espaces urbanisés ou d’urbanisation future, il est demandé d’accélérer la parution du décret permettant le déclassement rapide de ces espaces, en application de l’article L.5331-6-6 du code général de la propriété des personnes publiques.

Enfin, le 4° de l’article 32 prévoit l’extension à Mayotte de la législation en matière de protection sociale, soustrayant ainsi ce domaine de la spécialité législative. Dans l’immédiat, le Gouvernement, dans sa déclaration du 12 février 2009, a indiqué que les prestations sociales existantes seront revalorisées en 2010. Il s’agit notamment de l’allocation de rentrée scolaire, de l’allocation familiale, de l’allocation spéciale pour les personnes âgées et de l’allocation pour adultes handicapés.

Dans ce but, je suggère que cette revalorisation fasse l’objet d’un plan sur trois ans, avec des taux de départ variables selon les prestations mais compatibles avec l’objectif d’un alignement à l’horizon du plan, sachant par ailleurs que les autres prestations, dont le revenu de solidarité active, ou RSA, n’entreront en vigueur qu’en 2012, avec un taux de départ de 25 % du montant national, pour un objectif d’alignement correspondant à une génération.

Pour conclure, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je propose de retenir le principe selon lequel les dispositions de ce projet de loi qui ne s’appliquent pas à Mayotte soient étendues de plein droit dans le cadre de la départementalisation, avec les adaptations nécessaires, et que soit créé en même temps le fonds de développement économique, social et culturel prévu par le Pacte. Pour ma part, je reste confiant pour la consultation du 29 mars prochain : ce sera un succès.

Sous le bénéfice de ces observations, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je soutiendrai avec enthousiasme ce projet de loi.

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