Intervention de Robert Laufoaulu

Réunion du 10 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Discussion générale

Photo de Robert LaufoauluRobert Laufoaulu :

Madame la présidente, madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, voilà un demi-siècle, dans un contexte pourtant général de décolonisation et d’aspiration des peuples à l’indépendance, 97 % des Wallisiens et des Futuniens ont choisi par référendum de manifester leur amour et leur attachement à la France en devenant territoire d’outre-mer et donc pleinement Français.

Depuis lors, ils n’ont cessé de démontrer leur patriotisme, notamment en servant nombreux sous nos drapeaux, et ce sentiment d’appartenance n’a pas faibli, au contraire. Nos compatriotes wallisiens et futuniens sont fiers de la France et fiers d’être citoyens français.

Monsieur le secrétaire d’État, nous avons été sensibles à l’invitation que vous avez lancée à nos rois de venir fêter à Paris, le 27 décembre, le cinquantième anniversaire du référendum de 1959. Le statut du territoire voté en 1961 n’a pas subi beaucoup de changements majeurs, mais l’esprit des États généraux demandés par le Président de la République souffle déjà depuis quelques mois dans nos îles.

Lors de votre visite, monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué la nécessité de moderniser ce statut. En janvier dernier, lors de sa première réunion de l’année, le conseil territorial a abordé avec beaucoup de sérénité cette question, qui a été également évoquée, avant qu’elle ne soit débattue par les élus, par le préfet et le président de l’assemblée territoriale au cours de la session budgétaire 2009.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je pense que nos populations sont maintenant disposées à mener une véritable réflexion sur leur avenir économique, social et institutionnel. À nous, responsables politiques et coutumiers, de trouver la méthode de travail qui favorisera l’expression responsable, sereine et ouverte de tous. Nous comptons sur la mission outre-mer.

Bien que le texte qui nous occupe aujourd’hui concerne malheureusement peu Wallis-et-Futuna dans les faits, j’ai souhaité néanmoins évoquer quelques points qui me semblent importants.

Tout d’abord, dès son intitulé, ce projet de loi met l’accent sur le développement économique. C’est un grand mérite, car le souhait des ultramarins n’est pas d’être assistés ; il est d’être accompagnés dans un développement endogène répondant à un impérieux besoin d’intégration dans nos environnements géographiques régionaux respectifs. En cela, nous répondons à une logique évidente de proximité ainsi qu’à la demande de l’État et de l’Union européenne.

Je profite de l’occasion qui m’est offerte ici pour exprimer, tant à Mme le ministre qu’à M. le secrétaire d’État, ma reconnaissance pour leur implication forte dans la défense des pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, surtout au cours de la présidence française de l’Union européenne. J’espère que, dès 2013, tous ces efforts déployés se concrétiseront par un nouveau statut plus conforme à la citoyenneté européenne de ces pays et territoires d’outre-mer, ce qui leur permettra d’être aussi les avant-postes de l’Europe dans leurs zones géographiques respectives.

L’intégration régionale est notre avenir tout autant que la force du lien avec la mère patrie. Cela n’est pas sans susciter dans nos collectivités une certaine schizophrénie que nous devrons apprendre à surmonter. C’est le prix de la pérennité de notre développement. Les États généraux devront sérieusement examiner ce problème.

Pour favoriser le développement économique de l’outre-mer, il faut prendre en compte autant les faiblesses structurelles qui sont communes à toutes nos collectivités que les caractéristiques propres à chacune.

Parmi les points communs, on peut, bien sûr, citer la question des prix. Je me réjouis, monsieur le secrétaire d’État, que, lors de votre audition devant la commission des finances, le président de cette dernière ait évoqué l’éventualité d’un recours au contrôle des prix. Je reviendrai sur cette question lors de la discussion de l’article 1er A, sur lequel j’ai déposé des amendements et un sous-amendement.

Il est un autre point que l’on retrouve dans chacune de nos collectivités, à savoir l’insularité et la nécessité d’aider à notre désenclavement, ce qui est bien entendu la condition indispensable du développement. À Wallis-et-Futuna, ce handicap est encore plus prononcé. En effet, non seulement ce territoire est le plus éloigné de la métropole – 21 000 kilomètres après escale obligatoire en Nouvelle-Calédonie –, mais, de plus, sa population subit le diktat d’Air Calédonie International. Cette compagnie aérienne, de par sa situation de monopole, prend en effet en otages les habitants de Wallis-et-Futuna, en leur imposant des tarifs et des horaires qui entravent la liberté de circulation.

Dans cette situation de crise mondiale, de capitalisme devenu fou, nous redécouvrons les vertus de l’intervention de l’État. Pourquoi ce qui est vrai pour les banques ne le serait-il pas pour les abus des monopoles, que ceux-ci soient le fait de compagnies aériennes ou de commerçants pratiquant des prix de vente abusifs ?

L’enclavement de Wallis-et-Futuna est aggravé par l’insuffisance sur place des structures de santé et d’éducation qui rend obligatoire l’émigration.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’amendement du Gouvernement sur le passeport-mobilité risque de jeter la confusion dans la prise en charge des lycéens obligés de quitter le territoire lorsque la filière qu’ils ont choisie n’est pas proposée sur place. Actuellement, cette prise en charge est intégralement assumée par le ministère de l’éducation nationale. Je voudrais que l’assurance me soit apportée, par la rédaction de l’article 26, que la totalité de la prise en charge par l’État sera maintenue d’une manière ou d’une autre.

Le désenclavement est la condition première du développement de nos territoires les plus handicapés. Le Gouvernement l’a bien compris, puisqu’il a institué, à l’article 10, une aide au fret pour les départements d’outre-mer et Saint-Pierre-et-Miquelon, et a déposé un amendement en vue d’étendre cette mesure à Mayotte, en oubliant Wallis-et-Futuna malgré ma demande.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, j’espère que nous pourrons trouver un accord sur ce point et remédier ainsi à cette injustice. Ce serait très peu coûteux, mais très utile pour nous.

Hormis ces points communs – insularité, cherté des prix, désenclavement –, chacune de nos collectivités dispose de spécificités propres qui doivent être prises en compte.

Ainsi, pour ce qui concerne Wallis-et-Futuna, il est évident que certaines dispositions du statut de 1961 dont je parlais précédemment freinent considérablement toute possibilité de développement.

Notre système foncier est tel que nous ne pourrons profiter du dispositif qui va être mis en place par le projet de loi dans le domaine du logement par exemple, bien que cet aspect constitue une partie importante de ce texte. Nous serons écartés, sinon en théorie du moins en pratique, de bon nombre des dispositions qui vont être établies, tandis que l’acquisition de navires, par exemple, ne nous sera pas facilitée, alors que la pêche est bien évidemment pour nous une piste évidente de développement. J’ai déposé un amendement dans ce sens, et j’espère qu’il trouvera un écho favorable.

Madame le ministre, monsieur le secrétaire d’État, la tâche qui nous attend est immense, mais elle est exaltante, car nous préparons l’avenir de nos populations. Cette tâche passe par le texte qui nous est soumis aujourd’hui, mais celui-ci, soyons-en certains, ne constitue qu’une étape dans le nécessaire changement d’approche des questions ultramarines.

Les États généraux de l’outre-mer vont s’ouvrir et nous permettre de compléter notre travail en faveur d’une évolution profonde et durable de l’outre-mer.

De vastes chantiers de réflexion nous attendent, au premier rang desquels, à mon sens, l’intégration régionale que j’ai déjà évoquée au début de mon intervention, mais aussi l’éducation, enjeu d’autant plus crucial pour un avenir meilleur que l’échec scolaire est élevé dans nos collectivités.

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