Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est devenu particulièrement difficile de lire et d’analyser la totalité de la masse budgétaire attribuée à la politique publique de la jeunesse et de la vie associative : la crise économique et sociale, les conséquences de la réforme des collectivités territoriales sur les finances locales, et donc sur leur capacité d’intervention, font peser de lourdes menaces sur le financement des associations. Dans un tel contexte, l’éparpillement des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » prive cette politique, que le Gouvernement qualifie d’« ambitieuse », de toute lisibilité !
Les crédits budgétaires du programme 163 « Jeunesse et vie associative » s’élèvent à 230 millions d’euros pour 2012, soit une hausse de 7, 2 % par rapport à 2011.
Cette augmentation est exclusivement due à la priorité donnée au service civique, au détriment de tous les autres crédits, notamment ceux de la vie associative et du secteur de l’éducation populaire. Force est de constater que, en dépit de discours en apparence généreux, la politique en direction de la jeunesse et de la vie associative ne figure pas parmi les priorités du Gouvernement, tant s’en faut. Ce budget est loin de pouvoir satisfaire les aspirations de la jeunesse !
Ce double discours est connu : d’une part, on flatte les associations en vantant leur contribution essentielle à la cohésion sociale et à l’innovation ; d’autre part, année après année, on les étrangle financièrement ou on les réduit à la sous-traitance de la seule commande publique ! Pourtant, vous le savez, madame la secrétaire d’État, ces associations sont des partenaires loyaux, évalués régulièrement et dont la mission de service public est reconnue.
Le programme 163 s’articule selon trois actions : l’action n° 1, Développement de la vie associative, se voit attribuer 12, 7 millions d’euros, contre 13, 4 millions d’euros en 2011, soit une baisse de 9 % ; les crédits de l’action n° 2, Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire, passent de 76, 58 millions d’euros à 77, 28 millions d’euros, soit une augmentation de 1 % ; enfin, les crédits de l’action n° 4, Actions particulières en direction de la jeunesse, sont les seuls à bénéficier de la croissance du programme, au détriment de ceux des autres actions.
Au sein de l’action n° 1, malgré une forte demande du mouvement associatif, le budget alloué à la formation des bénévoles stagne à 10, 83 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2011, alors que, dans un récent rapport, le Centre d’analyse stratégique regrette que le « bénévolat ne [fasse] pas l’objet d’une politique structurée », afin de susciter davantage de vocations. Ne pensez-vous pas, madame la secrétaire d’État, qu’il serait urgent de résoudre cette contradiction ? Il y va de l’avenir du bénévolat, sans lequel il ne saurait y avoir de vie associative contribuant à la cohésion sociale sur l’ensemble du territoire.
La France compte actuellement plus de 12 millions de bénévoles actifs. Le volume de travail de ces bénévoles est estimé à 935 000 emplois en équivalent temps plein travaillé et a augmenté de 30 % entre 1999 et 2005. Tous ces chiffres, madame la secrétaire d’État, illustrent le rôle essentiel du bénévolat, qui n’est pas suffisamment soutenu, comme ce serait légitime.
Les crédits de l’action n° 2, Actions en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire, sont stables. Au sein de ces crédits, on ne peut que constater et déplorer la nouvelle réduction de 4 % de ceux qui sont alloués aux associations nationales agréées « Jeunesse et éducation populaire ». Cette nouvelle baisse aggrave l’érosion continue du soutien de l’État aux associations de jeunesse et d’éducation populaire et aux projets qu’elles développent. Ainsi, en l’espace de quatre ans, nos associations auront subi une véritable saignée, avec une coupe budgétaire cumulée de 25 % !
Les crédits consacrés au Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire, le FONJEP, sont en baisse de 3, 2 %. La diminution des postes financés par le FONJEP a des conséquences désastreuses sur l’emploi associatif et accroît les charges des collectivités locales, qui doivent compenser ce désengagement de l’État. N’oublions pas que les jeunes sont les premiers touchés par ces suppressions d’emplois !
L’examen des crédits vient également confirmer la disparition des sous-actions liées à la protection des jeunes et de celles concernant le soutien aux métiers de l’animation, les budgets correspondants diminuant de 36 % et de 5, 8 % respectivement. Avec 140 millions d’euros, les actions particulières en direction de la jeunesse connaissent une augmentation de leurs crédits de 14 %, le fameux service civique enregistrant notamment une nouvelle progression spectaculaire.
Cette volonté de développer le nombre de volontaires du service civique ne doit toutefois pas occulter les incertitudes qui demeurent sur l’aspect qualitatif des expériences proposées à ces jeunes. Ce service civique peut être comparé à un « faux nez » qui masque le désengagement massif et continu de l’État du soutien global aux activités des associations de jeunesse et d’éducation populaire. Vous préférez concentrer des moyens sur des programmes et des dispositifs gérés en direct, au détriment d’une politique d’accompagnement et de développement de la vie associative ! Ce service civique ne peut, à lui seul, tenir lieu de politique publique en faveur de la jeunesse et de l’éducation populaire ! S’agit-il d’une politique pour tous les jeunes ou de quelques mois de volontariat associatif pour quelques-uns ?
De nombreuses difficultés techniques sont apparues dans les procédures de gestion relatives au fonctionnement du service civique, ce qui a entraîné des retards dans le versement des indemnités aux volontaires. Pouvez-vous nous assurer, madame la secrétaire d’État, que vous disposez de moyens supplémentaires pour mettre fin à de tels dysfonctionnements ?
Un récent rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’application de la loi relative au service civique a pointé de nombreux blocages remettant en cause le respect des objectifs assignés à ce dispositif : un défaut de mixité sociale, une sous-représentation des jeunes de niveau scolaire inférieur au baccalauréat, un moindre développement dans les territoires ruraux par manque de moyens, un défaut de contrôle, faute d’effectifs, par l’Agence du service civique de la qualité des missions et de leur conformité aux agréments délivrés, l’absence d’un réseau de pilotage de proximité, la conception du service civique comme un dispositif national, alors qu’il intègre tous les volontariats internationaux, beaucoup plus coûteux. Surtout, deux écueils importants ont été mis en évidence : le risque de substitution à l’emploi – 42% des engagés dans un service civique en 2010 étaient à la recherche d’un emploi – et le « recyclage » des missions antérieures.
En matière de tutorat et de formation civique et citoyenne des jeunes engagés dans un service civique, ce dispositif connaît un échec total. Quand pensez-vous, madame la secrétaire d’État, annoncer la parution du décret nécessaire pour autoriser l’Agence du service civique à subventionner les organismes d’accueil afin qu’ils puissent assurer cette formation ?
Le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse connaît une diminution de ses crédits : ils ont baissé de 44, 4 %, pour s’établir, en 2011, à 20 millions d’euros, contre 45 millions d’euros en 2010. Aucune évaluation d’étape n’a été réalisée, alors qu’il est prévu que ce fonds existe jusqu’en 2014. Quels objectifs lui avez-vous fixés, madame la secrétaire d’État ?
Le Fonds d’expérimentation pour la jeunesse et, plus largement, la politique en faveur de la jeunesse sont exemplaires du désengagement de l’État, dans un double mouvement de sollicitation des collectivités locales et du secteur privé, en l’espèce la société Total et l’Union des industries et des métiers de la métallurgie. C’est ainsi que l’entreprise Total s’est engagée, en partenariat avec l’État, à verser une contribution nette globale de 50 millions d’euros sur la période 2009-2014. Nous souhaiterions plus de transparence dans l’intervention de tels crédits. Permettez-moi de vous faire part de nos inquiétudes, madame la secrétaire d’État, quant à cette menace de placer la politique de la jeunesse sous tutelle du secteur privé. L’introduction d’une logique marchande dans l’emploi de ces crédits budgétaires, illustrée par le recours aux procédures d’appel à projets, pose problème.
Une fois de plus, force est de constater le désengagement de l’État, qui abandonne le soutien à la vie associative alors que les bénévoles et les jeunes ont plus que jamais besoin de l’aide des pouvoirs publics.
Promouvoir et faciliter l’engagement bénévole, inscrire dans la durée les financements, améliorer les outils de connaissance de la vie associative, soutenir les regroupements associatifs, notamment les fédérations d’associations et les conférences, comme lieux de concertation, de mutualisation, d’expertise et de représentation, voilà autant de perspectives de nature à assurer l’essor de la vie associative.
Confiance réciproque et transparence dans le partenariat constituent les conditions essentielles du renouveau des relations entre le secteur associatif et les pouvoirs publics. La vie associative perdrait rapidement ses marques si elle n’était pas toujours soutenue par les collectivités territoriales.
Bref, ce projet de budget consacre la perte de moyens publics. Il s’inscrit dans une logique confirmée d’abandon de la mission éducative. C’est un projet de budget en trompe-l’œil, que notre groupe rejette donc.