Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, après vingt jours de débats en séance, précédés des travaux en commission – plusieurs commissions outre celle des finances ont eu à se prononcer sur les différents amendements –, que retenir de ce premier examen d’un projet de loi de finances par un Sénat majoritairement de gauche ?
Comme nous l’avions annoncé d’emblée, nous n’avons pas élaboré un contre-budget, la Constitution ne nous en donnant pas les moyens. D’ailleurs, le projet de loi de finances lui-même n’est pas cette année un véritable budget : il prend une place finalement assez étroite dans le continuum engagé au début de septembre avec le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2011, auquel il faut intégrer le projet de loi de financement de la sécurité sociale et qui s’achèvera avec le quatrième collectif, que nous examinerons la semaine prochaine en séance publique et dès demain en commission.
Il est du reste frappant de constater que les principales mesures des plans Fillon qui doivent prendre effet en 2012 se trouvent non pas dans le projet de loi de finances mais dans les autres textes que je viens de citer.
Néanmoins, comme nous le souhaitions, nous qui siégeons sur les travées de la gauche avons envoyé un message au Gouvernement : il existe une alternative à la politique que le Gouvernement nous présente comme la seule possible.
Sans revenir sur nos différents débats, je rappellerai simplement que nous avons mis en en évidence le décalage permanent entre le discours du Gouvernement et ses actes. Le Gouvernement se pose en champion de la maîtrise des dépenses et en ennemi des hausses d’impôts. Il fait exactement l’inverse en prélevant 43 milliards d’euros supplémentaires entre 2010 et 2012, tout en repoussant le véritable effort sur les dépenses à l’après-2013. Il n’assume pas les hausses d’impôts massives qu’il met en œuvre.
Pour rétablir nos comptes publics, il faut des prélèvements obligatoires justes, équilibrés et certainement en hausse. Plus personne ne le conteste. Il faut une trajectoire équilibrée entre mesures de recettes et de dépenses, et le retour à l’équilibre doit se faire dans la justice. Nous essayons d’en être les garants sur les travées de la gauche. Ce sont les positions que j’ai défendues de la place où je suis, celle de rapporteur général.
Sur les recettes, nous avons proposé, notamment en revenant sur les dispositifs de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, de modifier le partage de l’effort en le faisant peser beaucoup moins sur les ménages et la consommation, et plus sur le patrimoine.
Quand à l’ampleur de l’effort en recettes, si l’on prend en compte les « plus » et les « moins », nos votes ont conduit à le majorer d’une dizaine de milliards d’euros. Je rappelle que nous avons voté en première partie une mesure portant sur l’impôt sur les sociétés à très fort rendement ; j’avais indiqué, dès que son chiffrage avait été connu, qu’elle n’aurait vraisemblablement pas vocation à figurer dans le texte définitif. Je sais que le texte repart en commission mixte paritaire et que l’Assemblée nationale aura le dernier mot.
Une dizaine de milliards d’euros ! Je serais surprise que, quel que soit le gouvernement au pouvoir dans la deuxième partie de 2012, ce ne soit pas le montant minimal d’effort supplémentaire nécessaire pour respecter l’objectif de déficit de 4, 5 % du PIB en 2012. En tout cas, je constate que, la semaine dernière, l’OCDE a considéré que la crédibilité de la France exigerait qu’elle prenne des mesures supplémentaires à hauteur de 8 milliards d’euros.
Personne ne peut prédire l’avenir, je n’y prétends pas, mais personne ne peut affirmer non plus que nos votes conduiraient à un « choc fiscal » délirant ? Nos votes reflètent une conception prudente de la politique budgétaire et une volonté de maîtriser l’évolution de notre ratio d’endettement public. La confrontation que nous aurons en 2012 sur ces sujets s’imposera à tous. Notre conception est à l’exact opposé de la politique conduite par le Gouvernement depuis cinq ans, qui a consisté à sacrifier les recettes publiques jusqu’en 2010, pour ensuite, dos au mur, contenir le dérapage des comptes en taxant à tout va et en détruisant les services publics, particulièrement ceux de proximité, par une RGPP aveugle.
Ma sévérité est justifiée par le contexte car, si une solution crédible n’est pas trouvée au sein de la zone euro, nul ne sait où l’approfondissement de la crise nous conduira. Je ne fais pas de procès d’intention au Président de la République ni au Gouvernement dans les négociations qu’ils mènent avec les partenaires européens, mais je doute de leur capacité à situer les enjeux à la bonne hauteur. En effet, aucune règle d’or ne nous dispensera de nous préoccuper du soutien à l’économie et à la croissance. Or je constate que la croissance est la grande oubliée des pourparlers. Je n’entends ni le Gouvernement ni le Président de la République poser ce problème dans les discussions qu’ils mènent.
Dans ces conditions, c’est un projet de loi de finances pour 2012 précaire qui sera examiné lundi par la commission mixte paritaire, laquelle butera très rapidement sur les points les plus durs. Et je vous donne rendez-vous très vite puisque, dès demain matin, nous entamons le projet de loi de finances rectificative.
Mais nous nous rendrons compte également que les parlementaires, au-delà de leurs orientations politiques, partagent des aspirations communes, en particulier dans le domaine du logement ou des finances des collectivités territoriales, comme le débat que nous avons eu l’a bien illustré.
Nous avons adopté au Sénat des amendements émanant de tous les groupes. Les députés ont repris dans le collectif budgétaire des thématiques qui avaient d’abord été défrichées au Sénat, lors de l’examen des articles de la première partie, tel le régime des jeunes entreprises innovantes. Il peut y avoir matière à accords partiels, et c’est dans cet état d’esprit que nous irons, lundi prochain, en commission mixte paritaire.
Avant de conclure, je tiens à remercier Mme la ministre, qui a été présente pratiquement tout au long de nos débats, malgré le contexte politique actuel qui pouvait l’appeler en d’autres enceintes. Elle a joué le jeu du dialogue républicain, qui a quelquefois été vif, ce qui est normal dans une confrontation entre gauche et droite.
Je veux aussi remercier le président de la commission des finances, que nous appelons de moins en moins « monsieur le rapporteur général »