Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 3 décembre 2011 à 14h30
Loi de finances pour 2012 — Sport jeunesse et vie associative

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, chers collègues, c’est bien un budget du sport en baisse, et même en berne, que nous examinons aujourd'hui. Les chiffres sont éloquents : les crédits du programme « Sport » représentent moins de 0, 3 % du budget de l’État ; on est très loin de l’objectif de 3 % annoncé par le Président de la République au début de son mandat.

Les orientations de ce projet de budget sont également très significatives. Le lien entre le sport et la santé ainsi que la promotion du sport pour tous étaient de grands objectifs du mandat du Président de la République : c’est donc très logiquement que les moyens alloués sont en baisse…

Jamais la source du financement du sport amateur n’a été à ce point tarie : jamais ! Or, tous les acteurs du sport que nous avons pu auditionner dans le cadre de l’examen de ce projet de budget nous ont dit que, sans le sport de masse, le sport de haut niveau ne serait pas ce qu’il est. Prioritaire en cette année olympique, le sport de haut niveau n’est d’ailleurs pas beaucoup mieux loti ; c’est dire !

Avant d’évoquer les grands axes de ce projet de budget, je ferai quelques remarques sur la façon incohérente dont il est construit.

En effet, la dotation de l’État prévue est inférieure à celle d’un fonds de concours provenant d’un organisme extrabudgétaire ! La gestion du personnel est, quant à elle, assurée par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. Cela est pour le moins surprenant et contraire aux principes posés par la loi organique relative aux lois de finances.

En outre, les changements de périmètres au fil des années, les modifications de présentation comptable, ainsi que la valse des ministres, ne contribuent pas à rendre lisibles les crédits de cette mission.

Ces remarques étant faites, j’en viens à l’examen de la répartition des crédits selon les grands axes du projet de budget.

En premier lieu, les moyens alloués à la promotion de la santé par le sport sont en baisse. Les crédits de l’Agence française de lutte contre le dopage sont constants, mais nous savons tous que cette lutte nécessite chaque année des innovations. Il est dommage de perdre du terrain alors que la France est reconnue partout comme étant en pointe dans ce domaine.

En deuxième lieu, la promotion du sport pour tous est le parent pauvre du projet de budget pour 2012, avec 8, 21 millions d’euros de crédits en 2012, contre 26, 18 millions d’euros trois ans plus tôt ! À ce niveau, il est difficile de croire que le ministère ambitionne de mener une politique d’intérêt général. La promotion du sport pour tous, action en direction du grand public, qui permet de détecter nos futurs champions, est pourtant le cœur de métier des fédérations.

Si les crédits alloués aux fédérations sont stables, c’est par la seule grâce des fonds de concours. Toutefois, nombre de représentants des fédérations ne peuvent atteindre les objectifs assignés de diversification des pratiques. Nous courons ainsi le risque de voir s’éloigner du sport un certain nombre de nos concitoyens : je pense aux personnes handicapées, aux publics socialement défavorisés, aux femmes ou encore aux habitants des zones rurales.

Le quatrième axe majeur de ce projet de budget est le sport de haut niveau. Force est de constater que l’échéance olympique n’amène pas vraiment à attribuer plus de moyens aux sportifs de haut niveau. La hausse spectaculaire des crédits résulte en effet du transfert de personnels des CREPS. Ne nous y trompons pas !

C’est dans ce contexte que s’achève la réforme des infrastructures accueillant les sportifs de haut niveau. Les CREPS ont ainsi recentré leurs missions et ont vu en conséquence leur nombre diminuer et leurs effectifs baisser de 5 %. Nous verrons prochainement si cette politique était la bonne.

La rénovation de l’INSEP est une bonne chose, à condition qu’on lui donne également les moyens de bien fonctionner au quotidien. De la même façon, si nous considérons avec bienveillance la mise en place d’un dispositif spécifique d’ouverture de droits à la retraite pour les sportifs amateurs de haut niveau représentant la France dans les compétitions internationales, nous estimons qu’il faut avoir en la matière la même ambition que celle qui s’impose à nos sportifs avant les grandes échéances : il faut étudier la possibilité d’étendre ce dispositif afin de mieux prendre en compte la durée réelle d’une carrière.

Enfin, le cas du CNDS est symptomatique à la fois de la volonté d’externaliser les politiques publiques et de l’incapacité à se placer à la hauteur des enjeux qui caractérisent ce projet de budget. Censé accompagner le financement des grands stades et permettre le développement du sport dans les territoires, le CNDS n’est pas doté de moyens à la mesure des missions qui lui sont assignées. Nous avons souhaité, dans cette assemblée, lui en donner davantage par le biais du prélèvement exceptionnel « Trucy ». La majorité de l’Assemblée nationale nous a suivis, monsieur le ministre, et elle est même allée plus loin, mais vous l’avez contredite en faisant rejeter cette mesure ! Dans ces conditions, il faudra nous expliquer comment le CNDS pourra assumer son rôle.

Parce que nous refusons ce recul, nous avons de nouveau déposé un amendement visant à permettre au CNDS de financer son action en relevant le taux du prélèvement opéré sur les mises encaissées par la Française des jeux.

Nous entendons également soutenir le financement du CDNS en élargissant l’assiette de la taxe « Buffet ». Cela permettra notamment de mettre à contribution les opérateurs fiscalement installés hors de France, qui étaient jusque-là injustement exemptés de cette taxe.

Nous soutiendrons donc les deux amendements adoptés par la commission.

Telles sont les inquiétudes et les réserves que nous inspire ce projet de budget. Le retrait de l’État oblige les collectivités à investir davantage alors qu’elles sont déjà les premières contributrices à la vie du mouvement et des équipements sportifs. Je pense notamment aux communes, qui y consacrent plus de 9 milliards d’euros chaque année. Dans un contexte d’étranglement budgétaire des collectivités, il n’est pas possible de pallier les défaillances de l’État. Collectivités et élus locaux sont donc condamnés à voir leurs associations et leurs équipements se dégrader. Devant ces difficultés, nombre de collectivités se voient contraintes de s’en remettre à l’offre privée, laquelle n’a pas pour vocation première de s’ouvrir au plus grand nombre. Je crains donc que la France n’ait de plus en plus de mal à demeurer une grande nation sportive, en dépit de l’engagement de nos bénévoles et de la qualité de nos athlètes.

Pour ces nombreuses raisons, je vous invite, mes chers collègues, au nom du groupe socialiste-EELV, à voter contre les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

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