Intervention de Jean Bassères

Commission des affaires sociales — Réunion du 7 décembre 2011 : 1ère réunion
Audition de M. Jean Bassères candidat proposé par le président de la république à la direction générale de pôle emploi

Jean Bassères :

J'évoquerai tout d'abord mon parcours, puis ma motivation, pour expliquer pourquoi je suis candidat à ce poste.

Mon parcours présente trois caractéristiques. Il est tout d'abord assez stable. Depuis mon entrée dans la vie professionnelle, en 1986, j'ai principalement connu trois structures au sein du ministère des finances : l'inspection générale des finances (IGF) - que je dirige depuis quatre ans - à laquelle j'ai été affecté à ma sortie de l'Ena ; la direction générale de la comptabilité publique (DGCP), dans laquelle j'ai passé douze ans, dont sept en tant que directeur général ; le secrétariat général des ministères économique et financier, dont j'ai occupé les fonctions durant trois ans.

Je n'ai quitté Bercy que pour rejoindre deux cabinets ministériels, celui d'Henri Nallet et celui de Michel Sapin, au ministère de l'agriculture et au ministère de la justice.

Seconde caractéristique de ce parcours : il comporte une forte composante managériale. J'ai en effet dirigé trois structures de tailles extrêmement différentes. C'est à la comptabilité publique que j'ai approché les problématiques des grandes organisations publiques, dont je pense qu'elles sont, pour partie, communes avec celles de Pôle emploi.

Troisième caractéristique : ce parcours m'a donné une expérience du dialogue social dans l'univers public. Cela a été un point important de mes fonctions à la comptabilité publique, où j'ai été amené à nourrir un dialogue social approfondi autour de réformes complexes. Cela a été aussi le cas en tant que secrétaire général.

Lorsqu'on m'a demandé si j'étais intéressé par le poste de directeur général de Pôle emploi, je n'ai pas hésité : je suis en effet convaincu que la finalité sociale de Pôle emploi, son objet d'intérêt général, sont essentiels. C'est ce qui me motive et j'ai la conviction que les collaborateurs de Pôle emploi font un métier certes difficile mais indispensable pour nos concitoyens.

Ce qui me motive également, c'est le fait de contribuer modestement à faire en sorte que Pôle emploi soit un service public fort et l'une des réponses à la crise que nous connaissons aujourd'hui.

Un autre élément de motivation est lié à mon parcours : je sais que l'on prend beaucoup de plaisir - mais aussi de coups - à diriger une grande organisation publique et j'espère avoir quelques atouts à mettre au profit de Pôle emploi. C'est un point important pour moi. Je suis très heureux des fonctions que j'occupe aujourd'hui : diriger le service de l'inspection générale des finances est un travail passionnant et je n'envisage de le quitter que si je suis sûr d'avoir une adéquation avec l'emploi qui m'est proposé. J'espère que c'est le cas - mais je ne suis pas le mieux placé pour en juger.

Je suis très motivé pour essayer de contribuer à relever un double défi : consolider la fusion et essayer de donner un second souffle à Pôle emploi. C'est ce que je voudrais développer à présent, en précisant que je n'ai pas vraiment une connaissance aussi approfondie de Pôle emploi que ceux qui ont participé à la mission d'information à laquelle vous faisiez allusion. Je mesure aussi toute l'importance du travail accompli par Christian Charpy - actuel directeur général - et son équipe. Ils ont réalisé dans un temps record et dans des conditions difficiles une fusion qui est bien engagée. Je voulais rendre hommage au travail accompli depuis trois ans.

Pour ce qui me concerne, j'ai eu des échanges avec les administrateurs de Pôle emploi - que j'avais souhaité rencontrer individuellement avant que le conseil d'administration ne se prononce sur ma candidature - et avec quelques cadres.

J'en ai tiré deux orientations prioritaires. La première concerne la déclinaison de la convention tripartite qui unit l'Etat, l'Unedic et Pôle emploi, qui a été négociée au cours des derniers mois et qui va être signée prochainement.

La seconde orientation prioritaire est l'enjeu managérial, qui consiste à susciter l'adhésion des collaborateurs de Pôle emploi.

Le fait d'être nommé concomitamment à la signature de la convention tripartite est pour moi une vraie opportunité. Je ne connais pas beaucoup d'opérateurs de service public qui bénéficient d'une feuille de route pluriannuelle faisant l'objet d'un accord de ses financeurs.

J'ai suivi la négociation de cette convention d'assez près et je l'assumerai pleinement si je suis nommé directeur général.

Trois des enjeux de cette convention vont mobiliser l'équipe dirigeante de Pôle emploi : la dynamisation de la gouvernance, la définition d'une nouvelle offre de services et le renforcement de la territorialisation de Pôle emploi.

Je pense qu'il existe des marges de manoeuvre en matière de gouvernance afin que le conseil d'administration de Pôle emploi soit davantage associé aux décisions stratégiques de cet organisme. La convention y incite assez largement puisqu'elle mentionne dans plusieurs articles le rôle du conseil d'administration ; les contacts que j'ai eus avec les administrateurs m'ont conforté sur le fait qu'il y a de leur part une forte attente. Si je suis nommé directeur général, j'aurais donc à coeur de me mettre à la disposition du futur président du conseil d'administration pour faire en sorte que la gouvernance du conseil soit plus dynamique qu'elle ne l'a été dans la première phase de la fusion.

La définition de la nouvelle offre de services est l'enjeu essentiel de Pôle emploi pour les prochains mois, la convention fixant des principes et des objectifs ambitieux.

J'en ai retenu trois en particulier. Le premier concerne la nécessité de développer une meilleure information sur l'état d'avancement des dossiers d'indemnisation, tout en maintenant une indemnisation en temps et en heure.

Le deuxième consiste en une personnalisation et en un renforcement de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Au-delà d'un socle de services garantis, sorte de service public universel qui sera offert à tous les demandeurs d'emploi, il est nécessaire de mettre en place ou de consolider les dispositifs de suivi renforcé pour les demandeurs d'emploi qui en ont le plus besoin.

Le troisième enjeu concerne la nécessité de définir une intervention ciblée pour les entreprises, en assurant une transparence accrue du marché du travail mais aussi en offrant des prestations spécifiques aux entreprises qui rencontrent des difficultés de recrutement ou qui sont capables d'offrir des emplois durables correspondant aux portefeuilles de demandeurs d'emploi tenus par Pôle emploi.

Ces principes sont posés ; il va falloir les décliner de manière opérationnelle. Je ne sous-estime pas les difficultés que représentent les nombreuses questions auxquelles il va falloir répondre en termes d'outils, de calendrier, de formations au profit des conseillers.

Une attention particulière devra être portée à l'objectif fixé par la convention de redéployer, dans les trois ans qui viennent deux mille équivalents temps plein vers la fonction d'accompagnement. C'est un sujet qui sera difficile mais prioritaire. En même temps que l'on doit décliner l'offre de services, il faudra accorder une importance particulière à l'évaluation et à la mesure des résultats de Pôle emploi.

Aujourd'hui, on a un peu de difficulté à mesurer l'efficacité de Pôle emploi. La convention fixe de nouveaux indicateurs : il va falloir les construire, les mettre en place et adopter un dispositif de pilotage cohérent.

Le troisième enjeu de la convention tripartite, c'est la territorialisation de Pôle emploi et la proximité avec les territoires. Dans cette rubrique, on retrouve toutes les relations qu'il va falloir conforter, approfondir avec les collectivités locales, les partenaires sociaux, les cotraitants, tous les réseaux qui travaillent aujourd'hui sur l'emploi en France.

La seule conviction que j'aie en la matière, c'est qu'il faut que les partenariats se développent. Il faut que Pôle emploi fasse preuve d'ouverture et ne soit pas dans une logique dominatrice compte tenu de son rôle pivot sur l'accompagnement des demandeurs d'emploi.

La gouvernance, l'offre de services, l'ancrage avec les territoires sont donc des enjeux stratégiques pour Pôle emploi mais je n'oublie pas qu'il est un opérateur de services dont l'efficacité repose avant tout sur la mobilisation de ces collaborateurs. Pour que Pôle emploi réponde mieux aux attentes légitimes qui sont placées en lui, il est indispensable que les femmes et les hommes de Pôle emploi adhèrent le plus largement possible à une vision partagée du rôle et de l'avenir de ce grand service public.

Mon sentiment est que l'enjeu principal du nouveau directeur général est un enjeu managérial ; il s'agit de redonner de la confiance et de la fierté aux collaborateurs de Pôle emploi. Je n'ai pas de recette magique. Je voulais partager avec vous trois orientations qui me paraissent de nature à guider une démarche managériale ambitieuse. Il faut à la fois tracer des perspectives claires, faire le pari de la confiance et accorder une attention particulière aux conditions de travail.

Tracer des perspectives claires sera l'objet de la déclinaison de la convention tripartite. On vient de l'indiquer, il va falloir préciser assez rapidement dans quelles conditions on décline les principes qui ont été arrêtés par les partenaires sociaux et l'Etat. L'équilibre n'est pas facile à trouver entre la nécessité, dans des délais raisonnables, de montrer que des évolutions ont été mises en place, tout en se laissant le temps de réfléchir avec les collaborateurs de Pôle emploi à l'analyse et aux différentes évolutions que l'on peut envisager.

J'ai le sentiment que l'objectif calendaire fixé par la convention, qui demande de présenter au conseil d'administration sous six mois la nouvelle offre de services, est assez raisonnable pour mener cet exercice. Au delà de la déclinaison de la convention tripartite, il faut aller plus loin pour que chaque collaborateur de Pôle emploi puisse situer son action et sa contribution par rapport aux résultats de Pôle emploi. Cela soulève des questions d'organisation et de processus. Mon objectif est que chacun, au terme de ce processus, dispose de références claires sur ses perspectives individuelles et sa trajectoire. Il va donc falloir mobiliser les différents leviers de la gestion des ressources humaines, en accordant sans doute une importance particulière au management de proximité qu'assurent les directeurs d'agence et les responsables d'équipes.

Deuxième orientation : parier sur la confiance. Il s'agit d'abord d'associer les collaborateurs de Pôle emploi à la déclinaison de la feuille de route. Il convient aussi d'essayer de passer à une deuxième phase de la fusion. La première a été nécessairement très centralisatrice. Désormais, il faut changer de logique, en partant d'un principe simple : tout ce qui peut être déconcentré au profit des directeurs régionaux et des directeurs d'agence doit l'être, en recherchant systématiquement simplification et subsidiarité.

Faire le pari de la confiance, c'est aussi accroître les marges de manoeuvre dont dispose chaque conseiller en relation avec le demandeur d'emploi ou l'employeur. C'est un sujet très important pour moi. Cela suppose de mettre à sa disposition des outils, qu'il va falloir construire, portant sur l'offre de services de Pôle emploi et de ses partenaires, sur l'analyse du marché du travail local, sur l'adéquation entre le marché du travail et les compétences des demandeurs d'emploi. On a besoin, pour que le conseiller joue un rôle plus important dans la détermination des parcours, qu'il soit le plus outillé possible. Il est sans doute également nécessaire de mettre en place, de la part du management de proximité, des outils de pilotage plus performants.

Le pari de la confiance, c'est aussi pour moi le fait de laisser beaucoup de place aux expérimentations et à la diffusion des bonnes pratiques, auxquelles je tiens beaucoup.

La troisième orientation que je voulais vous présenter porte sur l'importance qu'il faut accorder aux conditions de travail. Je sais que l'amélioration des conditions de travail est une préoccupation forte de l'équipe dirigeante actuelle de Pôle emploi et que beaucoup de projets qui ont été élaborés sont en cours de déploiement ou vont être déployés en matière de formation, d'immobilier, de systèmes d'information. Je ne doute pas que les partenaires sociaux de Pôle emploi sauront me sensibiliser assez rapidement aux besoins supplémentaires. J'ai en la matière une conviction : chez un opérateur de services, la qualité de services et la performance dépendent largement du bien-être des collaborateurs. C'est un enjeu de gouvernance interne mais aussi un enjeu d'efficacité.

Il va donc falloir étudier cette situation tout en ayant en tête que la convention tripartite fixe un objectif de retour à l'équilibre financier en 2014, le résultat de Pôle emploi étant actuellement déficitaire de 120 millions d'euros.

Enfin, il faut éviter le déni en matière de risques psychosociaux. La fusion et la montée du chômage comportent des risques psychosociaux pour des hommes et des femmes dont le métier est difficile et qui peuvent parfois être confrontés à un sentiment d'impuissance. Les risques psychosociaux devront donc être examinés de très près.

Si ma nomination est confirmée, ma priorité, à court terme, sera de prendre le pouls de Pôle emploi en multipliant les déplacements sur le terrain, les rencontres avec les directeurs régionaux et les partenaires sociaux. Ce sera sans doute l'essentiel de ma tâche dans les premières semaines.

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