J’ai bien entendu les arguments des uns et des autres, notamment ceux de mon collègue et ami Gérard Miquel.
Il s’agit d’un sujet lourd sur lequel nous devons travailler de façon concertée et précise, afin d’éviter tout effet pervers pour un secteur qui est déjà en grave danger. Je le dis depuis un certain nombre d’années en tant que rapporteur pour avis de la commission de la culture, pour l’audiovisuel et la presse, l’aide à la presse ne doit plus être le résultat d’un saupoudrage opéré sans transparence, sans exigences claires et en l’absence de toute stratégie de l’État pour ce secteur d’activité.
Dès le prochain budget, il nous faudra donc, non pas réduire l’aide, mais la rendre lisible dans le cadre d’une stratégie appropriée pour faire face à la mutation de la presse et apporter des réponses, notamment à M. Miquel.
Pour l’heure, je suis défavorable à ces amendements, qui auraient des effets pervers importants.
Je tiens à rappeler que la presse s’inscrit d’ores et déjà à 100 % dans une démarche de développement durable, à différents niveaux. Ainsi, le papier journal utilisé est issu à près de 70 % de vieux papiers recyclés et de 30 % de bois d’éclaircies, dont la coupe est nécessaire à l’entretien et à la progression du parc forestier.
Les invendus sont recyclés.
La presse met en place des procédés industriels respectueux de l’environnement, grâce à l’utilisation de machines, produits et procédés spécifiques, tels que la technologie dite « waterless », et à l’adoption de normes et de labels tels que Imprim’ vert.
Le secteur de la presse connaît de très grandes difficultés qui sont aggravées par la crise actuelle, laquelle touche tout le monde, et par la mutation industrielle généralisée qui s’opère avec la révolution du numérique. Celle-ci fragilise encore plus un secteur pourtant indispensable à la liberté d’expression et au pluralisme politique dans notre pays.
Par conséquent, je ne pense pas que le moment soit opportun de prendre une disposition qui est, certes, sous-tendue par de bonnes motivations, mais dont le résultat, évalué par les spécialistes, serait une contribution estimée à 30 millions d’euros selon une version, mais pouvant aller jusqu’à 100 millions d’euros selon une autre version, cela à un moment où le nombre d’exemplaires imprimés a diminué de 12 % entre 2000 et 2008 et où la distribution a diminué elle-même de près de 11 % sur la même période.
C’est donc non seulement la presse mais tout le réseau de distribution qui sont affectés. Or, dans les mois qui viennent, la question de la distribution sera un enjeu pour les travailleurs de ce secteur important.
À la faiblesse de la distribution de la presse payante s’ajoute une contraction significative, évaluée à près de 16 % sur la période 2000-2008, du chiffre d’affaires global de la presse.
Certes, quelques secteurs se portent bien : une certaine presse magazine, qui est d’ailleurs la plus lourde à recycler ! Mais il nous est difficile d’improviser en séance une disposition visant une partie de la presse magazine sans penser que d’autres secteurs, indispensables à la liberté d’opinion et qui vont très mal aujourd’hui, risquent d’être touchés.
De plus, la proposition qui nous est faite concerne également le livre, qui est pourtant « recyclé » à 100 % et dont vous conviendrez avec moi qu’il n’est pas un produit jetable comme les autres. Dans les brocantes et les librairies, on trouve des livres datant de soixante-dix ans qui ne sont toujours pas libres de droits et qui ne peuvent donc être assimilés à ces journaux ou à ces publicités que l’on retrouve dans les poubelles !
Il serait dommage qu’une telle taxe rende encore plus difficile la situation du livre, profondément touché par la révolution du numérique, surtout au moment où tous les acteurs de la chaîne, jusqu’aux libraires, nous demandent de ne pas accepter le relèvement du taux de la TVA à 7 % sur les livres.
Quelle que soit la commission à laquelle nous appartenons, prenons, les uns et les autres, l’engagement de travailler pour trouver, d’ici à l’année prochaine, une réponse commune appropriée sur le sujet évoqué par M. Miquel. Mais, en attendant, je vous demande, par conviction, de rejeter son amendement, mes chers collègues.